Bénin : Me Jacques Migan propose l’abrogation de la loi sur la Lépi

Le processus électoral s’enlise chaque jour à cause de l’absence de liste électorale. Face à cette situation et surtout en tenant compte de la mauvaise volonté du gouvernement à débloquer les fonds nécessaires, Jacques Migan propose une solution pour contourner ce goulot d’étranglement.

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DE LA NECESSITE D’ABROGER LA LEPI

La question de la Lepi est une question centrale qui détermine l’avenir de l’Etat de droit et de la démocratie au Bénin. Elle est même une préoccupation majeure dans   la conservation de la paix au Bénin pour les années à venir.

On a constaté avec étonnement l’absence d’organisation des élections locales : Les élections communales n’ont pas eu lieu en 2013 parce que les corrections utiles pour rendre la liste électorale fiable n’avaient pas été faites pour garantir  la crédibilité des élections qu’elle devait permettre d’organiser.

D’aucuns avaient suggéré la possibilité de se passer de l’instrument pour organiser les élections. A cette fin, l’Assemblée Nationale a voté une loi (loi 2012 – 12) portant abrogation de la loi n° 2009 – 10 du 13 mai 2009 ayant institué le Recensement Electoral National Approfondi (RENA) et de la loi du 18 mars 2010 établissant la liste électorale permanente informatisée (LEPI).

A la suite du vote de cette loi, plusieurs citoyens notamment des députés à l’Assemblée Nationale avaient saisi la Cour constitutionnelle d’une requête tendant à faire déclarer par ladite Cour l’inconstitutionnalité de la loi abrogeant la LEPI.

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Dans l’exercice de son pouvoir d’opportunité, la Cour Constitutionnelle a par décision en date du 5 avril 2010 conclu à l’inconstitutionnalité de la loi N° 2010 – 12 portant abrogation de la loi instituant la LEPI. Ce faisant la Cour constitutionnelle a réaffirmé (voir sa décision DCC 09 -107 du 10 septembre 2009) le besoin permanent pour le peuple béninois de se doter d’une liste crédible, transparente et efficace d’organisation des élections, ce d’autant que depuis 1999, toutes les lois portant règles générales pour les élections en République du Bénin ont affirmé le principe de la LEPI et du RENA et en ont même fixé avec précision le contour général.

La haute juridiction constitutionnelle admet que la suppression de cet outil serait un recul  pour la vitalité de notre démocratie.

La Cour en sa qualité de garant de la constitution et en vertu de son rôle de gardien de la loi avait l’obligation de veiller à ce que la loi qu’elle a déclarée conforme à la constitution soit respectée et appliquée.

Mais le raisonnement qui a conduit la Cour à une telle décision est –elle toujours d’actualité ?

Non. Le contexte ayant changé, plusieurs raisons militent aujourd’hui pour un changement de la position de la cour, un revirement de sa propre jurisprudence.

–              D’abord de l’aveu même du chef de l’Etat le 13 mars 2011 au sortir du vote, la LEPI ayant servi à l’organisation des élections est défectueuse et jalonnée d’insuffisances. En témoigne le pardon qu’il a demandé à tous les exclus du scrutin.

–              Le non-respect des échéances électorales en raison des insuffisances avérées (de l’avis des experts) de l’outil qui devait  servir de base.

–              Le manque de moyens nécessaires pour apporter les corrections utiles et adéquates à l’instrument.

Au regard de tout ce qui précède, le juge constitutionnel doit faire un bilan à l’issue duquel il constatera lui-même la nécessité d’adopter une autre voie qui peut relever le Bénin de l’impasse. Ne pouvant pas se saisir d’office pour faire un tel bilan et apprécier une telle situation, il appartient à l’Assemblée Nationale qui détient le pouvoir législatif de résoudre la grave crise politique qui se profile.

Elle peut le faire en modifiant ou en abrogeant purement et simplement la loi instituant la Lépi qu’elle a elle-même préalablement adoptée.

Une telle solution est fondée sur un précédent. Cette pratique législative a déjà  été appliquée le 20 décembre 2005.

En effet, en décembre 2005, alors que le Bénin devait organiser en mars 2006 les élections présidentielles,  l’organisation de ces élections se heurta au respect du délai de 6 mois prescrit par la loi électorale en vue de l’organisation du Recensement  Electoral National Approfondi (RENA).

Pour éviter l’impasse (le mandat du Président étant un délai préfixe, non susceptible de modification, ni de prorogation), le délai prescrit par la loi électorale ne pouvant plus être respecté, les députés ont procédé le 20 décembre 2005 à la suspension du Recensement Electoral National Approfondi (RENA) pour permettre la tenue à bonne date des élections en 2006.

Saisie, pour apprécier la constitutionnalité de cette loi qui a suspendu le RENA, la Cour Constitutionnelle par décision en date du 27 décembre 2005 a jugé conforme à la constitution la loi 2005 – 41 portant suspension pour l’élection présidentielle de mars 2006 par la loi n° 2005 – 14 du 28 juillet 2005 portant règles générales pour les élections en République du Bénin.Fort de cet antécédent et pour éviter tout blocage qui pourrait provoquer une situation politique très tendue et assurer des élections transparentes, la LEPI ne pouvant plus être corrigée faute de moyens, il est du devoir des députés de voter une loi modifiant ou abrogeant la loi instituant la LEPI.

Cette mesure préventive constituera un palliatif contre tout blocage. Concrètement, il faudra revenir à l’état d’avant l’institution de la Lépi et prévoir une loi dérogatoire qui servira de base à l’organisation des élections comme ce fût le cas en 2001 et en 2006.

Cette solution sera sans nul doute entérinée par la Cour constitutionnelle lorsqu’elle sera saisie pour se prononcer éventuellement sur la conformité de ladite loi  à la constitution. Car à la vérité l’objectif recherché en définitive est de limiter au maximum le manque de transparence liée à l’organisation des élections qu’elles soient communales, législatives ou présidentielles sur la base de la LEPI.

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