Cinq cailloux dans notre jardin

Nous sommes formel : il n’est pas facile d’être chroniqueur. Nous l’avons appris à nos dépens. Un de nos compatriotes, nous ayant reconnu dans un lieu public, nous a soumis, tout de go, à une épreuve aux allures du jeu des incollables. 

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Il tenait à connaître les grands chantiers sur lesquels le Bénin, depuis son accession à l’indépendance, tarde à convaincre. Continuons, ici, l’exercice. Cinq chantiers dans notre viseur.

Commençons par le foncier.La terre est et reste, au Bénin, l’éternelle pomme de discorde. Les Béninois se plaisent à la croquer à belles dents en gérant d’interminables conflits. Faute d’une prise en charge correcte de la question, c’est de la pourriture qui est transmise en héritage, à travers la chaîne des générations. La question de la terre pourrit, en effet, la vie des individus. Elle détruit les familles. Elle anéantit les collectivités. Nous avons affaire à une arme de destruction massive. 10 millions de Béninois portent ainsi une lourde croix, réduits au triste destin d’Atlas, ce personnage de la mythologie grecque condamné à supporter sur ses épaules le poids de la voûte céleste.

Poursuivons par le football. Cette discipline sportive a une   cote d’enfer auprès des Béninois. Mais le Bénin n’a jamais su la hisser à la hauteur d’une ambition pleinement assumée, à la portée d’une mission consciencieusement accomplie. Les maux qui minent le football s’égrènent, pour les Béninois, en un long chapelet d’amertume et d’espoir déçu. Ils vont de l’absence d’une politique intelligente de promotion de ce sport au déficit criard de leadership des dirigeants. Ils vont également des infrastructures dignes de ce nom, qui ne feraient plus prendre des champs de patate douce pour des stades, à la faible mobilisation des moyens, l’essentiel étant mal utilisé ou tout simplement détourné…Les Béninois aiment passionnément le football. Mais faute de résultats probants et convaincants, ils se résignent à applaudir les exploits des autres devant leur téléviseur.

Marquons une pause pour évoquer le régionalisme.La politique du « diviser pour régner » du colonisateur a fait de ce fléau un véritable bouillon de culture. Les enfants d’un même pays allaient y puiser des raisons pour se détester cordialement. On se définit d’abord comme sujet du Nord ou du Sud, avant de se reconnaître, hier ou aujourd’hui, Dahoméens ou Béninois.  L’indépendance n’y a rien changé. Les discours résonnent des mots « union » « unité » « nation » « fraternité ». Mais les pratiques empruntent des voies obliques de la discorde entretenue, des rancœurs à peine contenues. Le colonisateur nous a légué un Etat. A charge pour nous de construire une nation. Sommes-nous à la hauteur de l’entreprise ? Nous tardons à comprendre que nos différences, loin d’être un handicap, sont un atout.

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Repartons sur l’épineux problème du logement.Avoir sa maison, son chez-soi, est synonyme, pour le Béninois, de   réussite sociale, de succès. Aussi se battra-t-il, de toutes ses forces, pour accéder à la propriété, à la maison dont il n’a cessé de rêver. Fût-elle sommaire, modeste, voire insalubre. Une aussi forte préoccupation des Béninois n’a pas reçu une la réponse institutionnelle attendue, en termes de politiques, de programmes, de projets, de réalisations…Arrêtons-nous à ces « machins » tenus pour des logements sociaux à Lokossa. Ils sont, aujourd’hui, à l’abandon, envahis par de hautes herbes. C’est la preuve par neuf que l’Etat n’a pas encore compris que le logement est de l’ordre d’une priorité pour le Béninois. Il ne faut pas blaguer avec le logement. La blague de Lokossa est à situer dans le cadre des fêtes tournantes de l’indépendance. Nous étions en 2009.

Finissons par l’inflation.Pour dire que le Bénin est le pays de tous les excès. Nous manquons, en tout et pour tout, du sens de la mesure. 100 quotidiens sur le marché de la presse, dans un pays analphabète à 70 %. 200 partis politiques dans l’arène publique, comme s’il y avait   autant de manières de projeter ou de décliner le bonheur des Béninois. Avec 10 millions d’habitants, le Bénin enregistre toujours plus de candidats à l’élection présidentielle que le Nigeria qui pèse pourtant plus de 150 millions d’âmes. Quant aux Organisations non-gouvernementales (ONG), en veux-tu en voilà. Le ministère de l’Intérieur n’a pas fini de les dénombrer. Vous ne vous êtes pas trompés : vous êtes bien au pays de l’inflation, vous êtes au pays de la démesure. Bienvenue, chez nous !

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