Bénin : de la gestion de la parole publique

Nous sommes sur la place publique. Donc, loin de l’espace privé et intime de nos maisons, de nos bureaux, de nos salons. Des propos tenus en public, sur une chaîne de télévision, allusion faite aux déclarations de Fatouma Amadou Djibril, ministre de l’Agriculture, escaladent les murs du secret et de la confidentialité. 

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Le public-destinataire est aussi vaste que pluriel. Ce public est au Bénin et hors du Bénin. Il a la taille des réseaux sociaux et la couleur universelle de notre planète.

Qu’a-t-elle dit Mme Fatouma Amadou Djibril sur la chaîne de Télévision Canal 3, le 20 juillet 2014, et qui fait, depuis, des vagues ? (Citation) : «Yayi Boni est un homme de parole qui a promis ne pas faire un troisième mandat. Mais si le peuple le sollicite pour un troisième mandat, la volonté du peuple sera respectée». (Fin de citation)

Réaction immédiate, dès le lendemain, de François Abiola, ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur (Citation) : «J’apporte un démenti formel. Le Président de la République n’est pas demandeur d’un troisième mandat. Ma collègue s’est laissé aller. C’est une déclaration très grave. Yayi n’a jamais demandé à ma collègue d’aller dire çà. Vous me voyez aller dans le Plateau pour marcher pour un 3ème mandat de Yayi ? Jamais.» (Fin de citation).

La déclaration publique de Fatouma Amadou Djibril, bat en brèche une disposition de la Constitution de la République du Bénin, en son article 42. : «Le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels»

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Condamnation des propos de Fatouma Amadou Djibril : déjà un recours devant la Cour constitutionnelle

La réaction de François Abiola, au premier degré, a un double effet : d’une part, celui d’un uppercut pour Mme Djibril, d’autre part, celui d’une caution à Boni Yayi. La dernière prise de position présidentielle sur le sujet, c’est sur RFI. Sur l’éventualité d’un troisième mandat à la magistrature suprême, le Chef de l’Etat n’a pas fait dans la langue de bois : «Je sais lire, a-t-il dit, la Constitution». Bien auparavant, il a sollicité l’oreille complice de quelques hautes personnalités : le Pape Benoît XVI, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, le Président français, François Hollande, le Président américain, Barack Obama.

On comprend l’étonnement de tous face à cette soudaine cacophonie au sommet de l’état. Comment décrypter une situation aussi surprenante qu’inattendue ? Examinons trois cas de figures. A tenir pour autant d’hypothèses de travail.

Premier cas. Une action isolée, une initiative individuelle, au compte du zèle intempestif d’un membre du gouvernement. Fatouma Amadou Djibril, doit alors engager sa responsabilité et assumer les conséquences d’une gaffe qui met à mal la cohésion gouvernementale. Ailleurs, sous d’autres cieux, suite au démenti du Ministre d’Etat François Abiola, le Premier des ministres, Fatouma Amadou Djibril, aurait dû démissionner. Mais, nous sommes au Bénin. La démission ? On ne connaît pas. Des excuses publiques ? Attendons de voir.

Deuxième cas. La mise en œuvre d’un plan concerté qui commence à dérouler ses différentes phases. Fatouma Amadou Djibril, dans un tel cas de figure, serait dans le rôle du lièvre. Est ainsi désigné, dans les courses de fond ou de demi-fond, cet athlète qui ouvre, de bonne heure, les hostilités. Il prend la tête de la course et impose un train plus rapide aux autres concurrents. La déclaration publique de Fatouma Amadou Djibril prendrait alors la forme d’un ballon d’essai. Elle serait alors chargé de tester le dispositif d’ensemble, de le soumettre à une épreuve de validité. François Abiola, dans un tel scénario, serait, contrairement aux apparences, le pare-feu. A tenir pour le sapeur-pompier de la onzième heure, chargé d’éteindre, après coup, le feu allumé par sa collègue. A lui de botter en touche pour dégager la responsabilité du gouvernement, brouiller les pistes.

Troisième cas. Le Président Boni Yayi, comme l’unique mot d’une singulière énigme. Nous voici rendu au terminus. Tout le monde doit descendre. Au-delà, aucun ticket n’est valable. C’est au nom du chef de l’Etat que Mme Djibril s’est arrogé le droit d’escalader notre Constitution. C’est encore au nom du Chef de l’Etat que François Abiola a opposé un démenti aux propos de sa collègue. Trêve de spéculation. La parole d’un seul compte désormais. Monsieur le Président, dissipez les ténèbres. Eclairez la lanterne de votre peuple. Rassurez-nous.

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