Non organisation de la présidentielle en 2016 : vifs échanges entre le Pr Gilles Badet et Ayadji sur facebook

La possibilité du maintien de Boni Yayi à tête de l’Etat après le 06 avril 2016 en cas de la non organisation à temps de la Présidentielle de 2016 évoquée par le Constitutionnaliste Gilles Badet sur le plateau de Canal 3 jeudi dernier a suscité de vifs mais intéressants et courtois échanges entre l’homme de droit et le syndicaliste Jacques Ayadji. Cela, via le réseau social, Facebook. Lisez-ci-dessous publiée l’intégralité de leurs échanges.

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Jacques Ayadji

Ce soir sur canal 3, le Professeur Gilles Badet est passé à côté de la dernière question posée par André Dossa sur la conduite à tenir dans l’éventualité de la non organisation des élections présidentielles en 2016 à moins. Pour lui, il n’y aura pas vacance de pouvoir en cas de non organisation des élections présidentielles en 2016 parce que quelqu’un est au pouvoir et il reviendra à la cour constitutionnelle de décider de son maintien ou non. Mais il a précisé que ce qu’il dit n’est écrit nulle part dans la constitution. Donc selon ce constitutionnaliste, les sept membres de la Cour Constitutionnelle peuvent décider de la prolongation du mandat de Monsieur Thomas Boni Yayi. Ces propos du professeur sont de mon point de vue plus dangereux que ceux de madame Fatouma Amadou Djibril déclarés contraires à la constitution par la Cour Constitutionnelle.

Gilles Badet

Monsieur Ayadji Jacques m’accuse, malgré toutes les précautions prises lors de l’émission, d’avoir été envoyé en mission pour que le Président Yayi reste en place au delà du 6 avril 2016. Je voudrais lui répondre de manière très cordiale parce qu’il mène des combats intéressants pour la sauvegarde de la démocratie dans notre pays. Je voudrais lui rappeler que l’hypothèse évoquée par le journaliste sur le plateau de canal 3 jeudi 28/08 / 2014 n’est pas prévue par la constitution. Il demandait en effet ce qui adviendrait si à la date du 6 avril 2016 l’élection présidentielle n’était pas organisée.

Il s agit d’une paralysie ou d’un dysfonctionnement dans le fonctionnement d’une institution et dans l’activité d’un pouvoir public. L’article 114 de notre Constitution donne prérogative à la Cour Constitutionnelle de réguler ce genre de situation. En dehors de la Cour Constitutionnelle, on sort de l’ordre constitutionnel. Et je ne vois que des Sanogo béninois pour nous aider. Je n’en ai pas très envie. Alors, si donc c’est à la Cour de le faire, elle aura le choix. Parmi les choix qu’elle aura, elle peut dire que ce sera le Président de l’Assemblée Nationale ou un collège d’individus. Mais elle pourrait aussi, comme le prévoient certains textes constitutionnels étrangers, dire que celui qui est en place poursuive pour un temps donné en attendant les élections. J’ai évoqué cette dernière possibilité juridique en soulignant que je ne la souhaitais pas pour mon pays. Alors, au lieu de s’en prendre à ma personne et à mon honorabilité, les uns et les autres devraient se mobiliser pour pousser les institutions à organiser les élections dans les délais constitutionnels. Je suis heureux pour ma part d’avoir attiré l’attention sur ce point dès maintenant. A chacun son rôle dans notre Etat.

Jacques Ayadji

Le professeur Gilles Badet a affirmé que je l’accuse, malgré toutes les précautions qu’il a prises lors de l’émission, d’avoir été en mission pour que le Président Yayi reste en place au-delà du 6 avril 2016. Je ne pense pas qu’il soit juste de donner une telle interprétation à mon post du jeudi 28 août 2014 après le débat animé par André Dossa sur canal 3. S’il est vrai que la portion de phrase  » à moins qu’il soit en mission pour celui que vous connaissez. » se retrouve bien dans mon post, il n’en demeure pas moins que mon affirmation principale soit la suivante:  » Ce soir sur canal 3, le Professeur Gilles Badet est passé à côté de la dernière question posée par André Dossa sur la conduite à tenir dans l’éventualité de la non organisation des élections présidentielles en 2016″. C’est après cela que j’ai complété la portion de phrase citée plus haut. J’invite donc le professeur à relire mon post en donnant le sens qu’il faut à l’expression « à moins que » et il comprendra qu’il doit à l’honnêteté intellectuelle de tenir compte de l’ordre dans lequel il faut hiérarchiser les deux assertions séparées par « à moins que ». Cela dit, je déduis du post du professeur qu’il réfute mon assertion selon laquelle il serait passé à côté de la question du journaliste et en prends acte. Ceci m’oblige, sans être constitutionnaliste à faire le débat avec lui. Je vais y revenir à l’occasion d’un partage de son post réplique. Mais déjà j’ai noté une variation importante entre le contenu de son post et sa démonstration dans l’émission. A suivre …..

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Monsieur le Professeur, je suppose que vous avez lu mon précédent post par lequel j’ai fait un partage de mon post qui a suscité votre présente réaction. Je ne reviens donc pas sur ce que j’y ai développé. Cela dit, je veux faire le constat avec vous qu’il y a une variation notable entre votre déclaration à la télévision et le contenu de votre post. A la télévision, vous avez affirmé que même en cas de non organisation des élections présidentielles en 2016, il n’y aura pas vacance de pouvoir puisque selon vous quelqu’un est au pouvoir. Dans votre post d’hier, vous écrivez qu’il s’agit d’une paralysie ou un dysfonctionnement dans le fonctionnement d’une institution et dans l’activité d’un pouvoir public. Je pense que l’Institution dont vous parlez dans ce post est bien le Président de la République. Il reste que vous expliquiez au peuple béninois comment une Institution en place (le Président de la République) qui dispose des pouvoirs étendus comme c’est le cas au Bénin peut être paralysée. Ensuite je note une contradiction dans le contenu de votre post. D’abord vous avez écrit que l’hypothèse évoquée par le journaliste n’est pas prévue par la Constitution. En même temps vous évoquez l’article 114 de notre constitution qui donne des prérogatives à la Cour Constitutionnelle de réguler ce genre de situation. L’article 114 donne-t-elle à la cour le droit de réviser la constitution, y compris de recourir aux constitutions des pays étrangers pour régler des situations non prévues par notre constitution? Je n’ai pas la même lecture que vous de l’article 114 qui stipule : « La Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. » S’il est vrai que cet article donne prérogative à la Cour de réguler le fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, il n’en demeure pas moins que ce rôle de régulateur ne peut être exercé sans l’existence de ces institutions. Si une institution en place est bloquée par une autre institution, la Cour peut intervenir de plein droit. C’est ainsi qu’en 2011, la Cour a dû prendre une décision pour contraindre l’opposition parlementaire à désigner ses représentants dans les démembrements de la Céna pour prévenir le blocage des élections de 2011. Si votre lecture de l’article 114 était celle de la Cour elle-même, elle se serait à l’époque tue pour prolonger après le mandat du Président en exercice jusqu’à l’organisation des élections. Bien au contraire, elle avait demandé au Président de l’Assemblée Nationale de se substituer à ces groupes parlementaires pour faire les désignations en leurs lieux et places. Aujourd’hui, si la Cour veut bien jouer son rôle elle n’a qu’une seule possibilité à savoir prendre une décision pour ordonner au Président de la République de mettre sans délai les ressources à la disposition du Cos-Lépi pour la finalisation de la Lépi. Si la Cour persiste à ne rien faire dans ce sens (en se contentant de rencontrer le Cos-Lépi qui s’est déclaré sans moyens pour lui demander de tout faire pour sortir la Lépi au plus tard le 30 novembre 2014), elle n’a qu’à savoir qu’elle n’aura plus aucune compétence en cas de non élection du Président de la République au soir du 5 avril 2014. Elle ne pourra même pas décider de l’installation du Président de l’Assemblee Nationale car cette Assemblée sera aussi inexistante. Nous serons dans un vide institutionnel et juridique que seul un accord de la classe politique peut solutionner et cet accord politique ne se décide pas à la Cour Constitutionnelle. Elle ne pourra tout au plus qu’entériner cet accord. Vous sachant aujourd’hui proche de la Cour Constitutionnelle, je vous demanderais de souffler aux sept sages de prendre leurs responsabilités en remontant les bretelles à l’Exécutif pour que les moyens financiers soient débloqués et mis à disposition pour l’établissement de la liste électorale et l’organisation des différentes élections. Notre Constitution ne donne aucune prérogative à la Cour dans la situation qui sera celle du Bénin si les élections n’étaient pas organisées et le Président élu jusqu’au soir du 5 avril 2014. La Cour constitutionnelle n’est pas au-dessus de la Constitution comme votre analyse tente de le faire croire. C’est ce que je crois et on n’a pas besoin d’être constitutionnaliste pour opiner sur une analyse d’un constitutionnaliste sur un sujet ayant trait à la Constitution.

Gilles Badet

Vu l’intérêt suscité par cette question, mais, je proposerai à l’Association béninoise de droit constitutionnel que nous organisions un atelier d’échanges sur ce point et que nous partagions les fruits de nos réflexions avec les plus hautes autorités juridictionnelles de notre pays.

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