« Boni Yayi, le véritable obstacle à l’émancipation de notre peuple » Philippe Noudjènoumè

Le constitutionnaliste Philippe Noudjènoumè, président de la Convention Patriotique des Forces de gauche (Cpfg) et premier Secrétaire du Parti communiste du Bénin (Pcb) revient sur le discours livré par Boni Yayi sur la crise sociale le 28 février dernier. Il le fait dans un décryptage publié en intégralité ci-dessous.

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Philippe Noudjènoumè analyse au regard de la loi les grands axes du discours du président Boni Yayi. Ce sont entre autres l’illégalité de la marche du 27 décembre 2013 et de la grève qui a suivi depuis le 06 janvier, la restitution des défalcations sur salaires et les mises en gardes du chef de l’Etat. Le professeur de droit constitutionnel à l’université d’Abomey-Calavi, Bénin conclut que le président « Boni Yayi se révèle tous les jours comme le véritable obstacle à l’émancipation de notre peuple.» Lisez plutôt.

CONVENTION PATRIOTIQUE DES FORCES DE GAUCHE (CPFG)

Tél : 98 33 29 88/ 90 91 41 97

DECRYPTAGE DU DISCOURS DU 28 Février 2014.

YAYI Boni se révèle tous les jours comme le véritable obstacle à l’émancipation de notre peuple.

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Le Président de la République, YAYI Boni a fait un Message en date du 28 février 2014 et dont l’élément le plus agité est la restitution des défalcations de l’année 2014.

En décryptant un peu ce discours, on note les traits saillants que voici :

1°- La manifestation des Confédérations et fédérations syndicales du 27 décembre 2013 est illégale parce que « non autorisée par l’Autorité départementale au regard des dispositions légales »

2°-Les grèves en cours sont illégales parce que n’ayant pas respecté la procédure légale; ce qui justifie les défalcations.

3-La restitution des défalcations de 2014 n’est pas due à leur illégalité mais simplement est faite dans « un souci d’apaisement».

 4°- Les travailleurs sont instamment ordonnés de reprendre le travail sinon les défalcations se poursuivront car « En tout état de cause, les dispositions de la loi seront appliquées jusqu’à nouvel ordre car force doit rester à la loi et les dispositions seront prises à cet effet ».

Avant de parler des appels politiques, passons un peu en revue les argumentaires juridiques.

1- Le premier point : La manifestation des Confédérations et fédérations syndicales du 27décembre 2013 est illégale parce que « non autorisée par l’Autorité départementale au regard des dispositions légales »

Que disent les dispositions formelles de nos textes constitutionnels et légaux ?

L’article 25 de notre Constitution dispose : « L’Etat reconnaît et garantit dans les conditions fixées par la loi la liberté d’aller et de venir, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation ». Et tout un chacun qui s’occupe de la chose juridique sait qu’une liberté mise dans une Constitution n’a pas besoin d’autorisation pour s’exercer. Par exemple, doit-on demander une autorisation pour créer une association ou tenir une réunion dans une maison, une école ; doit-on demander une autorisation pour aller de Cotonou voir un parent  (ou aller faire une affaire) à Parakou ? C’est bien sûr que non. Pour la liberté de manifestation, c’est qu’elle peut entraver l’exercice d’une autre liberté, celle de la circulation des citoyens. Alors il est prévu une déclaration-information de l’Autorité chargée de l’ordre public dans une commune afin que celle-ci prenne les mesures d’encadrement de cette manifestation.

Quelle est l’autorité chargée de recevoir et de gérer l’encadrement dans une Commune ?

L’article 76 de la loi 97-029 du 15 Janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin » dispose formellement « Le maire est chargé de la police administrative dans la commune. Il sollicite pour ce faire le concours des services compétents de l’Etat. Les actes de police du maire ont pour objet d’assurer l’ordre, la tranquillité, la sûreté et la salubrité publics… ». La seule autorité compétente en matière de maintien d’ordre dans la commune est le maire et non le préfet. On ne parle du préfet que si l’ordre est troublé dans deux ou plusieurs communes limitrophes. C’est dire que l’arrêté  n° 2012- 2/338 DEP-Atl-litt/SG/SP-C  du 07 Août 2012 pris par le Préfet de l’Atlantique et du Littoral, Placide AZANDE est d’une illégalité absolue ; en ce qu’elle viole et la Constitution et la loi 97-029 du 15 Janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin.

L’acte portant interdiction de la marche du 27 Décembre 2013 qui se trouve être l’application de l’arrêté  anticonstitutionnel et illégal est aussi d’une illégalité absolue. Car en se prévalant d’un texte illégal pour interdire une liberté constitutionnelle, AZANDE Placide se place en élément hors-la loi.

YAYI Boni en soutenant cette illégalité révèle qu’il est en réalité le véritable auteur de l’arrêté illégal et réel commanditaire des répressions sanglantes du 27 Décembre 2013.

2- En ce qui concerne le second point : Pour le Président de la République les grèves en cours sont illégales parce que n’ayant pas respecté la procédure légale notamment n’ayant pas respecté les articles 3, 4, 6 et 7 de la loi portant exercice du droit de grève en République du Bénin et qui définissent la procédure à suivre en la matière.

Et là encore il est complètement dans le tort. Tout le monde sait que même si, les Centrales parlaient d’aller en grève générale, la raison fondamentale qui a fait déposer la motion de grève générale par les centrales le 02 Janvier est incontestablement l’ignoble et sanglante répression du 27 Décembre 2013. Cette motion qui annonce une grève d’avertissement prend effet à partir de 07 Janvier 2014.

Alors que viennent chercher les articles cités ici par le Chef de l’Etat, à savoir les articles 3, 4, 6 et 7 qui tous traitent  de la procédure obligatoire de négociation  suivie d’un rapport de constat de désaccord avant tout déclenchement de la grève. A ce sujet rappelons simplement que les questions qui ont nécessité la marche du 27 Décembre 2013 sont déjà celles qui sont contenues dans la motion de grève d’avertissement déposée le 02 Janvier 2014. Alors quel meilleur rapport de désaccord peut-on obtenir que la répression sanglante qui s’en est suivie. La répression sanglante constitue en elle-même le meilleur « procès-verbal de désaccord » qui soit qui se suffit à lui-même. Du reste la même loi 2001-09 du 21 Juin 2002 portant exercice du droit de grève en République du Bénin ne dispose-t-elle pas en son article 9 alinéa 2 « Lorsque la grève vise à riposter contre un acte grave d’atteinte à un droit du travailleur par le responsable d’un service, le préavis  est de vingt-quatre heures ».

Enfin à qui incombe la tâche d’appeler à négociation une fois le préavis déposé si ce n’est le gouvernement ?  Au contraire, loin d’apaiser les esprits, le gouvernement  -y compris son premier responsable, le président  YAYI- n’a rien trouvé de mieux que la négation des faits et des provocations en série avec les défalcations.

Il ne parle nullement de l’article 25 de la loi sur la grève qui dit « Les grèves ayant pour motifs la violation des libertés fondamentales et des droits syndicaux universellement reconnus ou le non paiement des droits acquis par les travailleurs, ne donnent lieu à aucune réduction de salaire ou de traitement » et de l’illégalité flagrante des défalcations. Ainsi à  bout d’argumentaire, le Président YAYI Boni en vrai dictateur qui interprète les textes selon son bon vouloir, s’accroche aux questions de procédure, occultant cette règle juridique qu’entre deux illégalités, l’illégalité interne (violation d’un texte) est plus grave que l’illégalité externe (qui touche aux règles de procédure qui dans le cas d’espèce n’existent même pas).

Que conclure des développements ci-dessus ?  On peut conclure deux choses : la première est qu’après avoir nié les faits de répression du 27 décembre en parlant de « mercurochrome ou de sang de mouton jeté sur le corps », le Président YAYI Boni passe à la négation du droit : droit de grève, droit de manifestation, toutes pourtant inscrites dans la Constitution. La deuxième est qu’en justifiant  la barbarie des actions répressives du Préfet AZANDE et du Commissaire AGOSSADOU, et en se refusant systématiquement à les relever de leur fonction, YAYI Boni se révèle comme le véritable auteur par procuration et de l’arrêté illégal de Placide AZANDE et de la répression sanglante du 27 Décembre 2013. YAYI Boni apparaît comme le seul véritable obstacle à la jouissance des libertés au Bénin, le véritable obstacle à l’émancipation de notre peuple.

Que valent alors les appels au dialogue ?

La logique autocratique apparaît ici tout crue. La décision de remettre les défalcations par « magnanimité », annoncée par YAYI Boni lui-même par message au peuple montre qu’il n’attache aucune importance à aucune commission ; il n’attache la moindre importance à aucun de ses ministres ni facilitateurs (ABIOLA, SOUMANOU, MENSAH et autres ADAGBE) qui comptent pour du pipo.

Alors l’appel au dialogue n’a, dans la bouche de YAYI Boni, que cette signification : « Travailleurs et peuples du Bénin, vous n’avez aucun droit qui ne soit octroyé par moi ; tout ce que vous faites sans mon accord ou contre ma volonté est illégal, seule ma Volonté fait Loi selon l’adage princier « parce que tel est mon bon plaisir ! »

Tel est le réel décryptage que l’on peut faire du message du 28 février 2014 du Roi YAYI Boni.

Et la réaction des travailleurs et du peuple du Bénin en général face à ce message révèle qu’ils l’ont compris ainsi, parfaitement compris !

Cotonou, le 06 mars 2014
Philippe NOUDJENOUME
Président de la Convention Patriotique des Forces de gauche
Premier Secrétaire du Parti communiste du Bénin

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