« L’Oiseau Rare, le Messie n’est point porteur de développement» dixit le politologue Dr Gohy

Devenu titulaire d’un Doctorat Unique (Ph.D) en sociologie du développement depuis sa brillante soutenance, le jeudi 10 juillet 2014 à l’université d’Abomey-Calavi sur le thème «Education et gouvernance politiques au Bénin  du Danxômè à l’ère Démocratique : quelles réalités?»,  le Politologue, Socio-démographe Coomlan Gilles Expédit Gohy, dans un entretien qu’il a accordé aux quotidiens « La Nouvelle Tribune » et « Le Matinal », expose clairement les réelles causes de la mauvaise gouvernance et du sous-développement du Bénin qui, selon lui, sont liés à l’absence d’un cadre institutionnalisé de formation aux dirigeants et élus potentiels.

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M. Gohy, vous avez récemment soutenu brillamment, votre thèse de doctorat unique sur le thème « Education et gouvernance politiques au Bénin du Danxômè à l’ère démocratique : Quelles réalités ? » Que peut-on retenir des résultats de vos recherches ?

Notre recherche a montré en suffisance que l’éducation politique reçue par le dirigeant politique, quel qu’il soit, au Danxômè comme époque et entité (Roi) et au Bénin comme république (Président de la République), est une donnée fondamentale de bonne gouvernance politique dans le pays. Sortir pratiquement de nulle part politique, pour espérer faire un bon président de la République est désormais démystifié avec cette recherche de plusieurs années qui montre qu’il n’y a point de messie ou d’oiseau rare pour le développement du Bénin. Par ailleurs, on retient simplement que s’il y eut une certaine alternance au sommet de l’Etat, on y est loin d’une alternance Nord-Sud. En 2016, à la fin du second quinquennat de Boni Yayi, la part du Sud se réduira de 2%, portant la charge Nord & Zou-Nord à 84%. Cette tendance, si elle se maintient, pourrait être potentiellement porteuse de problèmes sociaux, tant elle exacerbera fatalement les nombreuses frustrations actuelles. Le génocide rwandais tant décrié partit sous la même rhétorique.

Au regard de ce constat, peut-on en conclure que cette charge présidentielle n’est pas porteuse de développement pour le Bénin ?

Il est incontestable que le développement national n’a pas suivi l’alternance telle que vécue jusqu’à présent. Pour atteindre cet objectif vital, il est nécessaire de réfléchir sur une alternance Nord-Sud au sommet de l’Etat, à défaut d’une polarisation partisane suffisamment forte pour y parvenir, dans un jeu démocratique clair et sain, comme dans les grandes démocraties occidentales : Parti Socialiste / Parti Républicain ; Démocrates/Libéraux, … L’animation de la vie politique béninoise doit alors nécessairement s’envisager autrement, pour consolider l’enracinement de sa démocratie, en attendant la fortification des institutions de la République dans le jeu républicain transparent des pouvoirs effectivement séparés). Toutefois, comme l’observe si justement le professeur Albert Tingbé-Azalou : « penser à une alternance du genre au sommet de l’Etat, quoiqu’elle puisse être envisageable pour prévenir des tensions sociales, remet en cause le principe fondateur de la démocratie (la liberté de choix et d’expression), dans la mesure où le candidat à élire serait déjà partiellement déterminé par son appartenance régionale. Dès lors, le dirigeant élu ne serait plus totalement le fruit du libre choix des citoyens »!

Vu l’importance de ce thème que le jury a d’ailleurs unanimement reconnue à votre soutenance, on est curieux de savoir d’où vous est venue l’idée de travailler sur ce thème ?

Arrière-petit-fils de princesse, bien moulu dans l’histoire du Danxômè, nous savons que le Prince Héritier ou le Vidaxô (futur roi) du Danxômè, dès sa désignation par son père, le Roi régnant, est très tôt associé au Conseil du Trône et à toutes les décisions stratégiques du royaume. Son éducation politique confiée à un prince du Danxômè, confident du roi ou ancien roi lui-même -le cas du roi Adandôzan, par exemple, avec Gbêhanzin- lui permet ainsi d’être préparé à la charge royale de gouvernance et tout se passait très bien.

Les premières idées de la recherche exsudent de 1996 où, contre toute attente, le président de la République en exercice, Nicéphore Soglo, ovationné à son accession au pouvoir en 1991, perdit les élections présidentielles, malgré un bilan économique et infrastructurel bien élogieux. Plus proche de nous, dix ans après, en 2006, voilà un président de la République plébiscité qui, en moins de trois ans d’exercice du pouvoir d’Etat, chuta de son piédestal et baissa dramatiquement dans l’Inconscient Collectif, au grand désarroi de ceux qui, firent campagne pour lui, sur leurs propres ressources. Il eut un second mandat présidentiel, en 2011, dans les conditions qu’on connaît ! Opposable à Nicéphore Soglo et Boni Yayi, voilà Mathieu Kérékou, de grande longévité politique pourtant dépourvue du développement du pays. Ces deux cas de présidents de la République du Bénin, intellectuels, de gouvernances politiques exemptes d’éducation politique initiale et de développement du pays, et de l’autre, militaire certes, mais ancien militant actif des cercles de réflexion politique de l’Armée dahoméenne, constituent des figures de gouvernances politiques sans éducation politique d’une part, et un cas de gouvernance politique pourvue d’une éducation politique d’autre part. Leur seul point commun est l’absence de développement du pays. Nous nous sommes allés demander si l’éducation politique du dirigeant, associé à son bon savoir-faire, ne déterminerait pas sa bonne gouvernance politique qui demeure le prélude du développement d’un pays.

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Vous parlez d’éducation politique. Est-ce différent de ce que les formations politiques donnent à leurs membres ?

Parfaitement ! Ce que nous préconisons ici, c’est une éducation politique pour dirigeants de pays ou élus potentiels d’Etats, dans une école spécialisée que nous avons dénommée « Ecole de Formation de Dirigeants ou Elus Potentiels / EFDEP » ? C’est donc une éducation politique de haut niveau à laquelle doit être astreint tout présidentiable. Il ne s’agit point de formation au militantisme politique délivrée par les partis politiques, au hasard de rencontres d’étés sporadiques.

Estimez-vous que les partis politiques au Bénin, ne le font pas assez ?

Un parti politique est, par définition, missionné pour la conquête et la gestion du pouvoir politique. Il forme ses membres, desquels le Président de la République peut éventuellement émerger, moyennant d’autres éléments de considérations, tout un arsenal de savoir-faire et de savoir-vivre politique. L’éducation politique que nous préconisons dans la thèse soutenue est une formation de dirigeant appelé à gouverner un pays, un Etat, une république. Aucun parti politique ne peut le faire : le moule de formation du dirigeant de type nouveau, institutionnalisé, est une disposition constitutionnelle, et l’attestation de formation qu’on y reçoit, est suggérée être une pièce constitutive du dossier de candidature à l’élection présidentielle.

Vous évoquez l’éducation politique donnée au prince  « Vidaxo », le prédestiné au trône au royaume de Danxomê, comme la pierre angulaire de sa bonne gouvernance royale. Quelle leçon peut-on tirer d’une pratique monarchique pour un régime démocratique comme celui du Bénin?

Le Danxômè comme le Bénin, fut un Etat fort, centralisé. Le président de la République, avec ses énormes pouvoirs, est quasiment un empereur, un demi-dieu. Le point de convergence s’arrête là ! Il ne s’agit point dans cette thèse d’une apologie à la restauration monarchique, mais, une invite à visiter utilement les savoir-faire, savoir-être, savoir-faire-faire et savoir-devenir qui firent toute la force et la grandeur du Danxômè, pour améliorer la gouvernance politique porteuse du développement du Bénin.

Pourquoi avoir choisi le royaume de Danxômè plutôt qu’un autre, celui de Nikki,  par exemple ?

Excellente question ! Comme nous l’avons répondu à la soutenance, c’est parfaitement possible. Les autres anciens royaumes du Bénin actuel ont nécessairement des choses très utiles pour la bonne gouvernance politique porteuse du développement national que nous appelons de tous nos vœux. Toutefois, dans ce domaine de recherche sociopolitique où tout est question de valeur, la bonne connaissance de l’anthropo-sociologie du terroir est indispensable. Nous sommes locuteur fon, essentiellement, et ne connaissons aucune langue du Nord-Bénin ! Nous ne pouvons cerner aucune subtilité langagière incontournable dans l’analyse des verbatim et utile à l’appréciation des énoncés littéraux. Il est donc indiscutable qu’un Béninois du Nord qui embrasse la même problématique sur l’un ou l’autre royaume du Nord du pays, en arrivera à des propositions fort contributives à la bonne gouvernance du Bénin qui en a tant besoin.

Déjà 8 ans passés sous la gouvernance du Président Yayi Boni. Donnez-nous quelques erreurs qu’une bonne éducation politique lui auraient permis d’éviter ?

Comme vous le savez, il y en a suffisamment ! Je préfère ne pas en citer, pour n’en pas oublier !

Vous avez proposé la création d’une école de formation des dirigeants et élus potentiels (EFDEP) pour corriger le tir, de quoi s’agit-il ?

L’Ecole de Formation des Dirigeants et Elus Potentiels (EFDEP) est un outil didactique de développement par la bonne gouvernance, qui formate les futurs gouvernants au respect du Cadre Logique de Référence qu’est la Loi Fondamentale du pays. C’est un creuset d’acquisition de savoir-devenir bon chef d’Etat comme le couronnement d’un savoir-faire politique pour un savoir-faire faire approprié en matière de dynamique de gouvernance politique au Bénin.

Quelles sont désormais vos perspectives d’avenir ?

Continuer sur les réseaux sociaux d’être un libre penseur sur la situation sociopolitique de mon pays, tout en honorant mes responsabilités professionnelles à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC).

Vous êtes toujours au Centre de Formation et de Recherche en matière de Population (CEFORP) de l’UAC ?

Beaucoup plus à l’Ecole Nationale d’Economie Appliquée et de Management (ENEAM). On sait simplement qu’une entité nationale de formation et de recherche gérée comme un service administratif peinera toujours à atteindre ses objectifs. Malheureusement ! L’exclusion, quelle qu’en soit la forme, fait toujours plus de mal que de bien !

Pour finir, en tant que politologue, avez-vous espoir que la politique au Bénin, comble les attentes des Béninois toujours déçus de leurs dirigeants ?  

L’espoir est bien permis ! Sinon, à votre avis, pourquoi les Béninois comprennent-ils de plus en plus que l’Oiseau Rare, le Messie n’est point porteur de développement pour le Bénin ? Sauvegardons simplement la démocratie  et le libre penser et tout ira très bien.

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