Patrimoine culturel en danger au Bénin : la place de la réconciliation en état de pourriture derrière la présidence

La place de la réconciliation, symbole du retour sur la terre de leurs ancêtres d’arrières fils de Noirs vendus en esclavage en occident, est dans un état de ruine croissante derrière le palais de la présidence de la République et devient un espace de honte national plutôt que d’affirmation culturelle du Bénin.

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Une muraille noircissante portant des inscriptions de têtes de morts et de terreurs, des matières fécales asséchées dans les coins et recoins, une broussaille abritant de petits reptiles, de minuscules cocotiers s’efforçant de ne pas mourir faute d’entretien au milieu desquels est pointée une statue de deux hommes se blottissant dans les bras l’un de l’autre. C’est le décor dans lequel végète, la place de la réconciliation, encore appelée la porte du retour, qui se trouve derrière la présidence de la République du Bénin. A l’opposé du site de la porte du non-retour située dans la ville coloniale de Ouidah qui jouit d’un intérêt particulier du public et connue même au-delà des frontières nationales, le site de la porte du retour érigé depuis 2001, souffre d’un abandon et d’une méconnaissance qui témoigne de son état de décrépitude actuel.

Bon coin pour voyoucratie

Loin de tout regard inquisiteur, de jeunes amoureux, malgré l’insalubrité avancée des allées ou couloirs du site, trouvent le coin propice pour leurs rencontres. Par deux fois, la rédaction a surpris deux différents couples de jeunes amoureux dans les allées de ce lieu d’histoire abandonné aux intempéries. Sur l’esplanade externe du site, rien ne renseigne sur sa nature. Pour preuve, une jeune demoiselle, des amoureux rencontrés sur le lieu a déclaré ne rien savoir sur ce que représente ce site. «Vous m’en apprenez » a-t-elle dit quand elle se laisse entendre qu’il s’agit de la place de la réconciliation, encore appelée la place du retour. Outre les amoureux qui s’y rendent, la place porte les marques du passage de voyous. Sur les murs et poteaux en béton de la porte du retour se trouvent des graffitis de tête de mort qui signifie «danger de mort », des inscriptions de messages comme « True evil never die » (le vrai démon ne meurt jamais) et autres bizarreries complètement incommodes avec l’esprit de ce lieu.

Une place interdite

Malgré sa proximité avec la présidence, la place de la réconciliation est interdite à la tombée de la nuit. Pour cause, elle est dépourvue d’électrification. «Venir ici à partir de certaines heures est trop risqué » prévient Dah Ahognin, une personne âgée rencontrée un après-midi  en compagnie de quelques jeunes dont Jean-Marie Ahouansou, un jeune débrouillard  qui vient se reposer par moment. «Ce lieu souffre d’un manque d’électrification, d’arbres pour l’ombre, de bancs à installer par endroit et de panneaux indicatifs sur sa nature » fit observer le jeune homme qui,  appuyé par le vieux apprend  l’assassinat d’une personne   dans un jardin situé non loin de la place broussailleuse de la réconciliation située tout juste derrière le Palais de la Marina.

Une démission politique

L’état de la place de la réconciliation révèle la démission des autorités politiques sur le plan culturel. Le Bénin a eu le privilège d’avoir sur son sol, une des trois  statues de bronze du sculpteur britannique Stephen Broadbent, symbolisant la réconciliation dont les  deux autres sont respectivement  implantées à Liverpool, la grande  ville portuaire anglaise du commerce triangulaire et à Richemond, une autre ville esclavagiste aux Etats-Unis. Contrairement à celle du Bénin qui est délaissée, oubliée et méconnue du grand  public, les deux autres jouissent d’attention particulière, et celle de Richmond avait même reçu une visite d’une délégation béninoise selon les infos publiées sur le site de l’Agence béninoise pour la réconciliation et le développement (Abrd).  Sur ce site, on lit également l’information d’un projet  de  réhabilitation de cette place que le gouvernement béninois peaufinerait. Mais le  constat est que le site est dans un état dégradant pour l’image du Bénin, et injurieux pour les descendants d’esclaves qui sont revenus sur le sol de leurs aïeux. En attendant que ce fameux projet ne vienne réhabiliter, commettre des  agents pour l’entretien régulier de la place de la réconciliation serait déjà appréciable.

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