Audits des sociétés d’Etat : comment Yayi encourage et fait la promotion de la mauvaise gestion

Ces derniers temps, les conseils des ministres se suivent à un tel rythme qu’on se demande si les ministres ont le temps de gérer convenablement leurs départements ministériels. Le citoyen lamda se perd et n’arrive plus à suivre les décisions qui s’y prennent, décisions aux conséquences incalculables sur la gestion de la chose publique nationale.

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Notre éminent confrère, Maurice Chabi a mis à nu les non- dits du conseil des ministres du 05 février dernier dans son excellente chronique publiée dans notre édition d’hier. On peut en dire autant du dernier en date, celui du 15 février qui jette une lumière crue sur le mode de fonctionnement du système Yayi caractérisé avant tout par la navigation à vue et les effets d’annonce. Ainsi en est – il de la nomination du Sieur Michel Dognon en qualité de conseiller spécial à la gouvernance.

C’est dans la deuxième partie du compte rendu du dernier conseil des ministres  (voir extrait ci -dessous ) que la gestion des sociétés d’Etat a été  abondamment évoquée .Le conseil nous apprend que le ministre du développement a continué à présenter les rapports d’audits des sociétés d’Etat effectués à grands frais par des cabinets internationaux .Mais sans jamais rendre publiques les substances des dits rapports, le conseil conclut à l’urgente nécessité d’améliorer la gouvernance desdites sociétés. Ainsi, le conseil a décidé de la nomination  au poste de conseiller spécial du président d’un certain Michel Dognon, un compatriote, comme son nom l’indique,  jusque-là parfaitement inconnu par ici  affublé du titre ronflant « d’Auditeur sénior auprès du contrôleur général de l’Etat de New-York,  membre de l’équipe de contrôle du budget de New -York quarante-sept fois le budget de notre Etat »(les Béninois patriotes  apprécieront le compliment) ! On nous apprend aussi que  notre expert national est recruté sous un contrat de six(6) mois renouvelables contrat dont le contenu souffre également d’un black -out gouvernemental. L’information a de quoi surprendre parce qu’il est dit que notre illustrissime compatriote  est appelé à travailler de concert avec l’inspection d’Etat et le compte rendu de préciser  que sa présence permettra «  d’instaurer une nouvelle gouvernance dans nos sociétés d’Etat afin qu’elles deviennent des centres de profit, dégageant des ressources  et tout le bla bla…. », Comme si ce n’était pas leur objet principal. Au surplus, le conseil nous informe que le conseiller spécial sous contrat à durée déterminée opérera sous forme de « guichet unique »Quel modèle de gestion de l’audit invente-on au Bénin ?

Du déjà vu

Personne ne peut bouder le plaisir de voir un compatriote de la diaspora bardé de diplômes et riche d’expériences multiples et avérées revenir au pays pour en faire profiter  ses semblables. Le Bénin nous appartient à nous tous et nul ne devrait être de trop dans l’œuvre  d’édification de notre nation. Mais prenons garde de ne pas tomber dans l’angélisme des développeurs venus d’outre- mer avec des solutions de type clé en main. D’ailleurs,  le fameux Monsieur Dognon n’est pas le seul Béninois dans son domaine de compétence. Ils sont légions, les compatriotes spécialistes de gestion d’entreprise et experts en  audits  non pas seulement dans une municipalité  ou province d’Europe ou d’Amérique mais dans de très grosses multinationales ou cabinets de par le monde. Beaucoup d’entre eux ne manquent pas de séjourner régulièrement au pays incognito, sans soulever des vagues. Le problème de la gestion de nos sociétés n’est pas seulement un problème d’hommes compétents mais du cadre mis en place pour la gestion et surtout son contrôle permanent. Le meilleur gestionnaire qui n’est soumis à aucun contrôle est susceptible de mal gérer. Monsieur de Lapalisse ne dirait pas autre chose. Or, les organes de contrôle existent d’abord au sein de toutes nos entreprises publiques. Ce sont les départements dits d’audit interne  et les conseils d’administration. Dans le cas de la Cnss, c’est grâce à la vigilance du conseil d’administration que des erreurs de gestion ont pu être dénoncées et évitées, au grand dam du  Dg aujourd’hui reconverti en catimini en  conseiller juridique du chef de l’Etat, siégeant, toute honte bue,  depuis quelque temps , en conseil des ministres. Et à l’externe, en dehors de l’inspection d’Etat sous l’autorité de l’un de nos meilleurs experts comptables, Alidou Koussé , qui n’en finit pas de subir toutes les humiliations avec les recours annoncés en sa présence aux cabinets dits internationaux, il y a l’inspection des finances et les diverses missions et commissions d’enquête dépêchées en cas de malversation avérée. Si toutes ces structures  fonctionnaient correctement et étaient régulièrement épaulées par les syndicats-maison, point n’est besoin de faire appel à des démiurges extérieurs à l’entreprise pour bien la  gérer. Le reste n’est que verbiage et perte de temps. Au demeurant, ce n’est pas la première fois que le président Yayi a recours à des ressources-spectacles pour auditer et relever la qualité de la gouvernance de nos entreprises publiques. Souvenons- nous de l’épisode de la nomination tambour battant des intendants militaires dans ces mêmes entreprises. Ils y ont été maintenus pendant plusieurs années, avant leur retrait-limogeage en catimini,  sans qu’il y ait jamais  eu de rapport encore moins, de commission d’enquête sur la pertinence de  leur mission au sein des entreprises. Vous avez dit sanction ? L’énigme est totale ici. Le conseil semble monter que des personnes ont été épinglées par les audits. Mais il insinue une insuffisance ou lacune du dispositif répressif existant pour faire rendre gorge aux délinquants.

La question des sanctions

La question des sanctions est abordée très rapidement dans le dernier paragraphe du compte rendu du fameux conseil. Sous la forme d’un plaidoyer pro domo  qui ne manque pas de surprendre. Lisez cette perle : « le Conseil des Ministres s’est préoccupé de l’effectivité des sanctions à prendre contre les agents indélicats. Aussi, le Ministre du Travail, de la Fonction Publique, de la Réforme Administrative et Institutionnelle chargé du Dialogue Social, le Ministre chargé de l’Evaluation des Politiques Publiques et des Programmes de Dénationalisation, et le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme ont-ils été instruits, en relation avec la cellule juridique de la Présidence de proposer au Conseil des Ministres un texte renforçant les sanctions à l’encontre des agents indélicats. »On croit rêver ! De quel corpus de textes a-t-on encore besoin  pour prendre des sanctions à l’encontre des  délinquants économiques ? En  avait  eu- t-on besoin pour limoger en son temps le pauvre Expédit Houessou de la tête de la Sonacop ? Et la loi anti -corruption votée tambour battant,  au pas de charge par le parlement ? Et le nouveau code de procédure pénale ? Quel rôle veut-on faire jouer à l’Anlc qui a pourtant compétence pour ester en justice tous les gestionnaires indélicats ? Que faut-il de plus pour convaincre que le régime de la refondation n’a aucune volonté ni  vocation à  lutter contre la corruption. Cela se manifeste entre autres par l’injonction faite au collège des ministres d’entrer en liaison avec la cellule juridique de la présidence de la république. Que reste –t-il des normes administratives élémentaires dans un Etat de droit ? La volonté de surprendre la vigilance est patente. Et le régime sait sauver les faussaires

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Extrait du conseil des ministres  du 15 février

Enfin, le Ministre du Développement, de l’Analyse Economique et de la Prospective a poursuivi la présentation des audits des sociétés d’Etat. En analysant la situation des sociétés auditées et les recommandations des cabinets internationaux, le Conseil des Ministres a décidé la reprise en main de la gouvernance des entreprises concernées. Dans cette perspective, notre compatriote Monsieur Michel DOGNON, Auditeur Sénior auprès du Bureau du Contrôleur Général de l’Etat de New York, membre de l’équipe de contrôle du budget de New York quarante-sept fois le budget de notre Etat, soucieux de servir la mère patrie le Bénin, est nommé Conseiller Spécial à la Présidence de la République chargé de la Gouvernance des Entreprises Publiques et du contrôle interne. Monsieur Michel DOGNON bénéficie d’un contrat de six (06) mois renouvelable en cas de besoin. La mission de Monsieur Michel DOGNON sera de renforcer dans un système de guichet unique les capacités des sociétés d’Etat au plan comptable et financier, d’audit interne, de contrôles interne et externe, de mise en place de méthodes et organisation appropriées pour prévenir la mauvaise gouvernance. L’assistance de ce compatriote dont les compétences dépassent les frontières de notre pays, permettra d’instaurer une nouvelle gouvernance dans nos sociétés d’Etat afin qu’elles deviennent des centres de profit, dégageant des ressources destinées à construire des écoles, des centres de santé, des routes, à assurer l’accès à l’eau, à l’électricité, bref permettant de réaliser la sécurité humaine dans les soixante-dix-sept communes de notre pays avec pour vision l’aménagement du territoire, n’excluant aucune localité, dans une politique harmonieuse de solidarité et d’appartenance de tous à la République. Le Conseiller Spécial à la Présidence de la République chargé de la Gouvernance des Entreprises Publiques et du contrôle interne travaillera en synergie avec l’Inspection Générale d’Etat.

Dans le cadre de la recherche de la bonne gouvernance au sein des sociétés d’Etat, le Conseil des Ministres s’est préoccupé de l’effectivité des sanctions à prendre contre les agents indélicats. Aussi, le Ministre du Travail, de la Fonction Publique, de la Réforme Administrative et Institutionnelle chargé du Dialogue Social, le Ministre chargé de l’Evaluation des Politiques Publiques et des Programmes de Dénationalisation, et le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme ont-ils été instruits, en relation avec la cellule juridique de la Présidence de proposer au Conseil des Ministres un texte renforçant les sanctions à l’encontre des agents indélicats.

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