Le pardon présidentiel : essai de décryptage d’une thérapie de masse

Le 14 mai dernier, le Chef de l’Etat déclarait,solennellement, qu’il accordait son pardon  à tous les détenus impliqués dans les dossiers d’association de malfaiteurs et de tentative de son assassinat par empoisonnent d’une part,et d’attentat à la sureté de l’Etat, d’autre part. Nous essayons d’en cerner toute  la dimension.

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Le pardon a toujours été un grand événement en ce sens  qu’il grandit celui qui l’accorde, mais aussi celui qui le sollicite, le cas échéant. C’est un  événement émotionnel parce qu’il réunit, à nouveau, les protagonistes d’hier et qu’il mérite,de par ce fait, que l’on s’en félicite. Aussi vox populi n’at-elle  de cesse de le fêter, avec grande conviction, suite à celui que vient d’accorder le chef de l’Etat aux présumés coupables des événements supposés avoir eu lieu en octobre 2012  et Février 2013.

Un pardon inéluctable

  Le pardon dont il s’est agi dépasse les dimensions de deux hommes, de part les immenses répercussions et l’impact que leur querelle a eussur le pays entier. Aussi ne serait- il pas responsable detourner tout simplement  la page sans, pour autant,analyserl’événement qui a mis un terme à une situation qui a tenu le peuple en haleine, pendant près de deux ans.

Le pardon du chef de l’Etat, pour spectaculaire qu’il ait été, ne pouvait faire l’effet d’une bombe ; l’on s’y attendait pour plusieurs raisons. La plus noble d’entre  elles, est que le Président de la Républiqueest en fin de mandat et qu’il ne peut prendre le risque d’entrer dans l’histoire, en laissant le pays dans l’état  ou l’ontplongé ses mésententes avec son ancien ami soupçonné d’avoir été l’instigateur des affaires su la sellette. Deux seules personnes dont l’une porte la lourde responsabilité de gérer tout un peuple, ne pouvaient continuer de subjuguer ainsi toute une nation, au rythme de leurs différends et de leurs ressentiments,sans finir par entendre raison ; la passe d’armes était devenue insupportable pour le peuple.

De plus, il se faisait de plus en plus évident que la persistance decette situation conflictuelle érodaitde façon linéaire la confiance du citoyen en son leader, à telle enseigne qu’il n’appréciait point à leur juste valeur tous les efforts que déployait le chef de l’Etat  dans sa quête dudéveloppement du pays. Le citoyen a fini par les soupçonner de masquer quelque subterfuge.

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L’ordonnance de non-lieu du juge d’instruction et le verdict des tribunaux de Paris ont jeté le trouble dans les esprits. La  crédibilité du chef de l‘Etat était, à tort ou àraison, écornée. Il fallait trouver les voies et moyens de parer à la  situation.

La querelle a largement dépassé nos frontières, projetant  l’image d’un pays qui ne pouvait résoudre ses contradictions, déflorant et entachant par la même occasionla stature internationale qu’a su se forger le chef de l’Etat lui-même,auprès de la communauté internationale.Le pardona redoréson  blasonet l’a réhabilité auprès  de ses pairs.

Un pardon qui nous est arrivé de l’extérieur

En offrant son entremise,le Président Abdou Diouf, Secrétaire général de l’organisation internationale  de la francophonie, s’est offert l’occasion de démontrer à la face de la communauté internationale et particulièrement francophone,qu’il a eu raison de donner une impulsion politique à cette instance.

Nous sommes dans la sphère naturelle d’intervention morale et politique de la France et le Président François Hollande ne pouvait laisser la situation perdurer, puisque nous n’arrivions pas à la résoudre de notre propre chef.

Pour parler net, cette médiation  étrangère ne nous a guère fait honneur.Nous avons malencontreusement ébruité les deux affaires à coups de mandat d’arrêt international et de commission rogatoire. Nous avons donné une dimension internationale à ce qui aurait dû,  pour cause de dignité nationale, rester domestique.Il nous revient de reconnaitre, en outre, que nous manquons d’imagination pour régler nos différends à l’interne, si tant est  qu’ils impliquent le Chef de l’Etat. A preuve, lorsque les commerçantsont,naguère, eumaille à partir avec le chef de l’Etat, n’ont-ilspas dû aller chercher un des leurs, au Sénégal, pour mener les négociations et jouer les bons offices auprès du Président de la République ? Nous plaidons pourtant, depuis un temps déjà, en faveur del’institution d’une GrandeMédiation de la République, et aussi, d’une Haute Autorité  Morale près le chef de  l’Etat, pour connaitre de ces genres de situation.

Un pardon sur fond de non-lieu et de levée des charges

C’est lapalissade que le pardon n’a de substance que morale et qu’elle n’a pas de signification  devant l’instance judiciaire ; et nous savons que le Chef de l’Etat ne peut,en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, ordonner à cette dernière  de se dessaisir d’une affairependante. Mais il convient de reconnaitre qu’en ce qui concerne les deux affaires en question, la Cour suprême a su , tout à la fois, ouvrir la voix au règlement honorablede la situation,et partant, au pardon du Chef de l’Etat en donnant l’opportunité à la chambre d’accusation de la Cour d’appel, de lever les charges formulées contre les présumés coupables.

En tout état de cause, notre impression  de profane est qu’en ces affaires, devenuesdélicates ,le politique a su convaincre le judiciaire et que le judiciaire a su aider le politique.   Peut-être le fallait-il de cette manière pour ramener la paix dans le pays ; et c’est tant mieux ainsi même si ce pourrait être tant pis pour le principe de la stricte séparation des pouvoirs.

Un pardon en forme de thérapie

Le pardon  du chef de l’Etat a été, en réalité, porteur d’une thérapie de masse : tout le peuple l’attendait. Opération toute politique, il a toutefois le mérite de restituer à la Nation entière, même au-delà des deux affaires, la confiance en lui-même, dont elle avait grand besoin. En effet, nous devrions avoir souvenance du fait que ces affaires sont venues en réalité corser un malaise qui existaitdéjà. En politique une affaire en cache une autre, bien souvent. De même que les effets de l’une peuvent être la cause de l’autre sans que l’on perçoive, au prime abord, les interactions entre les deux événements.Monsieur Talon  était déjà en délicatesse avec le Chef de l’Etat sur l’exécution du Programme de vérification des exportations, depuis mai 2011, quand les affaires de tentatives d’empoisonnent et d’atteinte à a la sureté de l’Etatont fait jour ;et l’on avait tôt fait de convenir  que le crime devait profiter à quelqu’un. La guéguerre a profondément divisé le peuple y compris ses Représentants à l’Assemblée nationale, notamment au sein de la mouvance présidentielle ; et l’on devrait, pour s’obliger à la courtoisie, faire l’impasse sur le comportement de certains d’entre eux, dans ces affaires.  

Nous qualifions le pardon du Chef de l’Etat de thérapeutique parcequ’en définitive, il aura étéun coup de génie politiquedans la mesure où il aura réussi le coup de forced’apaiser le peuple par un pardon sur deux affaires frappées,tout ensemble et somme toute,de non-lieu. En outre, le pardon pourrait tout aussi bien viser à désamorcer la troisième affaire qu’est le Programme de Vérification des Exportations.Puisse t-ilalors, paver, par ricochet, la voie à un règlement négocié avec Benin Control SA, afin que le peuple nesoit pas la victime expiatoire  de cet autre conflit, ni n’ait, au grand jamais, à en faire les frais. Peut-être, qu’à cette occasion, conviendrait-onde la nécessité de l’institution de la Grande Médiation de la République et de la Haute Autorité Morale que nous prônons de tout notre saoul.

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