Bénin: le dialogue politique, une perte de temps

Une initiative mort-née ou une stratégie politique de dilatoire. C’est ainsi qu’on peut qualifier le dialogue politique béninois. Du moins, dans sa formule actuelle. Convoqué par le président de la République sur exigence des forces politiques de l’opposition,  comme une issue à l’impasse électorale, ce dialogue politique a du plomb dans l’aile. 

Publicité

Après plusieurs jours de travaux, le comité préparatoire n’a pu sortir la potion magique pouvant permettre au gouvernement et à l’opposition de s’entendre sur des mesures concrètes pour la disponibilité à temps de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) et l’organisation courant mars-avril des élections locales communales et municipales et législatives. Reportées sine die depuis février 2013, les Municipales, constituent avec les tergiversations et intrigues dans le processus de correction de la Lépi, les éléments concrets de l’impasse électorale. Le dialogue, voulu par les acteurs politiques pour sortir de cette impasse, est désormais en stand-by. Pourtant les questions de fond n’avaient pas encore été abordées. Le gouvernement et l’opposition se sont séparés dos-à-dos sur les préalables au dialogue.

Rappel des points de désaccord

Les préalables de l’opposition sont au nombre de trois, voire quatre. Elle exige, avant toute discussion de fond, (1) l’accès égalitaire des partis politiques et alliances de partis politiques aux médias du service public, notamment la télévision nationale (Ortb), (2) le retrait de l’Assemblée du projet de révision de la Constitution, (3) le caractère exécutoire des points d’accord du dialogue et (4) le fait que le Chef de l’Etat ne doit pas le présider les travaux.  Ces propositions n’ont pas manqué de susciter la réaction des Forces cauris pour un Bénin émergent, famille politique du président Boni Yayi. Désormais, par medias interposés, anti et pro-Yayi se rejettent la responsabilité de l’échec du dialogue politique. Et le ver est dans le fruit.

Oubliez ces questions de préalables

L’analyse de la situation conduit à une déduction : le gouvernement et l’opposition sont dans une logique politique qui ne peut conduire qu’à l’échec du dialogue. L’opposition est apparemment dans la logique de mettre le Boni Yayi dos au mur ; réduire très considérablement ses marges de manœuvres jusqu’à la fin de son dernier mandat le 06 avril 2016. De l’autre côté, les Fcbe et le gouvernement sont prêts à tout faire pour que leur «leader charismatique» reste le maitre de la situation jusqu’en avril 2016. L’enjeu de tout cela est le contrôle de la Lépi. Cette liste, version provisoire ou définitive, sera un facteur déterminant  dans l’issue des prochaines joutes électorales. Notamment, le contrôle de l’Assemblée nationale et le choix du prochain président de la République. C’est de bonne guerre étant donné que nous sommes en politique. 

Cependant, les préalables posés par l’opposition sont inopportuns au regard de ce que devrait être l’objectif du dialogue politique. Il est tout à fait légitime que l’Union fait la Nation, Alternative citoyenne, le Prd (Parti du renouveau démocratique) et associés veuillent profiter de ce dialogue pour régler un certain nombre de problèmes dont l’accès des anti-Yayi à la télévision nationale. Mais ces forces politiques ne doivent pas perdre de vue le facteur temps. L’urgence d’une issue à l’impasse électorale limite les participants au dialogue dans leurs marges de manœuvres. En effet, l’objectif du dialogue est de sortir au plus vite de l’impasse électorale. Et ce, avec l’organisation obligatoire des Municipales et Législatives courant mars-avril 2015. Cela implique la disponibilité ici et maintenant d’une liste électorale et d’un calendrier claire des différentes étapes du processus électoral. Dès lors, les discussions entre forces politiques devraient se focaliser sur la recherche de réponses consensuelles à deux questions. (1) Que faire si le 15 janvier la Leip (Liste électorale informatisée provisoire) n’est pas disponible. (2) Que faire si, malgré la disponibilité de la liste, les délais prévus par le Code électoral ne permettent pas la tenue des Municipales et Législatives courant mars-avril?

Publicité

Le Parlement doit prendre ses responsabilités

L’absence de réponses à ces deux questions crée aujourd’hui l’incertitude électorale. Il faudra donc leur trouver des réponses consensuelles dans l’urgence. Pour ce qui est du caractère «exécutoire des points d’accord», cela ne relève pas que du Chef de l’Etat comme l’exige l’opposition. Encore moins du gouvernement. L’exécution des points d’accord relève aussi du Cos-Lépi, de la Cena (Commission électorale) de l’Assemblée Nationale et de la Cour constitutionnelle. Mais aujourd’hui, la clé de voute la situation politique se trouve à l’Assemblée Nationale. Elle doit se saisir des grandes conclusions du dialogue politique pour élaborer des lois de sortie de crise. Il s’agira d’une loi pour réduire les délais (au cas où la Lépi est prête) et d’une autre loi autorisant le recours à une liste alternative (en cas d’indisponibilité de la Lépi).

Au cas où le gouvernement et l’opposition continueraient de se manger le nez, les députés, représentants du peuple, devraient pouvoir prendre leur responsabilité en votant les lois dérogatoires nécessaires. Ces lois, une fois déclarées conformes à la constitution par la Cour et promulguées par le président de la République, s’imposeront à tous les acteurs du processus électoral.  L’Assemblée l’a fait en prorogeant sine die le mandat des élus locaux. Elle peut  le refaire en contraignant le Cos-Lépi à libérer une liste électorale, le gouvernement à convoquer le corps électoral et la Cena à organiser les élections. C’est la voie royale pour sortir de l’impasse électorale. Et mettre fin, tout en respectant la Constitution et les lois républicaines, au jeu de cache-cache auquel se livrent le gouvernement et l’opposition. Qui sont, visiblement, dans un complot contre le peuple béninois et sa démocratie.  

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité