Népotisme ravageur d’Abidjan à Cotonou

Ils ont creusé l’abcès. Espoir 2000, cet ingénieux groupe musical  ivoirien de Zouglou a, sans détour, jeté le pavé  dans la marre du népotisme à Abidjan avec leur titre éponyme «Abidjan».

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A les écouter 15 ans après, on se croirait au Bénin d’aujourd’hui, même s’ils ont circonscrit le mal à la capitale économique ivoirienne. Là-bas comme ici, le mal ronge et hypothèque l’avenir de milliers de jeunes de plus en plus révoltés. Cotonou connaît bien le mal ravageur d’Abidjan.

Sur l’autel du favoritisme

Le seuil du supportable est déjà dépassé. Partout on est dans les fers du népotisme.  «Abidjan, on n’a pas le choix. Abidjan, vraiment on est serré »,  le refrain du chœur d’Espoir 2000 est illustratif du drame qui se joue dans les capitales africaines. La compétence est sacrifiée sur l’autel du favoritisme comme le chante si bien le groupe d’artistes : «Aujourd’hui…, relation est mieux que diplôme».  A Cotonou, l’expression en vogue c’est le «Qui tu connais et non qu’est-ce que tu sais faire ? ». Il s’agit d’un mal qui ronge dans tous les secteurs sans exceptions. « Ecole n’est pas mauvaise, mais aujourd’hui quel que soit ton niveau, si ton papa n’est pas docteur, tu ne peux pas être infirmier » fait constater Espoir 2000. Cela étant,  il ne faut pas compter que sur la relation. Sur une terre fertile au népotisme, s’enracine la corruption, les pots-de-vin. Une situation qui brise les espérances des jeunes issus de milieux défavorisés n’ayant pas de  hauts cadres dans l’appareil politique du pays. « A la place du Conseil des ministres, on parle de conseil ethnique ». Conséquence, l’administration est politisée et ethnicisée. « Quand tu arrives dans bureau, Directeur Kouao Dénis, sous-Directeur Kouao Lucas, secrétaire Kouao Chantal, c’est une affaire de Kouao ». Au Bénin, à défaut de citer un nom, on s’accorde à reconnaître que les familles présidentielles entretiennent ce système d’une manière ou d’une autre. Les ministères ont pour langue de travail, le parler du ministre.

Le pays en otage

Avec le népotisme érigé en mode de gouvernance, les pays africains sont pris en otage par les clans, les ethnies ou régions au pouvoir. L’homme qu’il faut n’étant jamais à la place qu’il faut, on assiste impuissamment à la lenteur administrative. «Pour faire un petit papier, tu vas taper deux semaines» déplore Espoir 2000 qui explique comment le retard devient la règle dans la fonction publique. Cela accentue les frustrations des jeunes que dénoncent les artistes : «On passe les concours où les admis sont connus, on nous fait payer dossiers, on nous fait payer l’argent». Qui dit le contraire au Bénin où avec de vives marches de protestations, le régime en place a dû rebattre les cartes de plusieurs concours entachés de fraudes ? Dans ce climat vicieux, on assiste à des frasques sexuelles qu’il ne faut pas oser dire. «Dans ce domaine, c’est les femmes qui ont la chance. Elles ont toujours le dessus grâce à leurs dessous. Dans la loi du plus offrant,  c’est nous, on n’est pas chanceux» dénonce Espoir 2000 qui, sur ce coup, ne s’est pas montré compatissant de la douleur qu’éprouverait une femme obligée de troquer son corps pour survivre.

Attention au trop plein de frustrations !

Ce  qui se passe actuellement ne peut encore perdurer. Espoir 2000 met en garde contre les conséquences du népotisme qui favorise la sédimentation des frustrations : «Arrêtez de nous former sinon on sera musclé. Faites très attention parce que palabre qui est là, on sait quand ça commence, on ne sait pas quand ça finit».  Cela mérite d’être médité à Cotonou. Et l’actualité des manifestations violentes d’étudiants à l’Université d’Abomey-Calavi, est un signe patent de ce que la jeunesse béninoise de plus en plus étouffée par des mesures le confinant dans la précarité, est en ébullition et il faudrait réfléchir à faire baisser le mercure par une gouvernance saine et prévoyante

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