Jean Pliya : notre dette de reconnaissance

Un mois déjà. Quittait la terre des hommes Jean Pliya pour le pays où nul ne meurt. L’onde de choc de la nouvelle de sa mort ébranla notre pays dans ses couches humaines les plus profondes.

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Parents et proches, amis et alliés, citoyens d’ici et d’ailleurs y étaient allés de leurs hommages appuyés à la mesure de ce que furent la vie et l’œuvre de l’illustre disparu. Mention spéciale aux chrétiens et aux catholiques de notre pays. Cet homme multidimensionnel s’était révélé à ses contemporains comme un être exceptionnel. Jean Pliya était, au vrai, un humaniste. Un grand savoir. Une foi rayonnante. Des convictions fortes. Une générosité débordante. Dans un monde qui se globalise, tout s’agrégeant et se désagrégeant sous l’influence de l’argent corrupteur, Jean Pliya reste et restera comme un modèle de résistance et d’espoir. Résistance à l’énorme houle des contre valeurs qui balaie nos pays. Espoir pour signifier qu’à la nuit la plus ténébreuse succède un jour nouveau. Nous nous sommes étanchés à la source du modèle qu’il fut et qu’il reste. Car, cet homme, grand, dans tous les sens du mot, a pris sa part, avec une étonnante constance, à tous les nobles combats de notre temps. Mais en quelles mains laisse-t-il l’héritage ? Comment payer notre dette de reconnaissance à celui-là qui a fait connaître et aimer le Bénin bien au-delà de ses frontières ? Comment donner raison au peuple du Sénégal, musulman à 95%, et qui l’adulait, le célébrait à chacun de ses passages dans ce pays ? Comment dire aux Burundais et aux Rwandais qu’ils n’avaient pas eu tort de lui avoir proposé de partager avec eux leur nationalité ? Si hors de son pays Jean Pliya a bénéficié de tant d’attentions et a suscité tant d’intérêts, nous déclarons, pesant chacun de nos mots, que le Bénin officiel a manqué de lui rendre l’hommage qu’il mérite. C’est vrai que nul n’est prophète en son pays. Mais tout de même ! Jean Pliya a été recteur de l’Université nationale du Bénin.

Cela veut dire qu’il avait eu en ses mains, à un moment donné de sa vie, le destin de la plus haute institution d’enseignement et d’éducation de notre pays. Nous parviennent, tel un soupçon d’écho dans un désert de silence, les contributions individuelles de quelques universitaires. C’est bien. Mais l’hommage officiel de l’Université à Jean Plya se fait attendre. L’institution est tributaire d’une grosse dette envers l’un de ses éminents membres. Jean Pliya a été l’un des écrivains les plus prolifiques et les plus représentatifs de notre littérature nationale. La plupart de ses ouvrages sont au programme de nos écoles. C’est suffisant pour susciter, à l’occasion de sa mort, une initiative conjointe des ministères du grand domaine de l’éducation nationale et du ministère de la Culture. Malheureusement, de ce côté-là, et jusqu’à présent, c’est motus, bouche cousue. Jean Pliya a pris une part notable à la rédaction de la Charte nationale pour la gouvernance du développement au Bénin. C’était, il y a deux ans, sous l’égide du ministère en charge de la Réforme institutionnelle. Comme si nous étions frappés d’amnésie, nous n’avons pas cru devoir donner suite aux impératifs et aux exigences d’un devoir de mémoire. C’est une faute de payer une telle dette en monnaie de silence ou en pièces d’indifférence. Jean Pliya a été député à l’Assemblée nationale. Par quel acte officiel l’institution parlementaire de notre pays a-t-elle payé sa dette de reconnaissance à l’un de ses anciens membres ? Qu’il ne soit pas dit que notre pays excelle dans la culture de l’amnésie, couvrant tout du souffle vitreux de l’oubli. Qu’il ne soit pas dit que notre pays brade, quand il ne les fait pas passer par pertes et profits, ses valeurs essentielles. Jean Pliya a été ministre du gouvernement de la République. A ce titre, à défaut de mettre les drapeaux en berne, nous aurions pu décréter une journée de deuil national. On ne peut célébrer moins un héros national. Le Bénin n’a pas encore, comme en France, un Panthéon où la patrie reconnaissante entrepose les restes de ses plus dignes enfants. Mais nous pouvons poser des actes forts, à haute portée symbolique, pour montrer les chemins du mérite et de la vertu à nos jeunes compatriotes. Souvenez-vous en : nous avons décrété des journées entières chômées et payées pour le retrait des cartes d’électeurs. Qui peut le plus, peut le moins

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