Il y a d’énormes risques notamment de fraudes qui planent sur le prochain concours de recrutement de la magistrature prévu pour les 28 et 29 novembre 2015. C’est en tout cas ce que pense Michel Adjaka, président de l’Union nationale des magistrats du Bénin (UNAMAB). Dans un post sur sa page facebook, le magistrat donne l’alerte sur les risques. Lire l’intégralité de son post.
Malgré nos alertes, le Gouvernement est passé à la vitesse supérieure dans l’organisation du concours de la magistrature. Pourtant, l’article 28 de la loi portant statut de la magistrature dispose que « Les modalités de l’organisation du concours pour le choix des auditeurs de justice et du déroulement de leur stage seront définies par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre chargé de la justice, du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre chargé de la fonction publique. »
Cet arrêté a été pris. Il a d’ailleurs érigé ce concours en un test spécial avec des conditions dérogatoires au régime classique du recrutement des autres fonctionnaires de l’État. C’est ainsi que les concours de la magistrature organisés en 2002, 2004, 2006, 2008 et 2011 ont eu lieu dans un centre unique de composition avec la participation de l’UNAMAB à toutes les étapes du processus.
Alors que la dernière promotion de magistrats, faute de robes et ce, depuis plus d’un (01) an, n’a pas été déployée, le Directeur des Ressources Humaines du Ministère de la Justice, de concert avec le Ministère de la Fonction Publique, s’activent discrètement, sans associer le BE/UNAMAB, à recruter une nouvelle promotion d’élèves-magistrats. C’est ainsi qu’ils ont projeté, pour pourvoir 40 places, ce concours à polémique pour les 28 et 29 novembre 2015.
Cet ostracisme du BE/UNAMAB ne peut être toléré et ce, pour diverses raisons.
En effet, l’UNAMAB est la première association du Ministère de la justice ayant sollicité et obtenu la collégialité dans le recrutement des auditeurs de justice. Alors que les autres syndicats du Ministère de la justice qui ont ultérieurement obtenu leur participation à l’organisation du concours de leurs corps sont toujours associés, l’UNAMAB a été écartée des premières étapes du processus d’organisation du concours de la magistrature.
Pire, le Chef de l’État, à l’occasion de l’une de ses sorties médiatiques a estimé que la magistrature béninoise est partisane et peu républicaine et qu’il importe de rapporter l’arrêté qui consacre la participation de l’UNAMAB à ce concours. Lui emboitant le pas, beaucoup de caciques de la mouvance présidentielle, sous prétexte que la magistrature béninoise est peuplée en majorité de magistrats originaires d’une certaine région, sont montés au créneau pour faire l’apologie du quota et du régionalisme.
Dès lors, le chemin est balisé et la solution de facilité est toute trouvée : départementaliser le concours de la magistrature pour y aisément appliquer le quota régional en vogue. Pour y arriver, le Gouvernement, contrairement à la pratique d’un centre unique de composition supervisé par le Ministère de la Fonction publique, celui de la justice et le BE/UNAMAB, a créé pour le concours des 28 et 29 novembre 2015 des centres de composition à Natitingou, Parakou, Abomey, Lokossa, Porto-Novo et Cotonou.
Ma démarche n’est pas d’empêcher mes jeunes frères et sœurs de devenir magistrat. Elle vise au contraire à valoriser leurs efforts afin qu’ils ne soient pas la risée de toute la corporation qui risque de les considérer à tort ou à raison comme des magistrats patriotes sélectionnés au rabais.
Quant à ma préoccupation, elle se trouve au niveau de l’opportunité et surtout de la transparence de ce concours lorsqu’on sait qu’il intervient en fin de mandat du régime en place et surtout après les propos belliqueux, régionalistes et anti-magistrats sus-rappelés.
Par ailleurs, si par le passé ce concours avait été organisé en marge du mérite et de la transparence et sur l’autel du régionalisme, la plupart de ceux qui sont magistrats aujourd’hui ne pourront pas intégrer ce prestigieux corps. Leur chance et place auraient été usurpées au profit d’autres candidats parrainés par des écuries politiques. Mieux, la magistrature fait partie des rares corps de l’État qui ont refusé la complicité entre institutions de la République pour une gouvernance sans obligation de résultat, ni reddition de comptes. Son opposition à l’offre de compromission institutionnelle justifie les prouesses qu’elle a enregistrées ces dernières années et explique les intrigues et la cabale sans cesse renouvelées dont elle fait actuellement l’objet.
On n’intègre pas le corps de la magistrature par effraction. Un magistrat mal recruté est source de décisions tordues et mal rendues, et constitue un potentiel danger pour la prospérité, la sécurité et la liberté
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