Bénin : la Ruse de Talon

Dans son interview à ‎Rfi‬ le 29 octobre 2012 après sa « rupture » avec son ami Boni Yayi ‎Patrice Talon‬ a fièrement déclaré « Je ne vais pas le cacher, c’est réel. J’ai été un sponsor du président Yayi Boni. Comme tant d’autres, je l’ai conseillé et introduit là où j’ai pu pour sa conquête du pouvoir, en 2006 puis en 2011. »

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Lors de son show télévisé le 17 août 2015 avec Malick Gomina‬ et Rachidi Odjo, il a répété à ses interlocuteurs que « contrairement à [son] implication active dans la campagne 2006, [il est] resté éloigné de l’organisation et du dispositif de campagne du Président Boni Yayi, du candidat Boni Yayi en 2011. [Il n’a] jamais mis pied au siège de campagne du candidat Boni Yayi en 2011. Il est vrai qu'[il n’a] pas manqué d’apporter [sa] modeste contribution à son effort de campagne comme tant d’autres. »

Dans sa dernière interview publiée par Jeune Afrique le 1er octobre 2015, il affirme que « Tout le monde sait qu[’il a] eu une contribution active à l’élection de Boni Yayi en 2006. »

Décryptage

La ruse de Patrice Talon, c’est qu’au fur et à mesure de ses interviews, il rectifie sa communication.Dans sa première interview, il avoue le plus naïvement du monde qu’il a sponsorisé les campagnes de Yay iBoni‬ en 2006 et en 2011. De cet aveu d’avoir contribué à l’accession au pouvoir de celui dont les mandats sont émaillés de scandales de tous genres, il n’avait pas grand-chose à craindre. Car, en ce moment-là, il n’avait pas encore « la conviction qu[’il a] les moyens d’opérer [une] transition », mission qu’il se donne aujourd’hui en songeant à se porter candidat aux présidentielles de 2016. Mais, ses préoccupations essentielles étaient de se défendre dans les affaires dont l’accablait son poulain.

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S’étant découvert un destin de présidentiable, il opère sa mue dans la deuxième interview. En fin calculateur, il se place dans une carapace de l’homme de la situation, l’homme avisé et rené! 
Certes, « en 2006, [ils étaient] nombreux à estimer qu’il était temps de moderniser la gouvernance en confiant la gestion de notre pays à un technocrate ayant une certaine connaissance des outils modernes de développement économique. » Mais au terme du premier mandat de Yayi Boni, PatriceTalon reconnaît que « les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs », et qu’ »[Il faut avoir l’honnêteté de reconnaitre qu'[ils ont] fait un mauvais casting. »

Un mauvais casting d’accord! 

Pourquoi alors avoir « [apporté sa] modeste contribution à son effort de campagne » en 2011? Puisque Talon lui-même avoue qu’il « pense à [son] humble avis que le deuxième mandat de Boni Yayi a été le mandat de trop. » Question que Malick Gomina et RachidiOdjo n’ont jamais eu le temps ni la présence d’esprit de poser à leur interlocuteur.

Tous les Béninois ne sont pas comme ces deux journalistes. Et au regard des commentaires ayant suivi ce deuxième entretien, Talon rectifie une deuxième fois sa communication. Au magazine Jeune Afrique, il ne répète plus qu’il a financé la campagne de 2011; mais s’arrête sur sa contribution à l’élection de Yayi en 2006. Une lassitude de répéter la même chose ou une stratégie habile de passer sous silence sa contribution au chaos de 2011 ?

S’il occulte sa contribution à ce chaos, les Béninois n’ont pas une mémoire de rat qui peut oublier là où il a mis pied dans un piège auparavant.

Talon a conquis presque toute la presse béninoise et se fait passer aujourd’hui pour l’homme qu’il faut pour redresser le Bénin d’où il l’a enfoncé avec son poulain Yayi depuis 2006.

Et pour parvenir à ses fins toutes les promesses sont bonnes. « j’ai la conviction que j’ai les moyens d’opérer cette transition »; « Il faut supprimer la possibilité de renouvellement [de mandat] qui nuit à l’efficacité du pouvoir. Le premier réflexe d’un président élu est de s’assurer de sa réélection. Si j’accède à la magistrature suprême, ma première mesure sera de modifier la Constitution en ce sens. Et d’une manière générale, il faut trouver des mécanismes pour renforcer les partis politiques les plus représentatifs. Aujourd’hui au Bénin, il est devenu ordinaire que les acteurs politiques disent sans gêne ne plus vouloir être dans l’opposition parce qu’ils veulent être du côté du gagnant. ».

Intentions nobles mais…

Toutes ces intentions sont nobles! Le Bénin a besoin d’un renouveau ;un vrai !

PatriceTalon n’est cependant pas et ne peut pas être la personne indiquée pour apporter le changement voulu aujourd’hui pas le Peuple. Car, en vérité, qu’est-ce qui différencie le Talon qui a sponsorisé les campagnes de Yayi en 2006 et en 2011 et le Talon qui aujourd’hui veut corriger la gabegie de son poulain? Ma réponse, c’est l’exil! L’exil ne suffit pas à forger un homme nouveau. Mais un homme révolté et désireux de prendre sa revanche sur son « bourreau ».Autre chose, il promet de modifier la Constitution pour introduire les réformes qu’il souhaite pour notre pays.

Pourtant, il ne nous dit pas tout et de notre Constitution, il fera tout ce qu’il veut si le Peuple commet la énième erreur de lui accorder le suffrage universel.Si tous les faits d’armes qu’on lui attribue sont vrais: le chaos de 2011, l’élection de AdrienHoungbédji‬ à la présidence de l’Assemblée nationale, le financement des campagnes législatives, communales et locales de certains candidats; Talon traitera notre Constitution comme un chiffon une fois au pouvoir.Car aujourd’hui, il a le pouvoir de l’argent. Une fois à la Marina, il aura toujours ce pouvoir; mais en plus le pouvoir d’Etat.

Talon est rusé et les jeunes pensent trouver en lui celui qui créera pour eux l’emploi que son poulain n’a pas pu leur donner.

Erreur !

(Une contribution de Tandjiékpon Michoagan)

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