La responsabilité de nos cadres

Un cadre, qui est-il et que fait-il ? Le dictionnaire répond : un salarié exerçant une fonction de direction, de conception et de contrôle dans une entreprise ou dans une administration.  S’il en est ainsi, nous pouvons dire que le Bénin a beaucoup de cadres, dans toutes les sphères d’activité. Mais tous ces cadres lui sont-ils vraiment utiles ? 

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Retenons les trois mots clés : direction, conception, contrôle. Pour diriger, il faut être en position de tête. En cela et au niveau qui est le sien, tout cadre est un chef. Pour concevoir, il faut se démarquer d’un simple exécutant en s’aidant de sa tête pour réfléchir, prendre des initiatives, innover, créer. Pour contrôler, enfin, il faut reprendre sa tête, revisiter ce qui a été fait, tirer d’utiles enseignements.

Si tel était l’espace d’action qui leur est dévolu dans la gestion de leurs pays, nos cadres mériteraient d’être mieux situés, quant à leur rôle et quant à leur place. Ils disposent, d’abord, d’énormes pouvoirs d’action. Ils sont comptables, ensuite, de ce qui se fait de bien ou de mal dans nos pays. Ils ont, enfin, une grande responsabilité dans le développement ou dans le mal développement du Bénin, de l’Afrique.

Or, c’est un fait d’évidence : au Bénin, en Afrique, tout est loin d’être pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ne prenons qu’un seul exemple. L’Afrique représente à peine 3% de l’économie mondiale. C’est tout dire : une goutte d’eau dans l’océan. Cela interpelle nos cadres. Cela engage leur responsabilité. Que font-ils de leur pouvoir de direction, de conception, de contrôle ? Pourquoi eux qui ont beaucoup reçu manquent-ils d’être en position de beaucoup donner ? Notre situation de pays pauvres peut s’expliquer au regard des limites de nos cadres, en rapport avec les défaillances de nos cadres.

Premièrement. Nos cadres sont omniprésents sur le terrain du paraître.Nous les retrouvons dans cette ébauche de portrait de La Rochefoucauld : « Les uns veulent paraître ce qu’ils ne sont pas ; les autres sont ce qu’ils paraissent ». (Fin de citation). Nos cadres cherchent, en effet, à se distinguer de l’immense majorité de leurs compatriotes. Aussi sèment-ils sur leur parcours de petites choses de fantaisie, devant les valoriser à leurs propres yeux et aux yeux des autres. Aussi développent-ils des habitudes de consommation assez indicatives de leur vison du monde : voiture, complet veston cravate, menus et grands plaisirs de l’existence. Aussi se lancent-ils dans de folles dépenses, avec un train de vie d’enfer sans commune mesure avec leur rémunération. Assujettis pour la plupart au salaire, nos cadres ne font pas travailler l’argent, mais travaillent pour l’argent. Aussi courent-ils après l’argent. Aussi cherchent-ils à en gagner à tout prix et parfois à n’importe quel prix. L’argent primant tout, le service des autres, sous l’angle de leur utilité sociale, peut attendre.

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Deuxièmement. Nos cadres sont encore absents des chantiers du développement.Qui passe le plus clair de son temps à courir après l’argent n’a plus que peu de temps à consacrer au développement.  Et si, après tout et malgré tout, il y parvenait, ce serait au prix d’une débauche d’énergie fort préjudiciable. Cela use le corps, fatigue le cœur, dévitalise l’esprit. Cela explique en partie notre penchant à être plus consommateur que producteur, plus suiveur que créateur, plus imitateur que novateur. On ne peut servir deux maîtres, Dieu et l’argent. On ne peut non plus privilégier l’inessentiel et l’argent et éprouver des sensations fortes pour un développement digne de ce nom. Est tout aussi problématique, voire opportuniste, le saut à pieds joints de nombre de nos cadres dans la politique. Souvent, sans préparation. POur les résultats que l’on sait.

Troisièmement. Nos cadres sont encore absents de la scène de l’histoire. L’échec global de nos cadres, reflété par le faible niveau de développement de nos pays, explique nos retards, rend compte de nos rendez-vous manqués. En termes de rapports de force, nous n’avons aucune prise sur les affaires du monde. Plutôt Paris et Londres que Cotonou et Bamako. Plutôt Washington et Pékin que Dakar et Abuja. Nous ne disposons pas de la marge nécessaire pour agir. Nous sommes agis. Nous pesons de peu de poids sur la marche du monde. Nous sommes des satellites gravitant autour des astres majeurs. Pourrons-nous un jour renverser la vapeur et reprendre notre juste place dans le concert des nations ? A condition de changer notre cadre d’action pour que nos cadres s’obligent à changer leur mode de fonctionnement

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