Bénin : la Cour fait deux poids, deux mesures

Dans sa décision Dcc 15-092, rendue mardi dernier, La Cour constitutionnelle énonce le principe à valeur constitutionnelle de transparence et de sincérité au nom duquel elle dessaisit le Cos Lépi du processus de distribution des cartes d’électeurs. Mais curieusement, elle fait du deux poids deux mesures en restant muette sur les cas Komi Koutché et Kassim Chabi.

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Qu’elle est géniale la Cour Holo ! Dans sa dernière décision Dcc 15-092 du 14 Avril, elle enrichit la jurisprudence de la Cour d’un nouveau principe à valeur constitutionnelle qui est le principe de la transparence et de sincérité. En effet, dans l’analyse du recours formulé par le ministre des finances Komi Koutché, la Cour affirme : « … le maintien en poste du COS-LEPI en avril 2015 porte atteinte au principe de transparence, de sincérité du processus d’actualisation de la LEPI et même à celui de la légitimité de l’organe de pilotage du processus qu’il est ; qu’il est constant qu’à la date de saisine de la haute juridiction, le 09 avril 2015, la plupart des membres du COS-LEPI sont candidats aux élections législatives du 26 avril 2015 ; que le principe à valeur constitutionnelle de transparence commande que des candidats aux élections ne posent plus, en cette période où la campagne électorale a été déclarée ouverte depuis le 10 avril 2015 par la Commission électorale nationale autonome (CENA) par décision année 2015 n° 055/CENA/Pt/VP/CB/SEP/SP du 09 avril 2015, des actes d’organisation susceptibles de porter préjudice à la crédibilité et à la fiabilité des opérations électorales ; que, dès lors, il échet pour la Cour de dire et juger que tous les membres du COS-LEPI doivent se retirer immédiatement de la gestion du processus au profit de l’organe technique qu’est le Centre national de traitement (CNT) dont la mission assignée par le législateur est, entre autres, « … d’éditer ou faire éditer de nouvelles cartes d’électeur et assurer leur distribution sur toute l’étendue du territoire national ; de déterminer le corps électoral et le nombre de postes de vote ; de confectionner les listes d’émargement par poste de vote, etc. » et transférer au Centre national de traitement (CNT)  les six cent onze millions cinq cent quatre-vingt mille (611.580.000) francs CFA affectés à la distribution des cartes d’électeur ;… ». Ainsi donc, les membres du Cos-Lépi, tous candidats aux élections législatives ne devront plus être impliqués dans l’organisation matérielle du scrutin et des procédures y concourant comme celle de la confection et distribution des cartes d’électeurs. Bien qu’à valeur constitutionnelle, ce principe relève aussi du bon sens et de l’éthique.

On ne saurait être juge et partie, participer à l’organisation d’un scrutin auquel on est candidat.  On comprend donc clairement la volonté affichée par la Cour pour la transparence et la fiabilité des élections. Mais ce qui intrigue, c’est que la Cour fasse fi et du statut et des actes posés par Komi Koutché qui, bien qu’il soit ministre des  finances est aussi candidat à cette même élection. La Cour semble perdre de vue, le second statut de l’argentier national, candidat dans la 9è circonscription électorale. Qu’il fasse un tel recours, bien qu’agissant ès qualité de ministre des finances, pose problème dans la mesure où il est candidat et les débats sur le financement du scrutin font partie du grand ensemble qui est l’organisation des élections.  A plusieurs reprises, le ministre a fait des sorties médiatiques pour annoncer  la confection ou partielle ou totale des cartes d’électeurs et même des dates de distribution de celles-ci alors qu’il ne travaille pas au Cos-Lépi. Agissait-il toujours là en tant que ministre des finances ?  Pas évident. Il en est de même de Kassim Chabi qui dirige actuellement le Cnt. Contrairement au premier, Kassim Chabi n’est pas candidat à cette élection, mais sur lui pèsent de lourds soupçons d’intelligence avec le pouvoir. A plusieurs reprises, les partis de l’opposition comme l’Un et l’Ang ont dénoncé l’exclusivité de la détention du code d’accès au fichier électoral par ce monsieur, ancien employé du Palais et frère du député Fcbe Chabi Sika, donc proche du pouvoir. Quelles transparence et sincerité la Cour veut sauvegarder en laissant ce travail sensible de garde et de distribution des cartes d’électeurs aux mains de quelqu’un sur qui pesaient depuis des accusations graves qui entâchent la sincerité des opérations d’apurement de la liste électorale. Sur ces deux cas, la Cour a laissé maints béninois sur leurs fins et laisse dans leurs têtes des brins d’insincérité de sa propre décision à elle.

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