Lutte contre Boko Haram: pourquoi l’Afrique de l’ouest doit se mobiliser

Les exactions de la secte islamiste Boko Haram au Nigéria devraient susciter une réaction concertée de tous les pays de l’Afrique de l’Ouest. Des considérations géostratégiques pourraient, en fait, emmener l’organisation à frapper dans d’autres capitales ou zones de la région.

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Un bien triste regain de «popularité» pour Boko Haram. Disons-le comme ça. Le nom de la secte islamiste  nigériane fait depuis quelques semaines la Une des grand medias internationaux. Boko Haram fait beaucoup parler d’elle depuis le rapt spectaculaire de deux cents jeunes lycéennes dans une localité de l’Etat de Borno, son fief situé au nord-ouest du Nigeria à la frontière tchadienne. L’indignation qu’a suscitée cet enlèvement au sein de la communauté internationale a tourné les projecteurs sur le Nigéria. Même devenu première puissance économique africaine, le pays n’a pas tant attiré l’attention des medias internationaux sur le géant pétrolier. L’appel « Bring Back our girls », en français « ramenez nos filles », fait le tour des réseaux sociaux.

Abubakar Shekau et les siens peuvent se réjouir de ce coup avec son double impact. Boko Haram a non seulement réussi à se faire une occasion de publicité gratuite, mais la secte a aussi réussi à créer l’émoi au sein de la communauté internationale. En témoigne les différentes offres de soutien aux autorités d’Abuja pour faire face à la situation ; suite à l’appel lancé par le Président Goodluck Jonathan. Dans ce cadre, et suite à la promesse du président, Barack Obama, des experts américains sont depuis vendredi 09 mai dernier au Nigéria pour aider l’armée dans la recherche des filles. On attend aussi des experts français, Paris ayant affirmé qu’elle répondrait positivement à la sollicitation d’Abuja. Grande mobilisation internationale contre les actes ignobles et barbares de Al-Sunna Wal, nom officiel de Boko Haram, signifiant « Disciples du Prophète ». Cette mobilisation internationalise de facto la lutte que les autorités nigérianes menaient jusque-là seule, du moins officiellement- contre la secte islamiste. Les Etats-Unis n’agissent-ils pas pour contrer le mal à distance ? D’autant plus qu’un rapport de la Chambre des représentants a conclu que la secte islamiste représentait une menace croissante pour les Etats-Unis. Ce qui donne de l’importance à Boko Haram, qui pourrait rêver d’étendre ses tentacules dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest.

La lutte s’internationalise

Boko Haram a pour objectif principal de transformer le Nigéria en un Etat islamique et y faire appliquer la charia. Ainsi, la secte mène-t-elle ses actions de sabotage et autres attentats seulement sur le territoire nigérian. Prenant pour cible mosquées, églises, écoles, postes de police, commissariats etc. Son seul action d’envergure contre un intérêt international a été l’attentat contre le siège des Nations- Unies à Abuja en août 2011

Aujourd’hui, la lutte contre Boko Haram s’internationalise. En représailles, ces personnes qui croient dur comme fer inoxydable que « l’éducation occidentale est un péchée » (signification en français du nom Haussa ‘Boko Haram’) pourraient s’en prendre aux intérêts occidentaux dans la sous-région ouest-africaine. Encore que, la secte dispose déjà d’une cellule internationale, avec des partisans au Mail, au Tchad et au Niger, selon les spécialistes. La porosité des frontières en Afrique de l’Ouest est un facteur favorable à la mobilité de ses membres en vue de leur implantation dans d’autres pays frontaliers du Nigéria comme le Bénin et le Cameroun, et même d’autres pays du Golfe de Guinée tels que le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire. Les parties septentrionales des pays du Golfe de Guinée présentent tous des caractéristiques favorables à l’implantation de mouvements comme Boko Haram. Population majoritairement musulmane, régions très peu développées par rapport au Sud, faible présence de structures étatiques et services sociocommunautaires, populations déshéritées, pauvreté et jeunesse au chômage. Tout ceci augmente au sein des populations des régions concernées le sentiment d’injustice et d’abandon.

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Devenir le maître de la terreur

On fait de plus en plus cas des liens entre Boko Haram, Al-Qaeda et Aqmi (Al-Qaeda au Maghreb islamique). N’opérant au début que dans les Etats du Nord du Nigéria, Boko Haram a atteint progressivement le centre du pays. Et menace de descendre plus au Sud, à Lagos. Qui dit que dans leur lien avec Aqmi et Al-Qaeda (organisation mère), Abubakar Shekau et ses frères de sang, ces fous de Dieu, ne nourrissent pas le rêve d’étendre leur réseau pour devenir un mouvement transnational très actif. Pour  régner en Afrique de l’Ouest comme les seuls maîtres de la terreur. Elle pourrait compter sur les djihadistes délogés du Nord Mali et son réseau international.

Par conséquent, la lutte contre la secte ne doit pas  limiter à l’envoi d’experts américains ou français pour aider l’armée nigériane à résoudre un problème ponctuel : la recherche des lycéennes enlevées. Il faut une stratégie inclusive de lutte, impliquant tous les pays de la sous-région. Cette stratégie doit prendre en  compte le volet socio-économique de la menace terroriste. Il faut agir ensemble. Boko Haram est si loin, mais si proche de nous.

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