Mise en place de la commission des impôts au Bénin : un cadre pluridisciplinaire pour les contentieux fiscaux

Dans le cadre de la mise en œuvre du  dialogue secteur public et secteur privé prévu et organisé par l’arrêté n° 3177/MEF/DC/CTAF/SP en date du 27 Octobre 2008 portant création du cadre de concertation entre le ministère de l’Economie et des Finances et le secteur privé, le Ministre des finances , Monsieur Jonas GBIAN et son cabinet viennent de poser un pas important pour soulager les opérateurs économiques  des difficultés et abus observés lors des contrôles fiscaux au Bénin.

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Il n’est de secret pour personne aujourd’hui que lorsque l’administration fiscale béninoise déclenche un contrôle fiscal, le contribuable n’a aucune possibilité avant le processus qui conduit au contentieux  de poser son problème devant d’autres instances  en dehors de cette même administration fiscale pour analyser la pertinence du travail qui est fait par l’administration fiscale. Cette situation engendre de graves problèmes notamment la corruption, le trafic d’influence, l’abus de pouvoir et autres situations déplorables. Il était donc très important qu’un organe voit le jour afin de redonner confiance aux opérateurs économiques qui ne pouvaient pas aller en contentieux à cause des problèmes de trésorerie que leur posait la caution à constituer au trésor public. Il est à rappeler que cette caution doit être égale à la moitié du montant de l’imposition contestée. Et si nous savons aujourd’hui que les contentieux fiscaux au Bénin se  mesurent en terme de milliards de FCFA, payer au trésor  ou émettre une caution de la moitié des fonds, objet du redressement n’est pas donné à tous les chefs d’entreprise béninois. Et pourtant très tôt au lendemain de l’indépendance dans les premières lois ou code général des Impôts, cette institution était prévue. Il s’agit de la commission des impôts prévue par l’article 198 du Code Général des Impôts (CGI). Après une longue et difficile négociation menée par le Groupe de Travail Fiscalité du secteur privé sous la houlette du Conseil des Investisseurs Privé au Bénin, l’arrêté 2014 N°1502/MEF/DC/SGM/DGID/DLC/SLD portant composition et fonctionnement de la commission des impôts a été signé le 10 juin 2014.

Par cet acte, le Ministre de l’Economie et des Finances a autorisé la mise en place d’un organe consultatif dénommé « commission des impôts » qui propose une alternative au contentieux fiscal proprement dit. Parmi les attributions de cette commission, outre la définition des bases forfaitaires d’imposition en matière de bénéfices commerciaux, artisanaux et agricoles, elle peut connaître des différents entre un contribuable et un agent du fisc à la suite d’un contrôle fiscal. C’est un outil d’arbitrage en cas de conflit qui vient renforcer l’univers du contentieux fiscal au Bénin tout en comblant le vide longtemps prévu par l’article 198 du Code Général des Impôts..

Composition de la commission des impôts

Le caractère pluridisciplinaire de la commission des impôts lui permet de statuer entièrement sur le litige porté à sa connaissance et de se prononcer de façon objective sur les faits qui lui sont exposés. En dehors de la présidence assurée par le Ministre de l’Economie et des Finances ou son représentant, la première et la deuxième vice-présidence sont assurées respectivement par le Directeur Général des Impôts et des Domaines ou son représentant et le Président du Conseil National du Patronat du Bénin ou son représentant. Quant aux postes de premier et deuxième rapporteurs, ils sont occupés respectivement par la Direction Générale des Impôts et des Domaines et la Chambre de Commerce et d’Industrie du Bénin. En plus de la Direction Générale des Impôts et des Domaines et du Patronat du Bénin, les autres membres proviennent du ministère en charge de la justice, de l’association ou de l’ordre professionnel concerné par le dossier, de l’Ordre des Experts Comptables et Comptables Agréés du Bénin.

La commission peut toutefois faire appel à toute personne dont la compétence et l’expérience seraient nécessaires pour l’examen du dossier.

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Saisine de la commission des impôts

Si la saisine de la commission suspend la procédure de redressement ou de fixation de la base du forfait, il est très important de maîtriser le mécanisme.

La commission pouvant être saisie par le contribuable et par l’administration fiscale, la procédure de saisine se résume à adresser une simple lettre appuyée des documents justificatifs au président de la commission dans les cinq (05) jours qui suivent la date de la réception de la confirmation du forfait ou du redressement par le contribuable.

La partie plaignante doit dans un délai de deux (02) jours francs à compter de la date de la saisine, envoyer la lettre de saisine et les documents qui l’accompagnent à l’autre partie. Cette dernière a l’obligation de faire parvenir ses observations écrites à la commission dans un délai de dix (10) jours.

Fonctionnement de la commission des impôts

Les membres se réunissent chaque trois (03) mois et disposent de trente (30) jours à compter de la réception de la lettre de saisine du requérant pour statuer sur le cas. Les parties peuvent se faire assister d’un conseil de leur choix pour présenter leurs argumentations devant la commission. Cette dernière délibère valablement, à la majorité des voix, lorsque six (06) au moins de ses membres sont présents y compris le président ou son vice-président.  

L’avis motivé de la commission est adressé à l’administration fiscale qui le notifie par lettre recommandée avec accusé de réception au contribuable dans un délai de huit (08) jours, à compter de la date de sa réception.  

Les décisions de la commission des impôts ne s’imposent pas aux parties qui ont la possibilité de poursuivre le litige par voie contentieuse. L’administration fiscale peut passer outre l’avis des commissaires et il revient au contribuable d’enclencher la procédure devant les tribunaux compétents. Dans le cas où c’est le contribuable qui n’est pas d’accord, il peut porter directement le litige au niveau des juridictions compétentes.

En dépit de quelques imperfections relevées, la prise de cet arrêté constitue une petite bouffée d’oxygène qui fait renaître l’espoir au niveau du Cadre de concertation Secteur Privé – Ministère de l’Economie et des Finances. L’importance de ce cadre de concertation n’est plus à démontrer car c’est encore aujourd’hui, le seul cadre sectoriel qui est formel et opérationnel et qui permet aux acteurs publics du ministère des finances et le secteur privé regroupés autour du Groupe de Travail Fiscalité du secteur privé (GTF) d’analyser les problèmes qui se posent en matière fiscale et douanière  au Bénin. La prise de cet arrêté le 10 juin 2014 est le fruit de la longue discussion menée  depuis bientôt six (06) ans par le Groupe de Travail Fiscalité du Secteur Privé, soutenu par le Conseil des Investisseurs Privés au Bénin. Cela témoigne, s’il est encore nécessaire de le dire, de l’importance de cet outil qui mérite que les acteurs y prêtent une attention particulière. Cette avancée est à mettre à l’actif de M. Jonas GBIAN, actuel Ministre de l’Economie et des Finances dont la disponibilité permanente a permis d’aboutir à ce résultat. Il est donc à espérer que d’autres efforts soient consentis afin d’améliorer le climat des affaires au Bénin et d’amoindrir la souffrance des opérateurs économiques qui y exercent. Mais une chose est de prendre l’arrêté pour instituer la commission, une est également que la commission puisse effectivement fonctionner pour régler les nombreux conflits qui existent.  

En tout état de cause, avec la prise de cet arrêté, la base juridique de cette commission des impôts est fixée et l’opérateur économique peut déjà soumettre sa requête à l’autorité qui préside la commission surtout que selon l’article 8 de cet arrêté, « la saisine de la commission suspend la procédure de redressement  ou de fixation de la base du forfait jusqu’à la décision de la commission ».

Avec la prise de cet arrêté du 10 juin 2014, on peut affirmer qu’en matière de dialogue secteur public et secteur privé, un pas important vient d’être franchi.

Serge PRINCE AGBODJAN
Juriste Fiscaliste

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