Les cartons de la campagne

Encore quelques heures, et nous conjuguerons au passé la campagne des législatives. Les états-majors des différents partis ou alliances de partis jettent leurs dernières forces dans la bataille. Les têtes d’affiche, dans différentes circonscriptions électorales, tirent leurs dernières salves. Avec le secret souhait que les oreilles de l’électeur en portent l’écho jusque dans l’isoloir. A quelques heures de la fin de la campagne, permettons-nous d’apprécier le jeu des acteurs. A l’image de l’arbitre d’un match de football qui sanctionne l’action des joueurs en distribuant des cartons de différentes couleurs.

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 Commençons par un carton non encore agréé par les instances   du football international : le carton vert. Ceci pour marquer notre satisfaction sur certains aspects de la campagne. Le fait le plus significatif à cet égard, c’est la tenue à bonne date des élections législatives, en dépit, faut-il le dire, de quelques péripéties regrettables. L’honneur est sauf. Le calendrier républicain est respecté. C’est un impératif qu’une démocratie   s’interdise de déroger à la règle établie par caprice, par laxisme ou par calcul. Des élections qu’on n’organise pas ou qu’on diffère, cela fait désordre. Tout comme les dispositions constitutionnelles qu’on ignore ou qu’on zappe à loisir.

Carton jaune, pour la violation constante et quotidienne du code électoral. Pour ne prendre qu’un seul exemple, tout se passe comme si, en matière d’affichage, tout le monde avait oublié le Code. On préfère attiser les flammes d’une guerre sauvage des affiches. Le désordre est tel que si les affiches pouvaient parler, nous aurions eu droit au plus cacophonique des vacarmes de toutes nos campagnes électorales.

Carton jaune pour le bras de fer qui a opposé le Conseil d’orientation et de supervision (Cos-Lépi) au gouvernement. Une histoire de magot qui a fait croire qu’on a affaire aux femmes du marché Dantokpa se crêpant le chignon qu’à des responsables politiques devant montrer de la retenue et s’appliquer à faire l’accord sur leurs désaccords. Cette chamaillerie a appelé l’arbitrage de la Cour constitutionnelle. Mais nous avons déjà perdu beaucoup de temps dans l’opération de distribution des cartes d’électeurs, actuellement en cours et à la va vite. Le fabuliste nous a pourtant prévenu : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point. »

Carton jaune pour le fanatisme dont font montre certains militants. Ils tentent de verrouiller leur localité ainsi interdite d’accès aux militants des autres partis. C’est contraire à l’esprit des élections dans une démocratie. Il faut condamner, sans réserve, cette forme d’exclusion. A tenir pour une grave atteinte à nos droits les plus élémentaires.

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Carton jaune pour des heurts et des voies de fait enregistrés ici et là sur le terrain entre différents groupes en campagne. Triste et médiocre spectacle dans une démocratie. Dans un espace de liberté, il faut que les partis et les candidats manquent d’idées et d’arguments, pour se laisser ainsi prendre au piège du droit de la force, inintelligemment opposé à la force du droit. La question de la culture politique et de l’éducation politique est plus que jamais à l’ordre du jour.

Carton rouge enfin au dérapage le plus grave de cette campagne qui s’achève. Un dérapage aux tristes allures d’une dangereuse dérive. Il s’agit de l’échange de propos d’une rare violence, par meetings interposés, entre le Chef de l’Etat et l’un des candidats de l’opposition. Fermons vite cette malheureuse parenthèse. Il est des choses qu’on gagne plus à oublier qu’à ressasser, plus à effacer qu’à ruminer. Qui est mordu par un serpent gagne plus à courir se faire soigner qu’à courir après son agresseur. Que gagne-t-on à pleurer tout le temps sur un drame ? Il vaudra mieux prendre le temps de tirer leçons de l’adversité.

Première leçon, par rapport aux mots échangés. Les Latins nous enseignent que : « Il y a un temps pour parler. Il y a un temps pour ne rien dire. Mais il n’y a pas un temps pour tout dire. »(Fin de citation)

Deuxième leçon, par rapport aux protagonistes. Faisons comme au football. Expulsons de l’aire de jeu ceux des joueurs pris en flagrant délit d’antijeu. Mais mieux qu’au football, penchons-nous sur les maux sanctionnés et préoccupons-nous de la guérison des joueurs sanctionnés. Aidons-les à faire amende honorable. Tout homme peut changer pour peu qu’on lui en donne la chance. Commençons par inscrire sur le maillot des protagonistes la recommandation ci-après : « Plus jamais çà »!

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