Eugène Dossoumou : « Le président n’a de façon particulière aucun pouvoir d’influencer les prises de décisions de l’Armp »

Nommé par le Président de la République en remplacement d’Ibrahim Souleymane, Eugène Dossoumou est officiellement entré dans ses fonctions de président de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) le 04 février 2014 avant de prêter serment vendredi 15 mars 2014. 

Publicité

C’était à l’issue d’une cérémonie tenue à la Cour d’Appel de Cotonou. Installé dans ses nouvelles fonctions, l’homme qui a passé huit années de suite au cœur de l’appareil gouvernemental en qualité de Secrétaire général adjoint puis Secrétaire général du gouvernement, a entrepris de donner plus de visibilité à l’Armp. Mais ces derniers mois, la structure qu’il dirige a été beaucoup citée dans la presse. Notamment dans le cadre des décisions qu’elle a rendue dans les dossiers Sobemap et projet « route Parakou-Djougou ». En marge d’un atelier de sensibilisation organisée en début de semaine à Bohicon à l’égard des professionnels des medias sur la passation des marchés publics et le rôle de l’Armp, Eugène Dossou a bien accepter de prêter flanc à nos questions. Il évoque la délicatesse de la mission d’arbitrage des marchés publics dévolue à l’Armp. Et martèle n’avoir jamais reçu de pression du chef de l’Etat dans le processus de règlement des contentieux. Lui n’ont plus n’a le pouvoir de faire pression personnelle pour imposer ses décisions.

Monsieur le Président, l’Armp a rendu récemment deux décisions qui ont suscité la polémique. Il s’agit des dossiers Sobemap et projet « route Parakou-Djougou ». Que s’est-il passé dans le règlement des deux contentieux ?

En principe, lorsque l’Armp a déjà rendu  sa décision, j’ai beau être le président,  je n’ai pas tout à fait le droit de revenir dessus. Cependant,  comme vous   me donnez l’occasion d’en parler, la polémique a peut-être enflé entre la direction générale de la Sobemap (Société béninoise de manutentions portuaires, Ndlr), et le président du Fonac (Front des organisations nationales contre la corruption)  par l’intermédiaire de la  presse. Mais l’Armp est restée sereine et accrochée aux textes. Et vous avez vu notre décision,  nous n’avons  pris  parti pour personne, et d’ailleurs, cela n’est pas notre vocation. Notre vocation est d’appliquer simplement les textes. En la matière, nous avons constaté que la manière dont la Personne responsable des marchés publics a conduit le dossier n’était pas bien. Le Directeur général de la Sobemap n’est pas non plus fondé à conduire le marché public dans son unité. La loi est précise.  Nous avons donc annulé aussi bien la  procédure telle que conduit par la Personne responsable des marchés publics  que celle engagée par la direction générale. Nous avons également indiqué la voie qu’il faut suivre dans ce genre d’exercice en se conformant à la loi.

Publicité

Dans le dossier «route Parakou-Djougou», vous auriez reçu des pressions du président Boni Yayi. Il vous interpelle régulièrement, a-t-on appris, pour vous dicter la conduite à tenir dans le cadre de l’instruction de certains gros dossiers.

La chose me surprend moi-même, et je n’arrive pas à comprendre comment les gens s’imaginent cela. Mais à la réflexion,  je me dis que les gens se disent peut-être que voilà l’ex secrétaire général  du gouvernement qui quitte pour devenir président de l’Armp et qui par surcroit  est nommé par  le président  de la république. Il est son homme de confiance, c’est lui  (le chef de l’Etat) qui va lui dicter ce qu’il y a à faire. Je peux vous jurer la main sur le cœur, qu’à ce jour, que le président de la république, son excellence Dr Boni Yayi  ne m’a jamais appelé pour m’indiquer une direction particulière dans le sens de la conduite d’un dossier. Et je crois que lui-même  a compris que la chose n’est pas possible vu la composition de l’Armp. Le président de l’Armp que je suis  est d’abord conseiller comme tous les autres, avant d’être nommé à la tête de l’institution. Tous les conseillers ont prêté serment. Et nous  n’avons aucune intention de violer un serment que nous avons prêté devant une  institution  de la république qu’est la justice. A ce jour donc, je n’ai encore  jamais eu de pression de la part du chef de l’Etat ou d’un membre du gouvernement.

Affaire 14 milliards à la Sobemap : Voici la décision de l’Armp qui annule les marchés controversés

Cela dit, il peut avoir des échanges pour mieux  comprendre des dossiers afin de mieux les instruire. Quand  par exemple, un ministre est concerné, nous l’invitons avec ses collaborateurs concernés, et ils se prêtent librement à nos questions.  Cela se fait au vu et au su de tout le monde. Le président pour ainsi dire donc,  n’invite personne en cachette. A ce jour personne ne m’a pas encore invité en cachette pour me demander de conduire tel ou tel dossier dans un sens ou un autre.

Mais en votre qualité de président, vous disposez de pouvoirs discrétionnaires dans la prise  des décisions et sanctions émanant de  l’institution ?

Pouvoirs discrétionnaires  du Président de l’Armp ? Non. Il n’en dispose pas de façon particulière. Ce qui est prévu par la loi est qu’en cas de partage des voix,  celle du président  est prépondérante. Mais lorsqu’il  n’y a pas égalité de voix sur une décision,  et qu’une majorité se dégage comme généralement, c’est le cas, le président de l’Armp n’a pas autre pouvoir. De toutes les façons, toute décision de l’Armp fait  d’abord l’objet de grands débats. Au sein de l’Armp, nous avons de grands cadres,  des avocats, des ingénieurs agronomes, des spécialistes de haut niveau en marchés publics, des magistrats et autres. Donc c’est tout ce beau monde-là  que le président est  appelé  à coordonner et à faire la synthèse des idées exprimées par les uns et les autres. Il y a des opérateurs économiques aussi, je ne vais pas les oublier. C’est d’ailleurs eux qui sont  les grands animateurs. Le

président de l’Armp n’a donc aucun pouvoir discrétionnaire, où j’allais dire, aucun  pouvoir de pression personnelle sur les actes qui se posent au sein de notre institution.

Dans un contexte où les considérations politiques, la défense et la protection de certains intérêts ne sont pas à négliger dans la conduite des affaires publiques, la régulation des marchés publics n’est sans doute pas chose facile. 

Vous avez tout compris. Par nature tout arbitrage est difficile. Vous voyez  un peu,  nos arbitres sur  le terrain,  ils sont enfermés dans un délai très court, et ils doivent  siffler et siffler juste. L’Armp est un peu comme cela. Nous sommes pris entre plusieurs étaux, les soumissionnaires  d’un côté, les dirigeants  au niveau le plus élevé de l’Etat de l’autre côté, les populations elles-mêmes bénéficiaires des marchés d’un autre côté encore. Et l’Armp est là au milieu. Et dans tout ça, chacun a des intérêts. Le marché public est le lieu de convergence de beaucoup d’intérêts divergents. Il va donc de soi, que  celui qui est appelé à arbitrer ces différends ne peut qu’avoir des difficultés. Néanmoins, les  directives de l’UEMOA (Union  économique et monétaire ouest-africaine), le code des marchés publics  et tous ses décrets  d’applications nous permettent de nous sortir d’affaire,  plus ou moins avec bonheur.

Dejà plus de cinq mois que vous avez pris les rênes de l’Armp, Où voudriez-vous menez cette institution ?

Ma plus  grosse ambition est de faire de l’Armp Bénin,  un label. C’est-à-dire, un pôle d’excellence. Que les gens puissent se dire, si nous allons à l’Armp,  nous  y allons avec confiance. Que personne ne puisse dire  l’Armp là,  si nous y allons, on n’est pas sûr. On doute. Mon ambition est de faire de l’Armp une institution qui inspire confiance aux citoyens. Lorsqu’un soumissionnaire vient à l’Armp,  qu’il puisse se dire, même si je n’ai pas raison, l’Armp a quand  même suivi la loi et a fait un travail professionnel.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité



Publicité