Bénin : les travailleurs de la Sodeco somment la Sonapra de payer ses dettes

Les récriminations n’en finissent pas de pleuvoir sur la Sonapra. Après les égreneurs, c’est le tour des agents de la Sodeco de s’en prendre à la Sonapra et à son Dg pour la gestion de l’égrenage à façon. Au cours d’une conférence de presse donnée vendredi dernier, Vladimir Guèdègbé, du Syndicat libre des travailleurs de la Sodeco  explique les conséquences de la réquisition sur les travailleurs et l’entreprise et invite la Sonapra à payer ses créances. Lisez ici l’intégralité de cette déclaration.

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Intégralité de la déclaration du SYLTRA-SODECO

Le Bureau Directeur du Syndicat Libre des Travailleurs de la SODECO (SYLTRA-SODECO), fatigué de subir les conséquences de la réquisition de l’ensemble des usines de la SODECO et de son personnel par le gouvernement pour le compte de la campagne cotonnière 2013-2014 et pour celle de 2014-2015 en cours, a pris ses responsabilités en décidant, à travers une conférence de presse qu’elle organise le Vendredi 27 février 2015 à la bourse du travail, d’éclairer l’opinion sur la situation  qui ne fait qu’empirer.

Afin de permettre une meilleure compréhension de la situation, nous allons aborder le sujet sous trois (02) angles : les conséquences de la réquisition  des usines d’une part, et le non respect des dispositions du décret portant réquisition de l’ensemble des usines et son personnel d’autre part.

La question de la tentative de l’égrenage du coton de la campagne 2014-2015 au Togo étant d’actualité, elle occupera la 3ème partie de notre conférence.

I-             Les conséquences de la réquisition  des usines

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 La réquisition de l’ensemble des usines de la SODECO et son personnel pour le compte de la campagne cotonnière 2013-2014 décidée par le décret N°2014-003 du 10 janvier 2014 a, depuis sa mise en application, eu des conséquences dramatiques sur la société et ses travailleurs.

Au nombre de ces conséquences, on peut citer : 

 

1- La division créée au sein du personnel de la SODECO

 

La division au sein du personnel de la SODECO est, sans aucun doute, le fait du gouvernement, si on s’en tient seulement au titre du décret N°2014-003 qui a prévu la réquisition et la prise en charge de l’ensemble des usines de la SODECO et son personnel uniquement, c’est-à-dire l’aspect industriel de la chose, en laissant de côté la Direction Générale, c’est-à-dire l’aspect administratif. Du coup, les salaires du personnel des usines sont payés par la SONAPRA et ceux de la Direction Générale sont rémunérés sur place. Les travailleurs se trouvant face à cette situation hybride ne savent plus à quel sein se vouer.

De même, la défense des intérêts personnels et égoïstes ainsi que la prise de position partisane des responsables syndicaux dans la gestion de la crise a entrainé la création d’un nouveau syndicat. La méfiance et la suspicion sont légion dans les usines entre les membres des deux syndicats existant, ajoutées aux menaces et aux actes d’intimidations dont sont victimes les membres de notre syndicat.

 

2- La gestion peu orthodoxe de la carrière du personnel des usines par le Directeur Général de la SONAPRA

 

Le Directeur Général SONAPRA, en qualité de Coordonnateur nommé des usines et du personnel des usines (art 2014-004 du 10 janvier 2014) a décidé d’assurer le paiement des salaires des travailleurs des usines en se substituant à la Direction Générale qui demeure le seul employeur avec qui ces travailleurs ont souscrit à des contrats de travail.

Dans une administration organisée et qui se respecte, tout paiement de salaire doit être automatiquement suivi de délivrance de fiche de paie y afférente, ce qui n’est pas le cas dans les usines, étant donné que durant toute l’année 2014, seulement trois fiches de paie (03) sur douze (12) ont été délivrées.

La SONAPRA ne disposant pas de numéro d’enregistrement à la caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), ne pourra donc pas procéder au reversement des cotisations, d’où la difficulté de gestion des carrières des travailleurs.

 

3- La menace sur l’emploi du personnel de la Direction Générale

 

Le personnel de la Direction Générale est presque au chômage parce que contraint à l’inactivité depuis la prise du décret du 10 janvier 2014, portant réquisition de usines de la SODECO et de leur personnel. Voici donc quatorze (14) mois que les salaires sont régulièrement payés aux travailleurs sans qu’ils aient mené les activités pour lesquelles ils sont payés durant tout ce temps.

Pendant combien de temps nos autorités pourront faire preuve de bienfaisance et de philanthropie en continuant à payer les salaires ?

Pour comble, le gouvernement, par un nouveau décret N°2014-533 du 25 août 2014, a décidé de la poursuite de la réquisition de l’ensemble des usines et leur personnel dans le cadre de la campagne cotonnière en cours, et ce, dans les mêmes conditions que la campagne précédente. Nos collègues d’autres usines d’égrenage de coton n’ont pas atteint ce niveau avant voir leurs salaires abattus à moitié et leurs activités suspendues.

Qu’allons-nous devenir, nous et nos familles, s’il arrivait que nous perdions nos emplois ?

II- Le non respect des dispositions du décret portant réquisition de l’ensemble des usines et son personnel

L’article 4 du décret N° 2014-003 du 10 janvier 2014, portant réquisition des usines de la SODECO, stipule que ‘’la SONAPRA, pour le compte de l’Etat béninois, versera à la SODECO, la somme de soixante mille (60 000) francs FCA, par tonne de coton égrenée, dans un compte séquestre ouvert à cet effet’’.

Le compte séquestre, au sens propre du terme, devrait être issu d’une décision de justice sur l’accord des parties et ne doit être ouvert par aucune des parties jusqu’à la fin des opérations pour lesquelles il a été ouvert. Aussi, ce compte ne doit être fermé que par décision de justice avec l’accord des parties en conflit.

De même, l’article 5 du même décret a pris en compte les différentes rubriques des dépenses (Voir l’art 5) à effectuer dans le cadre de la campagne 2013-2014, déductibles des 60 000 F CFA prévu à l’article 4 ci-dessus cité.

Le compte dont il s’agit ici n’a rien de séquestre car ayant été ouvert unilatéralement par le gouvernement sans l’accord de la SODECO et géré par la SONAPRA comme un compte courant personnel, tout simplement.  

Quand il y a un compte dans lequel on effectue des dépenses pour une activité donnée, il est normal qu’à l’issue de cette activité que l’on puisse en faire le point.

A cet effet, la Direction Générale de la SODECO a adressé plusieurs correspondances à mi-parcours et à la fin de la campagne à l’endroit du Coordonnateur des usines de la SODECO, en la personne du Directeur Général de la SONAPRA, en vue du paiement des factures à lui adressées dans le cadre des prestations d’égrenage, ce dernier n’a fait que du dilatoire jusqu’à ce jour. Il a fallu que la  Direction Générale de la SODECO, par exploit d’huissier, lui adresse une correspondance datant du 18 novembre 2014, lui notifiant entre autre, qu’à défaut de règlement jusqu’au 28 novembre 2014, ‘’la SODECO sera contrainte d’utiliser les voies judiciaires de recouvrement prévues par les textes en vigueur en la matière’’, avant qu’il ne reconnaisse enfin la créance de la SODECO qui correspond à la somme totale de 14 332 194 450 F CFA TTC pour l’égrenage des 202 432,125 tonnes égrenées, sous réserve de la déduction des charges engagées dans le cadre de l’exploitation des usines.

A ce jour, ni le point financier ni le paiement de la créance ne sont effectués, du fait du Directeur Général de la SONAPRA qui a prétexté dans un courrier du 02 décembre 2014 adressé à la Direction Générale de la SODECO, qu’un travail préalable est en cours afin de déterminer le niveau réel des dépenses engagées par la SONAPRA et nous voilà en plein dans une nouvelle campagne cotonnière 2014-2015. Notons que pour cette nouvelle campagne, à la date du 10 février 2015 (date à actualiser à la veille de la diffusion du communiqué), déjà 71 970 tonnes sont égrenées pour un coût de prestation d’égrenage s’élevant à plus de 4 milliards de francs CFA.   

Les conséquences de ces dettes qui demeurent volontairement impayées par la SONAPRA, constituent non seulement une grave menace pour l’emploi et le suivi des carrières mais également un frein pour la jouissance de l’ensemble des acquis sociaux des travailleurs de la SODECO, en l’occurrence, ceux de la Direction Générale à Cotonou.

III- La volonté affichée de l’égrenage du coton béninois au Togo au titre de la campagne cotonnière 2014-2015

Depuis deux semaines environ, des rumeurs persistantes et finalement confirmées par le Ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche et le Directeur Général de la SONAPRA font état de ce que le coton graine au titre de la campagne 2014-2015 pourrait être égrené au Togo.

Pour soutenir cette tentative, le gouvernement a affirmé que ce n’est pas un fait inédit, étant donné que cela a été réalisé il y a quelques années à 300 km de Malanville et plus précisément à Madaoua au Niger.

Nous balayons de revêt de mains cet argument qui occulte la réalité.

De quoi s’agit-il en fait ?

Au cours de la campagne cotonnière 1993/1994, le Bénin a produit 277.600 tonnes de coton graines alors que la capacité totale d’égrenage à l’époque était de 237.500 tonnes. C’est ainsi que le gouvernement, en vue d’éviter les pertes dues à l’incapacité des usines d’égrener la totalité de la production, a dû  céder, vendre, le surplus du coton graine dégagée évaluée à 40.100 tonnes, à une société privée, la société Aiglon. La société Aiglon, désormais propriétaire du produit vendu, a convoyé le coton graine acheté pour l’égrener à l’usine de Madaoua au Niger.

Signalons qu’à l’époque, il n’existait pas de société privéed’égrenage de coton, toutes les sociétés d’égrenage existantes appartenaient à l’Etat. C’est pour remédier à cette lacune qu’il a été décidé depuis lors, de l’implantation des sociétés privées d’égrenage au Bénin.

Mais le contexte n’est plus le même aujourd’hui. La capacité totale de l’ensemble des usines d’égrenage de coton au Bénin à ce jour est 612.500 tonnes alors que la production de coton graine attendue pour cette campagne est de 360.000 tonnes.

Vous convenez avec nous de l’inopportunité de la tentative d’égrenage de notre coton au-delà de nos frontières qui aura des conséquences dramatiques pour notre pays.

Au nombre de ces conséquences, on peut citer :

– le manque à gagner (89.000 FCFA HT contre 60.000 FCFA HT  par tonne de coton graine imposé aux sociétés d’égrenage de coton du Bénin);

– le surcoût des prix de transport des produits cotonniers ;

– l’augmentation des charges d’exploitation, notamment des frais de surveillance, de coordination des opérations et autres, toutes choses à faciliter la gabegie ;

– le risque de mélanges variétaux de coton et de ses dérivés au cours du processus d’égrenage à façon, le TOGO et le Bénin ne cultivant pas la même variété de coton ;

– le risque de sous utilisation des unités d’égrenage installées au Bénin avec pour corollaire la mise au chômage de milliers d’employés ;

– Le risque de disparition ou de vol de coton graine à l’extérieur ( des milliers de balles de coton ont disparues sur notre propre territoire au cours des deux campagnes passées, qu’en sera-t-il à l’extérieur ?

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