Il faut qu’on « ramène le sexe à sa juste place dans les familles » dixit le Prof. Dodji H. Amouzouvi

Professeur au département de Sociologie-Anthropologie de l’Université d’Abomey-Calavi et de surcroit, Assistant du Ministre d’Etat chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Dr Dodji H. Amouzouvi livre ici, sa lecture de la sexualité, de la multiplication de partenaires sexuels et de  l’éducation sexuelle dans les familles au Bénin autant qu’il fait de pertinentes propositions pour redresser la barre.

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Dites-nous ce que veut dire partenaire sexuel ?

On peut comprendre par partenaire sexuel, l’autre, mon vis-à-vis avec qui je me retrouve dans des situations de démonopolisation, en quelque sorte, celui ou celle avec qui je me retrouve pour vivre ou pour  pratiquer le sexe est mon, ma partenaire sexuel(le). Donc c’est toute personne avec qui je suis dans une relation de sexe. La toute première des partenaires pour quelqu’un qui est marié, c’est son épouse, elle est d’abord une partenaire sexuelle avant d’être une partenaire de vie. Alors là, il s’agit du conjoint ou de la conjointe. Mais il se trouve que, quand on n’est pas dans une situation  responsable, quand on est jeune ou adulte et qu’on ne se donne pas des limites, on multiplie ces relations à deux niveaux. Le premier niveau, on est seul avec la même personne mais on abuse du sexe. Deuxième niveau, on est avec plusieurs personnes et  on en abuse ou pas. En effet on peut être avec un seul partenaire et abuser du sexe, comme on peut être avec plusieurs personnes qu’on retrouve une fois en passant. Donc  je mets tout ça dans le partenaire  sexuel.

Rien que du sexe ?

Oui, entendons-nous bien, nous sommes alors dans la sous-catégorie des partenaires sexuels qui se rencontrent et qui privilégient le sexe, car j’ai bien dit que mon épouse ou ma fiancée avec qui je fais des projets de mariage sont d’abord  mes partenaires sexuelles et vice- versa. Mais il faut  souligner que la première chose qui me lie à mon épouse n’est pas le sexe mais l’amour ; pareil pour la femme. Le sexe vient en même temps que vient l’amour, l’envie de vivre avec l’autre, la volonté de partager mes peines, mes joies avec elle. Nous ne parlons donc pas de cette catégorie de gens mais de la sous-catégorie des personnes qui sont portées vers  le sexe avant tout autre chose ; donc  Ils privilégient le sexe.

Si ce qui relie ces individus en relation est le sexe , dites-nous professeur, est-ce qu’il y  a des causes sociales qui expliquent le fait que les gens sont beaucoup plus portés vers  la multiplication des partenaires?

Au fait les raisons sont multiples et variées. Il peut arriver qu’une femme ou un homme raisonnablement marié se retrouve, si je peux me le permettre, « papillonnant », c’est-à-dire passant d’un partenaire sexuel à un autre. Une des raisons qui peuvent être à la base, est d’abord le problème de la santé. Vous rencontrerez des mégalos comme on le dire, qui ont tout temps envie d’aller au sexe, qui physiologiquement et psychologiquement ont le problème d’insatisfactions. J’en connais qui ne sont pas malades du sexe mais qui le prennent comme un exutoire, une échappatoire. Quand ils sont extrêmement  stressés, il faut qu’ils fassent l’amour pour se sentir mieux. Donc je range tous ces cas  dans des cas pathologiques, car nous parlons de la santé. Ensuite, après le côté physiologique et le coté psychologique, on peut être amené  à multiplier les partenaires sexuels par des causes conjoncturelles ou structurelles. Je suis en ménage ou en relation sexuelle avec quelqu’un qui ne me satisfait pas. On peut être amené, après un échec, un évènement difficile ou après un effet de mode ou d’entrainement, à tomber dans les pièges du choix au multi-partenariat  sexuel. Le troisième élément que je peux évoquer est celui de la société dans laquelle nous sommes, où il y a une sorte d’hypocrisie qui entoure le discours autour du sexe.  Ce qui arrange tous ceux qui abusent du sexe. Les parents font du sexe un sujet « tabou » à la maison avec les enfants mais sortent au dehors   avec des enfants qui on l’âge de leurs enfants. C’est le même cas chez l’enfant qui n’a pas le droit de parler du sexe avec son père mais sort au dehors avec un homme qui a l’âge de son père. Alors cet environnement a fait qu’un certain nombre de principes, de pertinence et de contrôle sociaux ont foutu le camp et offrent aux acteurs un boulevard pour s’engouffrer dans le multi-partenariat sexuel. Il y a aussi l’ouverture du monde, comme un autre facteur qui favorise ce fait. En effet ce que j’appelle ouverture du monde c’est en quelque sorte les informations qui nous sont déversées, soit par les écrans de cinéma, soit par la vie des stars de la chanson ou du sport. Le jeune n’étant pas dans les conditions pour recevoir, veut imiter tout ce qu’il voit. Ce qui revient au snobisme et va même au-delà. De plus, il y a aussi un atout dont dispose le jeune et qui favorise  ce fait. L’avènement des téléphones intelligents qui permettent  tout. Enfin la volonté de paraitre, de grandir amène certains à multiplier les partenaires sexuels. Un exemple, je suis jeune et je veux être au top, être à la mode. Ou, mieux, on s’entend tu es ma ou mon préférée, je t’aime et je n’aime que toi seul, mais il faut  que je sois avec tel homme riche ou telle femme riche pour prendre soin de toi. Donc c’est aussi une raison qui amène des gens à opter pour ce choix.  

Comment peut-on sortir de ces vices si ce n’est pas trop fort ?

Ce n’est pas du tout trop fort, la première des choses à faire, c’est la responsabilisation des acteurs. Que ça passe par la communication et qu’on ramène le sexe à sa juste place dans les familles et éviter de faire du sexe un sujet tabou ni un « vodoun ». Le jeune aujourd’hui, n’a que des parents censeurs, des institutions censeurs et l’Etat gendarme pour lui montrer la voie à suivre. Aussi l’école et les Universités doivent retrouver leurs réelles places. Le troisième élément est le fait que les autorités doivent mettre en place des mécanismes ou institutions  sociaux stratégiques pour tamiser un peu ce qui se déverse par télévisions interposées et par réseaux sociaux interposés. Je ne sais pas combien de fois la Haac par l’intermédiaire des télévisions a essayé de séparer le bon grain de l’ivraie.  Je ne sais pas combien de fois le ministère de la communication empêche tous les sites qui amènent les gens vers des images pornographiques. Ailleurs ça se fait. Le jeune est plus concerné car il est vulnérable .Donc,on a besoin de consentir nos efforts sur lui pour lui donner la bonne information. Par ailleurs, il faut se dominer, il faut avoir une bonne hygiène de vie, il se mettre dans un environnement favorable à cela.

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A vous entendre expliquer, on se rassurait de ce que vous êtes un bon père de famille. Dites-nous si vous parlez de la sexualité avec vos enfants ? Si oui, pour les autres parents,  à quel âge peut-on commencer à parler du sexe avec les enfants ? 

Il n’y a pas d’âge pour parler du sexe avec son enfant. Les évènements de la vie  n’attendent pas forcément un âge. Si l’occasion se présente à 2ans, il faut la saisir et l’occasion se présente toujours.  La preuve, j’ai eu à parler pour la première fois du sexe avec mon garçon quand il faisait le CM1 suite à un film qu’il suivait à la télé. Pareil pour ma fille de 14 ans à qui j’ai parlé du sexe suite à l’apparition de ses premières règles. Donc il n’y a pas d’âge pour parler du sexe. Il faut montrer la voie à suivre aux enfants. Je pense que l’évolution de la structure familiale et les évènements de la vie doivent amener chacun de nous à faire ce débat lorsque la situation s’offre. Lorsqu’elle ne s’offre pas on la crée. Mais elle s’offre toujours. C’est une chanson, film, un documentaire, c’est n’importe quoi qui passe et lorsque l’enfant est témoin ou soi-même, on est témoin, on en profite pour en parler.

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