On s’y attendait un peu. Hier, les délégués à la 64è session du comité régional de l’Oms pour l’Afrique ont désigné la Botswanaise Matshidio Moeti Rebecca. Elle a réussi à ravir la vedette à la Béninoise Dorothée Akoko Kindé- Gazard affaiblie par la multiplicité des candidats dans l’espace ouest-africain mais aussi et surtout par une diplomatie béninoise amorphe et félonne et un chef d’Etat trop peu engagé pour elle.
« Ite, missa est ». Allez, la messe est dite. Dorothée Akoko Kindé- Gazard ne sera pas le 2è Béninois à occuper le poste de Directeur régional de l’Oms pour l’Afrique après le docteur Alfred Comlan Quenum. Un échec amer qui sera ruminé ici pendant longtemps au regard de l’engouement suscité par la candidature d’une dame, technocrate attitré, qui passe pour un des meilleurs ministres de la santé de notre ère démocratique avec un programme assez séduisant. Son échec pas trop surprenant paraît bien programmé par une diplomatie béninoise qui n’a visiblement rien fait pour elle. Son premier handicap a été d’abord la multiplicité des candidatures dans l ‘espace ouest africain où chacun a joué au rusé pour prendre le dessus sur l’autre. Or, pour ces genres d’élection les questions géopolitiques tiennent pour beaucoup dans la réussite des candidats. Handicapée par la cacophonie des ambitions dans sa région d’origine, elle le sera davantage par une diplomatie béninoise qui a joué aux abonnés absents. Rien n’a été pour « vendre » sa candidature et pour déstabiliser celles de ses challengers. Par exemple, on a été surpris par la carte de visite de la candidate botswanaise, jusque- là adjointe du directeur sortant et donc membre du système. En outre, elle provient d’un pays « propre », aujourd’hui meilleur élève de la bonne gouvernance sur le continent. Contrairement à certains pays où il existe une politique de positionnements des cadres dans les institutions internationales et où ces préoccupations font l’objet de projet et d’engagement de tout le gouvernement, on n’a rien vu ici. Les fonds promis par le gouvernement pour accompagner cette candidature n’ont été débloqués que quelques jours avant la rencontre. Au niveau des tractations diplomatiques, c’est le silence radio. L’entourage de la candidate cache, sous un euphémisme visible son « abandon » par l’appareil d’Etat. « La pauvre a été souvent obligée d’aller seule pour plaider sa candidature pendant que ses challengers se font vendre par de grands lobbys mis à leur chevet par leurs gouvernements », se désole une source proche de la ministre. Par exemple, elle a été obligée d’aller seule plaider pour sa candidature auprès de Faure Gnassingbé du Togo. Quid du Chef de l’Etat qui devrait lui-même porter la candidature de son ministre ? A aucun moment, Boni Yayi n’a parlé de ça. Ni à aucun de ses collèges de la sous- région (selon des sources concordantes), ni ici au pays lors de ses nombreuses sorties à l’intérieur du pays où il parle un peu de tout. Au contraire, le Chef de l’Etat a semblé travailler contre. Deux exemples l’expliquent. Lundi dernier, il a reçu en audience tous les cinq candidats et leur dit à peu près ceci : « quel que soit celui ou celle qui sera élu parmi vous, il faut qu’il sache qu’il n’est pas le candidat de son pays mais de toute l’Afrique et travailler comme s’il venait de tous les pays du continent ». Sous l’image projetée d’un président sage soucieux du développement de toute l’Afrique se cache une intention. Il préparait psychologiquement la candidate du Bénin à accepter son échec au moment opportun. Mais pas elle seule. Selon les coulisses de l’élection, Boni Yayi recevait la pression de certains chefs d’Etat étrangers à qui il avait promis depuis longtemps que le Bénin soutiendrait leurs candidatures pour gagner ce maroquin. Une telle déclaration devant ces candidats pourraient camoufler le jeu clair sombre du président béninois. Et puis, il y a quelques jours à Porto- Novo lors de l’ouverture de la rentrée judiciaire à la Cour suprême Yayi déplore les grèves sauvages dans le secteur de la justice et surtout de la santé. Une telle déclaration à quelques jours d’un si important forum où le Bénin veut promouvoir son ministre de la santé n’est sûrement pas innocente. Selon les mêmes sources, pour corroborer son plan, Yayi aurait appelé le ministre Gazard au téléphone le mardi soir alors même que les hostilités sont lancées, pour lui demander de retirer sa candidature. En somme, Gazard n’a vraiment pas été la candidate du Bénin.
Tout pour Yayi, rien pour les autres
Depuis 2006, le seul Béninois qui a été promu à des postes de responsabilité dans les institutions internationales est Boni Yayi. Tous les autres qui ont eu l’ambition de postuler pour des postes internationaux ont tous échoué. Et plus grave, les rares Béninois qui occupaient des postes de responsabilité dans des institutions internationales avant 2006 les ont progressivement perdus. C’est les cas de Abraham Zinzindohoué(Cour de justice de l’Uemoa), Jean Yves Sinzogan(Uemoa), Joseph Olabiyi Babalola Yaï(Président du Conseil exécutif de l’Unesco), Jean Pierre Ezin(promu par le régime Yayi Président de la Commission de l’éducation de l’Ua puis déchu après). Faisons un petit rappel. En Septembre 2009, Noureini Tidjani Serpos, jusque -là Directeur adjoint de l’Unesco pour l’Afrique décide de postuler pour le poste de Directeur, noble ambition n’est-ce pas ? Mais il échouera faute du soutien du Bénin. Joseph Olabiyi Yaï, très proche de Yayi, alors président du Conseil exécutif de la même institution va soutenir l’égyptien Farouk Hosny au détriment de son compatriote. Il fera même des déclarations dans la presse française pour se gausser de la candidature des noirs. Du côté du gouvernement, on raconte que sa candidature a été tardive et qu’il l’a lancée sans le consentement du Bénin. Depuis, ce cadre revenu au pays rumine son échec et promet de faire des révélations en temps utile. Le cas le plus alarmant est celui de Jean- Marie Ehouzou ministre des affaires étrangères. Le 18 Octobre 2011, un sommet de la Cedeao devrait se pencher sur l’impasse au sein de l’institution qui n’arrivait pas à désigner un nouveau président de la commission pour remplacer James Victor Gbeho qui assurait jusque- là l’intérim de son compatriote Mohamed Ibn Chambas. Entre le Sénégal dont le président ne voulait rien lâcher et le Burkina, nul n’a voulu faire de concession. Le président nigérian Goodluck Jonathan était désigné pour gérer cette crise. C’est alors que Boni Yayi propose à ses pairs une rotation alphabétique. Le Bénin, premier pays sur la liste et qui n’avait jamais rien gagné au sein de cette commission pourrait donc postuler. Il propose son ministre des affaires étrangères Jean- Marie Ehouzou, fin diplomate, ancien ambassadeur du Bénin à l’Onu. Le sommet qui devrait consacrer sa désignation, est prévu pour février 2012 plus tard. Mais entre temps, Yayi trouve mieux. Blaise Compaoré habile et fin stratège, surfant sur ses relents narcissiques extravagantes lui propose autre chose : être le prochain président en exercice de l’Union africaine. Cette fois-ci, c’est lui-même. Quelle aubaine ! Yayi sera sur le toit du monde. Il voyagera partout, sera toujours invité à tous les pupitres. La seule contrainte de ce rêve, il doit abandonner le poste de président de la commission de la Cedeao. Tant pis pour Ehouzou, il s’en moque. Le 29 janvier 2012, il est élu président en exercice de l’Ua. Un titre honorifique, juste pour un an. C’est en tout cas, mieux pour Yayi que de promouvoir un cadre à la Cedeao pour des années. Le 17 février 2012, au sommet de la Cedeao à Abudja, il ne prononcera même pas une seule fois le nom de Ehouzou, pour respect au deal. Désiré Kadré Ouédraogo est plébiscité. Yayi poursuivra son rêve d’être le seul béninois connu et célébré dans le monde. Le 24 octobre 2013, il gagne un autre maroquin international. Il est élu président en exercice de l’Uemoa. Là aussi c’est son égo. Qui sait si c’est ce n’est pas au nom de cela que Dorothée Akoko Kindé Gazard a été sacrifiée ? Yayi a horreur de voir ses compatriotes connaître les prestiges et les honneurs des postes internationaux. Quand c’est lui-même, la diplomatie offensive marche à merveille.
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