Le Nigeria et nous

Dimanche 12 avril : jour de gloire pour le Nigeria. Notre grand voisin de l’Est reçoit les attributs de la première puissance économique africaine. A son actif, un Produit intérieur brut (PIB) de 510 milliards de dollars. C’est l’équivalent de 255 000 milliards de francs CFA. Soit dit en passant, le PIB du Bénin est estimé à 3 750 milliards de francs CFA.

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Il est à peu près sûr qu’une telle information laisse de marbre le Mozambicain lambda. Pour lui, le pays de Jonathan Goodluck, ce n’est pas la porte à côté. Et puis, ses préoccupations du moment vont vers la grande saison des pluies qui s’annonce. Par contre, un Sénégalais a des raisons de montrer quelque intérêt pour cette information. L’exploit du Nigeria, n’est-ce pas l’honneur de la sous-région ouest-africaine ? Que vive la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Et le Béninois donc ? Le Nigeria lui est proche. Le Nigeria est   gravé dans son quotidien. C’est par un accident de l’histoire, suite aux rivalités entre puissances impériales, que le Bénin, 10 millions d’habitants, s’est retrouvé accroché, pour le meilleur et pour le pire, au flanc du géant nigérian. Poids humain : 170 millions d’âmes. Le destin aura ainsi scellé cet étrange mariage, le mariage de la carpe et du lapin. Ce qui explique que quand le Nigeria s’enrhume, le Bénin tousse.

Première économie africaine : le Nigéria propulsé par les Télécoms et Nollywood

Le Nigeria ne peut donc être sacré première puissance économique africaine sans que cela ne remue le Bénin tout entier, sans que cela ne tire les Béninois d’une torpeur qui n’a que trop duré. Inscrivons-nous en faux contre l’assertion selon laquelle le Nigeria et le Bénin n’ont que la contrebande en partage. Refusons d’accréditer l’idée selon laquelle le Nigeria et le Bénin n’ont que les effets pervers de l’insécurité et des trafics en tous genres à gérer ensemble. Nous sommes de ceux pensent, avec conviction, que les deux pays ont un destin commun à construire. Ceci, en termes de coprospérité et dans l’intérêt bien compris de l’un et l’autre pays. Loin des acrobaties de l’informelle. Loin des contorsions de la contrebande. Mais quelle part le Bénin doit-il s’engager à prendre pour rendre possible cette intégration fructueuse ?

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Le Bénin ne peut plus continuer à avoir une approche improvisée et informelle de son grand voisin de l’Est. Par rapport au grand Nigeria, c’est montrer trop de négligence, c’est faire preuve de trop d’insuffisance. L’absence de structures de réflexion stratégique et géopolitique reste une grosse lacune. C’est la cause première de notre déficit en informations utiles. Nous ignorons tout des enjeux d’une élection au Nigeria. Il en est de même des opportunités qu’offre ou que peut offrir ce pays pour nos marchés, pour nos universités, pour le cercle de nos opérateurs économiques, pour la libre circulation des personnes, des idées et des biens. Le temps de l’empirisme et de l’amateurisme doit prendre fin.

Le Bénin doit réorienter sa politique étrangère, sa diplomatie. Les priorités, ici, du seul fait de la donne nigériane, doivent être recadrées et redimensionnées. Les vicissitudes de l’histoire ont pu faire percevoir le Nigeria aux Béninois comme un fardeau. Les impératifs de la géopolitique, dans l’esprit de l’avantage réciproque, doivent agir comme un puissant levier de solidarité, de coopération harmonieuse.

Heureuse coïncidence que l’élection d’une nouvelle Chambre de Commerce et d’Industrie du Bénin (CCIB). A sa tête, un manager clairvoyant, dynamique en la personne de Jean-Baptiste Satchivi. Cette institution ne peut plus rester recroquevillée sur elle-même alors que la furia d’un monde globalisé fait bouger tout autour de nous. Les deux Chambres, la béninoise et la nigériane, doivent rapprocher leur vision, harmoniser leurs programmes, confondre leur stratégies d’action. Voilà l’option gagnante pour espérer vendanger les fruits de la coprospérité sur les terres complices de l’intelligence économique.

The last but not the least, le Bénin doit s’orienter, de manière volontariste, vers un bilinguisme français/anglais. Cela n’aura que des avantages pour nous. Du reste, pourquoi avoir attendu   longtemps avant de l’appréhender comme un fait d’évidence ? Pourquoi continuer d’hésiter face à ce qui semble être de l’ordre d’une nécessité ?  Et si nous placardions l’injonction ci-après au fronton de notre Fonction publique : « nul n’entre ici s’il ne parle anglais.  » Connaissez-vous le comble de l’absurde ? 10 millions de Béninois, sourds et muets en anglais, mourant d’envie de nouer le dialogue avec 170 millions de Nigérians.

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