Humeur du temps : qu’il est bon d’être chef au Bénin

Un passage clouté ce jeudi 12 mars devant l’hôtel des Princes à Bohicon. Pas habituel dans cette ville un peu déconnectée des réalités administratives cotonoises.  Riverains et passants regardent, abasourdis, un collège de hauts gradés de la police et un quarteron d’universitaires se morfondre sous le soleil et donnant l’impression d’attendre une autorité spéciale.

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Annoncé à un pas de l’hôtel pour l’ouverture officielle d’un séminaire sur la police de proximité, le ministre de l’intérieur Simplice Codjoh se fera désirer une, deux, cinq, dix, une quinzaine de minutes. Un détachement d’agents de police immobilisés sur les lieux des heures prend son mal en patience. Idem pour le collège de hauts gradés et d’universitaires qui tue le temps en devisant. C’est après tout ce temps que les sirènes devront annoncer son arrivée sur les lieux. Il descend de sa voiture, la tête dans les nuages, salue le détachement de la police, son Dc, les cadres de son ministère, les acteurs de la société civile et les universitaires avant d’entrer dans l’hôtel. Dans la foule des passants intéressés par ce spectacle, une dame surprise de ne pas voir Yayi après tout ce dispositif sécuritaire demande à ses voisins : « mais c’est qui celui-là ? ». Un homme apparemment plus informé lui répond : « c’est le ministre de l’intérieur… ». Puis il marmonne ensuite : « Et pourtant, il n’a pas trop étudié hein…c’est un pasteur ». La dame stupéfiée, réagit : « un pasteur ?!…agooo man gbon dé ». Cela signifie en français : « je passe mon chemin ». On le dit souvent aussi pour se gausser de gens qu’on croyait plus important que ce qu’ils laissent découvrir réellement. L’étonnement de cette dame rurale relance le débat du profil du chef au Bénin. Comme elle, j’ai pris de la peine à voir des «sécurocrates», des hauts gradés de la police, des universitaires se morfondre à accueillir un tel personnage. Un  déscolarisé  dont  le  parcours assez insolite  le conduit au prêche. Et qui n’est devenu ministre que grâce à son talent de pasteur impertinent proclamant Yayi tel un messie. Normalement, le job de ministre est dévolu à un cadre qui a fait sa classe au sein de l’administration,  a un parcours politique accompli et qui peut parler à des gens de son rang. Mais comme nous sommes dans un système d’inversion des valeurs, il peut bien s’enorgueillir d’être ministre. Ici, le cancre peut être  chef mais il dirige. Son patron à qui il voue vénération suprême et génuflexions ne peut même pas lui en vouloir pour ça. Le lundi 09 mars dernier, ministres du gouvernement, présidents d’institutions, personnalités politiques de divers ordres, icônes de la société civile, très de 300 personnes ont été tous plantés de 9h à 11h attendant au Palais des congrès un Chef de l’Etat qui ne viendra jamais. Il devrait venir inaugurer un colloque du Mécanisme africain d’évaluation par les paires(Maep) sur « la démocratie et bonne gouvernance en période électorale » mais  le tapis rouge n’a pu recevoir ses semelles et les agents de la garde républicaine venus pour son accueil et sa sécurité ont dû se replier après. Avec son hélicoptère, Yayi crée pas mal de désagréments aux populations. Il y a quelques semaines à l’entrée de la ville de Porto -Novo, la circulation a été bloquée dans les deux sens pendant près de 3h juste pour sécuriser son hélicoptère. Il survole tout. Son rejeton du Cpi peut imprudemment laisser tomber le trop plein de billets de banque de sa poche sur le chemin de retour. Au Bénin, il est bon d’être chef. Cela te donne le droit de tout faire, même de disposer du temps et du programme des autres. De s’enrichir sans se faire contrôler, de mettre debout au soleil des messieurs importants que tu ne pourrais jamais voir dans un système normal. C’est pourquoi tout le monde rêve et court pour être chef ici.

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