« Zone Franche » : Victor Topanou diagnostique les faiblesses du système politique béninois

Le Professeur Victor Prudent Topanou, président du Front uni pour la République (Fur), était ce dimanche 27 juillet 2014, l’invité de l’émission dominicale ‘’Zone franche’’ de Canal3. Au menu du débat, les questions brûlantes de l’actualité nationale. L’éventualité d’un 3ème mandat pour Boni Yayi, le financement des partis politiques, le statut de l’Opposition, la présidentielle de 2006, etc. Tout a été passé à la loupe par le politologue.

Publicité

Elle continue de faire des vagues. La sortie médiatique il y a un peu plus d’une semaine de la Ministre de l’agriculture, Fatouma Amadou Djibril, au sujet de la possibilité d’un 3ème mandat pour le président Boni Yayi pourtant en fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel continue de suscit de vives réactions. Ce dimanche 27 juillet une nouvelle voix s’est élevée, celle du professeur Victor Prudent Topanou. Président du parti Front Uni pour la République (Fur) et à l’heure actuelle, seul candidat déclaré à la présidentielle de 2016, a réagi ce dimanche aux propos de la ministre Amadou Djibril.  Pour l’invité de l’émission dominicale zone franche de ce dimanche, la déclaration de la Ministre est une «grosse bêtise» et un acte «irresponsable» qui, parce qu’aussitôt démentie, ne peut pour l’instant inquiéter. «On s’inquiétera seulement quand au prochain remaniement ministériel, elle ne sera pas relevée de ses fonctions», estime l’ex-ministre de la justice. Pour l’ancien Garde des Sceaux et ancien porte-parole du Gouvernement,  la cacophonie observée au sein du Gouvernement- contradictions et désaveux entre membres de l’Exécutif- est la conséquence de l’absence d’un porte-parole attitré du Gouvernement. Un vide qu’il faudra bien combler.

Déséquilibre démocratique et nécessité de financement

Pendant les 90 minutes qu’a duré le débat, le Professeur Victor Topanou, seul professeur de sciences politiques de rang magistral, n’a pas que réagi aux propos de la ministre de l’agriculture. Il a également analysé la vie politique du Bénin depuis l’ère du Renouveau démocratique et a constaté que «nous avons un système démocratique déséquilibré». Un système où, contrairement aux autres pays de la région et même du monde, les partis politiques (et plus  ceux de l’Opposition) sont fragilisés. Ceci par le manque de financement. Lequel manque est accentué par le fait que les différents présidents qui se sont succédé jusque-là à la tête de l’Etat sont sortis non pas des partis politiques mais de nulle part et on réussit à se faire élire grâce à l’argent. Cet argent venant des financements occultes voire illégaux, le financement public étant quasiment inexistant, et ce, en dépit de l’existence de textes,  conduit à la privatisation des partis et ouvre la voie à l’illégalité et au développement de certains maux comme le clientélisme, la corruption et autres. Selon le professeur Topanou, l’absence de financement public de la vie politique constitue en outre un obstacle à la limitation des dépenses des candidats lors des campagnes électorales. «On ne peut pas contrôler quelqu’un qu’on ne finance pas», a-t-il expliqué tout en insistant sur la nécessité d’un financement public de la vie politique pour faire avancer notre démocratie.

Si les raisons de la fragilité des partis politiques et, partant de notre système démocratique sont connues, qu’est-ce qui explique la réticence des partis à s’inscrire dans l’opposition ? «Les textes relatifs au statut de l’Opposition», a indiqué l’invité de Canal3 qui les trouve trop contraignants et trop rigides. Et entre autres contraintes, il y a l’impossibilité pour un parti politique de l’Opposition d’avoir  ses membres à  un poste politique à quelque niveau que ce soit du pouvoir Exécutif. Ce qui voudrait simplement dire qu’un parti politique de l’Opposition ne peut avoir pas de cadres. Mais en dépit de ses contraintes, le Fur a souligné le professeur Topanou est depuis 2010, inscrit en tant que parti d’Opposition. «C’est un choix, un principe idéologique», a justifié son président.

Droit de grève des magistrats, projet épine dorsale, élections…

Lors de cette émission, le Professeur Victor Prudent Topanou n’a pas occulté les autres sujets brûlants de l’actualité nationale. La proposition de loi visant à retirer le droit de grève aux magistrats, le vaste projet sous-régional de construction d’infrastructures ferroviaires connu sous le nom « d’épine dorsale» qui oppose l’Etat béninois à un compatriote, la non-tenue des élections à bonne date et la mise en garde de la Cour Constitutionnelle à la Cena sont les autres sujets également passés au scanner.

Publicité

Parlant du droit de grève des magistrats, le Professeur Victor Topanou est clair : c’est un droit acquis et on ne peut le retirer sous prétexte que les gens l’exercent. Aussi, pense-t-il que la proposition de loi est liberticide et mieux, elle ne saurait régler le réel problème soulevé par les magistrats qui ne demandent que la correction des nominations faites dans les juridictions. Raison pour laquelle il dit soutenir à «150% » les magistrats dans leur lutte. Cela, en dénonçant également le refus du président de l’Assemblée nationale de recevoir les magistrats qui depuis trois semaines font des marches sur le Parlement. «Je pense que le Président de l’Assemblée Nationale a tort de ne pas les recevoir. Il aurait pu prendre une ou deux minutes pour les écouter», a laissé entendre l’universitaire.

Pour ce qui est du report sine die des élections locales et municipales, le Professeur de Sciences politiques estime que c’est une épée de Damoclès qui plane sur la tête du peuple béninois dans la mesure où en 2015, les députés dont le mandat vient à terme peuvent vouloir proroger leur mandat. Et dans ce sens, le Professeur Topanou pense que les propos du Président de la Cour Constitutionnelle lors de l’installation des membres de la Cena permanente laissant croire que certaines  élections sont plus importantes, sont à condamner et à bannir de la mémoire des Béninois.

Parlant du dossier épine dorsale, Victor Topanou s’est réjoui du fait que le Gouvernement ait tiré leçon de la condamnation en arbitrage du Bénin dans l’affaire Pvi en invitant le compatriote Samuel Dossou à la table de négociation. Maintenant dans le refus de ce compatriote de se présenter lui et qui a préféré envoyé ses conseils, le professeur y voit une grave crise morale au sommet de l’Etat. Laquelle crise illustre à merveille la perte par l’Etat de sa crédibilité.

2016 : marquer la rupture

De ces différents constats et analyses, le professeur Topanou juge opportune une rupture en 2016. Cette dernière passe le choix en 2016, du futur président de la République par les Béninois qui doivent comprendre qu’il n’y a de messie, ni d’homme providentiel en politique. Les  Béninois en 2016 doivent choisir un président qui, selon le professeur Topanou, à l’heure actuelle, seul candidat déclaré à la présidentielle de 2016, remplit les critères suivants : être membre d’un parti politique, être né après les indépendances, «ne pas avoir de casseroles (ne pas être mêlé à aucun faux dossier)», avoir l’expérience politique et avoir une idée claire sur les questions de grandes préoccupations nationales et internationales. Cette dernière qualité impose que le candidat soit déclaré des années à l’avance de sorte à ce qu’on sache non seulement programme d’actions, leurs opinions sur telle ou telle autre préoccupation de l’actualité nationale. Une condition que lui seul remplit à l’heure actuelle. Et il faudra pour les autres présidentiels se déclarer au plus tard à la fin de l’année 2014, au risque de passer pour des «poltrons» qui méprisent l’électorat.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité