Cotonou-Ouaga, via Dakar

Nous sommes des impatients. Parce que nous voulons que s’opère, ici et maintenant, le changement dont nous rêvons. Nous sommes, en outre, des Saints Thomas. Parce que nous voulons, d’abord et avant tout, faire la preuve, par nos sens, de la matérialité et de l’effectivité de tout changement pour y croire. Or, tout changement, même s’il devait surgir brutalement, est le fruit d’un processus long, silencieux, souterrain. La sagesse impose d’y croire pour le voir.

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Pour dire que l’histoire, souvent à notre issu, s’accélère. Elle porte ainsi, dans la grisaille d’aujourd’hui, les promesses d’un lendemain radieux. Il y a une semaine, les Burkinabè étaient à mille lieux de penser qu’ils allaient prendre un rendez-vous décisif avec l’histoire. Il y a deux ans, les Sénégalais faisaient la preuve par neuf que la décision des urnes pouvait prévaloir sur les acrobaties et les contorsions d’une autocratie en mal d’imagination. Il y a vingt-quatre ans, les Béninois ouvraient le cycle des conférences nationales souveraines.

Cotonou-Dakar-Ouagadougou : voilà trois stations majeures sur le chemin des ruptures et des changements de fond qui marqueront le devenir de notre continent. Ces trois stations sont liées. Elles forment un ensemble cohérent de faits majeurs à finalité unique : la maturation d’une conscience démocratique africaine. Ce sont trois maillons d’une seule et même chaîne. C’est la même histoire qui s’écrit à l’encre dynamique d’une même volonté de changement. Soyons clair et précis en répondant à trois questions.

Première question. De quel changement « l’axe » Cotonou-Dakar-Ouagadougou » est-il porteur ? Cotonou a brisé, à travers les conférences nationales souveraines, le mythe du parti unique et des potentats, maîtres du destin de leur peuple. C’était en février 1990. Juste après l’effondrement du mur de Berlin. Mais avant le discours de François Mitterrand à la Beaule, en France. Même si les officines à récupérer les conquêtes des peuples ont fonctionné partout, le mouvement a laissé des traces durables. Le mur de l’autocratie a été ébranlé par une brèche sévère.

Dakar a arbitré, dans les urnes, le bras de fer qui a opposé un Président à son peuple. Le premier voulait tripatouiller la loi fondamentale pour jouer les prolongations au pouvoir. Le second a opposé aux ruses du chef et aux chars des militaires   la toute puissance de son bulletin de vote. Et la démocratie fut sauve. Quant à Ouagadougou, il reprend, à sa manière, la saga de Dakar en faisant prévaloir le pouvoir de la rue. Parce que dans un système verrouillé où les dés sont pipés, aucun recours n’est possible contre des urnes bourrées à l’avance. Aucun pourvoi n’est recevable contre les résultats d’élection préfabriqués qui défient l’intelligence.

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Deuxième question.Qui sont les principaux acteurs qui portent les changements observés ici et là ? Les jeunes introduisent, à leur corps défendant, dans les luttes démocratiques en cours, un critère d’âge. Ce qui n’amoindrit pas pour autant la contribution des entités classiques que sont les partis politiques, les syndicats, les organisations de la société civile… La jeunesse africaine a payé un lourd tribut au changement dans les geôles de la révolution au Bénin. La jeunesse a hurlé son ras-le bol au Sénégal à travers le désormais célèbre « Y a en marre ». La jeunesse s’est déterminée à garder la maison propre au Burkina Faso avec « Le balai citoyen ». Les luttes démocratiques en cours sont, essentiellement et incontestablement, le fait de la jeunesse. Elle semble ainsi s’approprier son destin. Ni sauveur, ni messie.  Car personne ne sauve personne. On se sauve soi-même.

Troisième question. Sur quoi pourrait déboucher le vent de changement qui souffle actuellement sur l’Afrique ? Les jeunes africains ne demandent pas la lune. Ils veulent vivre dans des pays de justice et de paix. Ils veulent se réaliser dans des Etats de droit où les libertés fondamentales sont garanties. Ils aspirent à la pleine jouissance des droits humains. La convergence de leurs revendications est un signe prometteur pour le continent. Cette exigence démocratique, socle de base d’un vrai développement socioéconomique, pourrait à terme embraser l’Afrique entière. Qui s’étonnerait alors de voir poindre à l’horizon une panafricaine des luttes pour la démocratie sur le continent ?  Arrière le syndicat des chefs d’Etat, sous l’impulsion de la jeunesse, avant-garde d’un panafricanisme rénové. L’Union africaine des peuples est en marche

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