Bénin : Michel Adjaka dénonce la gestion liberticide de Djènontin

La cérémonie de passation de charges, du 21 juin, entre les nouveau et ancien ministres de la Justice a été une occasion pour le président de l’Union nationale des magistrats du Bénin de charger le ministre sortant, Valentin Djènontin Agossou. La nouvelle venue, Me Evelyne da Silva Ahouanto a également eu sa dose, mais sous forme d’avertissement.

Publicité

C’est un secret de polichinelle. Les magistrats béninois étaient très remontés contre leur ministre de tutelle sortant, Valentin Djènontin. Et sans langue de bois, ils le lui ont rappelé ce lundi lors de la cérémonie de passation de charge entre son successeur et lui. Par la voix du président de leur syndicat (Unamab), Michel Adjaka, les magistrats béninois ont rappelé à Valentin Djènontin, comment durant son séjour d’environ deux ans à la tête du ministère de la justice, il s’est évertué à détruire les fondements du pouvoir judiciaire. Et ce, en essayant par tous les moyens, certainement avec la bénédiction du président de la république, de vassaliser la Justice à l’Exécutif.

Cela ne surprend guerre. Tout observateur de la vie publique béninoise devrait s’attendre à un discours guerrier des magistrats et autres personnels judiciaires à l’endroit de leur désormais ex-ministre de tutelle. L’époque Djènontin fut celle d’une grande galère pour le monde judiciaire, notamment les magistrats. Sous lui, la maison justice a été marquée par les nominations politiques, sur mesures et en violation des normes d’avancement dans la corporation, des affectations punitives et la très controversée proposition de loi portant retrait de droit de grève et d’association aux magistrats et la fabrication d’un second syndicat de magistrats pour affaiblir l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab). En vain ! « Pour vous, il n’y a d’autorité que celle qu’incarne le Chef de l’État. Tous les autres pouvoirs lui doivent allégeance et soumission. C’est avec cette foi erronée (cette vision altérée de la justice) que vous avez géré en vingt-trois (23) mois le monde judiciaire béninois avec une feuille de route secrète », s’est indigné Michel Adjaka dans son discours. Selon lui, le « dévouement » et la «loyauté excessifs» du ministre Djènontin au président Boni Yayi et «non à la République ont plongé la maison justice dans plusieurs mois de grève avec pour corollaire la désorganisation du tissu judiciaire de notre». 

Lire Adjaka à Djènontin : pour vous, il n’y a d’autorité que celle qu’incarne le Chef de l’État

Ecoutez bien, Mme la ministre

Au regard de ce tableau sombre et de toutes ces tentatives d’embrigadement de l’indépendance de la justice, Michel Adjaka met en garde la nouvelle Garde Sceaux, une autre proche de Boni Yayi. Me Evelyne da Silva est membre du collège d’avocats ayant défendu ce dernier dans les affaires «empoisonnement» et «coup d’Etat».

Publicité

«Le fait d’être avocat personnel du Chef de l’Etat peut être pour vous un atout et un handicap », avertit l’intrépide président de l’Unamab. « Un atout, explique-t-il, parce que vous pourriez avoir son attention. Un handicap si le Chef de l’Etat continue de vous considérer comme son avocat personnel et non comme l’avocat de la justice béninoise.» Michel Adjaka poursuit que dans cette dernière posture, la remplaçante de Valentin Djènontin, élu député, peut, à l’instar de ses prédécesseurs, «être tentée d’abuser » de sa «position dominante pour instrumentaliser le système judiciaire béninois.» Mais il la rassure : « L’Unamab, étant indifférente au sexe masculin ou féminin du Garde des Sceaux ne ménagera aucun effort pour vous sanctifier ». Avant de lui dresser les attentes du personnel judiciaire. On peut citer, la transparence dans les nominations de magistrats et l’organisation des concours d’auditeurs de justice,

l’urgente et nécessaire reforme le Conseil Supérieur de la Magistrature, l’exécution des décisions de justice, notamment le mandat d’arrêt décerné contre le Orou Se Guene bloqué pour des raisons politiciennes, la fourniture des « moyens appropriés » à la justice pour une lutte efficace contre la corruption, la prise les décrets d’application du Code de Procédure Pénale et la formation continue des magistrats par la création de l’École Nationale de la Magistrature et du Greffe et le redéploiement des trente-huit (38) magistrats en attente de nomination faute de robes depuis plusieurs mois

LA DESORGANISATION DE LA JUSTICE DANS LES FAITS

– la quasi inexistence du double degré de juridiction,

– l’inexistence de Procureur de la République au tribunal de Djougou, de Natitingou et de Président à Porto-Novo,

– l’absence de véhicule de transport des détenus et surtout de prisons à Pobè, Aplahoué, Savalou, Djougou et à Allada,

– la réduction drastique de l’effectif des magistrats du Parquet de Cotonou d’abord de neuf (09) à six (06), ensuite de six (06) à cinq (05), celui de Porto-Novo et d’Abomey à trois, alors que le tribunal de Ouidah a été compressé de neuf (09) magistrats à cinq (05),

– l’absence de rations régulières aux détenus,

– la non-adoption des décrets d’application du Code de Procédure Pénale, notamment le décret relatif au casier judiciaire qui devrait soulager les peines de nos compatriotes contraints à parcourir des dizaines de Kilomètres avant de se procurer cette précieuse pièce,

– la rareté des sessions d’assises faute de moyens financiers,

– les fréquentes immixtions dans les procédures sensibles qui ont entamé l’image de la gouvernance de ces dernières années;

– l’halogénation exagérée du Ministère de la justice,

– l’instauration de la médiocratie en remplacement de la méritocratie qui, avant 2006, gouvernait la promotion des magistrats.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité