« L’Europe sera plus prospère et plus stable si l’Afrique est plus prospère et plus stable » Josep Coll

Samedi 9 mai 2015, c’est la « Journée de l’Europe ». L’Ambassadeur Josep Coll, patron de la Délégation de l’Union européenne au Bénin revient dans cette interview, non seulement sur l’histoire et le sens de la commémoration de cette journée mais aussi sur la vision et la politique ‘’Union Européenne’’ dans le monde en général et en Afrique en particulier, sans oublier l’état de la Coopération entre le Bénin et l’Union aussi.

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Josep Coll, que fêtez-vous le 9 mai?

Le 9 mai, « Journée de l’Europe », marque l’anniversaire de la Déclaration de Robert Schuman, prononcée en 1950 à Paris. Par cette Déclaration, le Ministre des Affaires étrangères français proposait aux pays sortant de la seconde guerre mondiale une nouvelle forme d’organisation politique de l’Europe, en vue de mettre fin définitivement à toute forme de guerre. Le 9 mai 1950 est depuis lors considéré comme la date de naissance de ce qui est devenu aujourd’hui l’Union européenne.

L’histoire a prouvé que le projet européen était facteur de paix et de prospérité sur le territoire européen. C’est ce modèle, basé sur une économie de marché et solidaire, un profond engagement envers les droits fondamentaux et  la démocratie, qui a encouragé les pays d’Europe de l’Est à vouloir rejoindre l’UE. L’année 2014 fut essentielle pour la démocratie européenne puisqu’elle a vu le renouvellement des membres du Parlement  européen au suffrage universel, ainsi que la constitution d’une nouvelle Commission. L’UE entend prôner à l’extérieur de ses frontières les valeurs qu’elle applique à l’intérieur de celles-ci.

Peut-on dire que l’UE regarde vers le monde?

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Tout à fait. L’Europe continue de prendre une place de plus en plus importante et visible, contribuant à la résolution des conflits dans le monde. Je citerai comme exemple les pourparlers avec l’Iran, pour lesquels l’UE jouait le rôle de négociateur, travail qui a permis d’arriver à un accord sur les paramètres d’un plan d’action global conjoint le 2 avril dernier. Avec le Traité de Lisbonne, les pays européens ont donné à l’UE des responsabilités en termes de diplomatie internationale mais lui ont aussi donné les moyens d’assurer ce rôle, avec un service extérieur qui prend de l’importance et un réseau de délégations qui ancrent cette action à travers le monde.

L’UE entend apporter sa pierre aux débats sur les grands enjeux mondiaux comme le changement climatique ou encore le nouveau cadre mondial de développement durable qui remplacera à partir de 2015 les objectifs du Millénaire pour le développement.

Et, justement, dans le domaine de l’appui au développement?

L’UE continue de fournir la plus grande part de l’aide mondiale au développement, ce qui la place en première position dans la communauté internationale des donateurs. Malgré la crise qui a touché l’économie européenne, les citoyens européens ont, à travers un sondage Eurobaromètre, démontré leur volonté de rester solidaires du reste du monde. Plus de 80 % des Européens estiment que l’aide au développement est importante et 60 % considèrent même qu’il faudrait la renforcer.

Mais le citoyen européen n’est pas seulement altruiste. Certes, il souhaite que les famines soient évitées et que les droits fondamentaux de tous les citoyens du monde soient respectés. Mais il sait aussi que l’Europe sera plus prospère et plus stable si l’Afrique est plus prospère et plus sable. Nous sommes voisins et nos destins sont liés.

Vous voulez dire que l’Europe aide l’Afrique parce que cette aide sert ses intérêts?

L’Europe et l’Afrique partagent bon nombre d’intérêts et de valeurs communes. Laissez-moi citer l’exemple de la migration. Les drames qui se sont joués ces dernières semaines en Méditerranée doivent à tout prix être évités. C’était l’un des sujets de la réunion conjointe des Commissions de l’Union africaine et de l’Union européenne à Bruxelles le 22 avril 2015. Les discussions étaient axées sur la migration mais aussi le développement, la paix, la sécurité, la démocratie et d’autres sujets d’intérêt commun. Nous voulons que les conditions en Afrique soit telles que l’avenir des jeunes Africains puisse s’inscrire dans leur continent. Comme l’a dit récemment M. Juncker, Président de la Commission européenne: »Il ne suffit pas de combattre les symptômes de la crise, il est essentiel de tout faire pour éviter que des gens malheureux doivent prendre le bateau. Il faut sauver des vies sur place au lieu d’assister, impuissants, à l’autodestruction des vies en Méditerranée. »

Nous avons beaucoup parlé du reste du monde mais encore assez peu du Bénin. Quelles sont vos priorités?

L’Union européenne et le Bénin entretiennent une coopération fructueuse, qu’il s’agisse de relations politiques, économiques, commerciales ou encore de coopération. Mais surtout, le Bénin et l’Union européenne partagent des valeurs communes, à savoir l’attachement à la démocratie et aux droits de l’homme. Cette proximité s’est notamment illustrée par la visite du Président du Conseil européen Van Rompuyet du Commissaire européen au développement Piebalgs au cours de l’année 2014.

Les autres pays africains ont beaucoup à apprendre de la démocratie béninoise. La consolidation de la démocratie, le respect des droits de l’homme et des règles de bonnes gouvernances sont en effet des conditions indispensables au développement. L’UE entend accompagner le Bénin sur ce chemin. Ce n’est pas un hasard si l’appui à la Gouvernance est le premier pilier du Programme indicatif national du Bénin.

La Gouvernance est-elle le seul domaine d’action de l’UE au Bénin?

Pas exactement. Le 29 novembre 2014 à Dakar, l’UE et le Bénin ont signé le Programme Indicatif National 11èmeFED pour la période 2014-2020 pour un montant total de 372 Millions d’Euros (environ 244 milliards de FCFA). L’Union européenne reste ainsi le premier partenaire de développement du Bénin. Les principaux domaines d’intervention sont

(1) l’appui à la bonne gouvernance pour le développement,

(2) le développement durable de l’agriculture,

(3) l’accès à une énergie moderne et durable et

(4) l’appui à la société civile.

Dans certains pays voisins, il existe une certaine crainte des Accords de Partenariats économiques (APE). Que répondez-vous aux entreprises qui ont peur de voir ces accords en Afrique de l’Ouest?

Je reconnais comme vous qu’il y a énormément de crainte, souvent infondée, par rapport à ces instruments. Ces craintes sont attisées un ou deux groupes d’intérêts qui diffusent une information inexacte ou incomplète à dessein. Certaines entreprises nous disent par exemple craindre de disparaître face à l’ouverture à la concurrence. Mais les structures économiques entre les pays ACP et l’UE sont très complémentaires, de sorte que la plupart des secteurs économiques des pays ACP ne sont pas en concurrence avec des importations de l’UE. L’UE exporte principalement des équipements, des machines et des engrais qui sont tous très nécessaires, mais peu produits, dans les pays ACP. Ce sont des éléments importants pour améliorer la productivité.

En outre, les pays ACP ont pu exclure de la libéralisation les produits qu’ils considèrent sensibles. La plupart des pays ACP d’Afrique de l’Ouest ont choisi des produits agricoles ou des produits pour lesquels existe une fabrication locale. Pour les autres produits, les droits de douane seront éliminés très progressivement, donnant aux économies le temps nécessaire pour s’adapter, se diversifier et améliorer la compétitivité. Des garanties et des mesures spécifiques permettent aux pays ACP d’imposer des tarifs pour protéger les producteurs locaux.

Comment les APE influent-ils sur l’intégration régionale entre les pays ACP?

L’intégration régionale dans les pays ACP est l’un des principaux objectifs des APE, mais les APE ne peuvent pas, à eux seuls, créer de la convergence régionale si les régions elles-mêmes n’y sont pas disposées. C’est le cas de l’Afrique de l’Ouest qui a fait les plus grands progrès dans ce domaine en amont de la signature. En vertu d’un APE, les pays d’une région libéralisent aussi bien le commerce entre eux qu’avec l’UE. Le processus des APE a également contribué à la consolidation des zones douanières en Afrique de l’Ouest.

L’Union européenne ne tente-elle pas en quelque sorte d’exporter ce qu’elle a fait chez elle vers le continent africain?

L’Europe et convaincue que l’intégration économique créée des intérêts communs et permet de mieux vivre ensemble. Ce faisant, on prévient les conflits. Je reviens à la Déclaration Schuman.

C’est de cette dynamique que relèvent bon nombre d’appuis régionaux de l’UE à l’Afrique de l’Ouest. Nous soutenons par exemple l’uniformisation des documents d’identités au sein de la CEDEAO en vue d’une meilleure libre circulation des travailleurs ou appuyons l’UEMOA pour la création de postes de contrôle juxtaposés aux frontières. Peu de Béninois savent que le WAPP (West African Power Pool), sorte d’organisation « chef d’orchestre » des échanges énergétiques au sein de la CEDEAO, est basé à Akakpa. En soutenant cette institution, l’UE entend renforcer la nécessité pour les pays d’Afrique de l’Ouest de collaborer et de travailler ensemble.

Je ne voudrais pas terminer sans vous demander comment vous allez fêter le 9 mai?

Nous fêterons le 9 mai à l’occasion d’une réception sur invitation. Mais cet évènement privé va de pair avec un évènement gratuit et ouvert à tous: le Festival du Film européen. Il se tiendra du 7 au 10 mai, à l’Institut français, à la plage de Fidjrossè, ainsi que dans des écoles de Parakou, Djougou et Natitingou. Les Etats membres de l’Union européenne représentés au Bénin (Allemagne, Belgique, France et Pays-Bas) ainsi que la Suisse se sont associés à nous afin de vous présenter un programme diversifié. Vous trouverez le programme sur le site web ou la page Facebook de la Délégation.

Bonne Fête de l’Europe à tous!

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