De Zinsou à Zinsou…

Donc, c’est lui. Le capuchon enfin ouvert, c’est son visage qui est apparu dans le jeu de camouflage entretenu, pendant tant de temps, par Yayi Boni. Lionel Zinsou. On a envie de le féliciter, de lui souhaiter une merde sympathique devant les montagnes russes auxquelles il devra bientôt s’attaquer.

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Mais, je me retiens, submergé par bien de questions aussi embarrassantes qu’incompréhensibles. Quand, il y a quelque peu, des amis proches de la mouvance présidentielle m’ont laissé entendre que le « yovo » emporterait le choix de Yayi, je leur ai demandé comment le chef de l’État réussirait à en convaincre son électorat du nord. Réponse immédiate: « même si on leur demandait de voter pour un chien, ces gens n’hésiteraient pas à le faire ».

Je refuse de croire que nos frères du nord constituent du bétail électoral; qu’ils seraient des gens sans jugeote ni recul qui n’obéissent qu’au doigt et à l’œil de leur champion. Je refuse de croire que le comportement des habitants de cette partie de notre pays correspond à la caricature humiliante qu’en a faite Barthélémy Kassa  » si Yayi Boni nous dit d’aller à gauche, nous irons à gauche, si Yayi Boni nous dit d’aller à droite, nous irons à droite… » Faire danser le tourniquet à de pauvres populations juste pour obtenir d’elles un vote massif, automatique et sectaire n’est pas une invention de Kassa, mais que lui-même, – prof à l’Université au surplus – confère au phénomène une dimension aussi grotesque, atavique et dramatique, laisse plutôt songeur. S’il est vrai qu’au temps de Kerekou, le vote a été invariablement en faveur du leader du nord, aujourd’hui, cette logique semble avoir vécu. D’ailleurs, il suffit de voir la part des espaces grignotés par les autres formations se réclamant de la même région lors des dernières consultations pour s’en convaincre. Même si on minimise la candidature du Général Gbian, un personnage aussi inaudible que mystérieux, la présence d’un homme comme Aboudoulaye Bio Tchané risque d’absorber une bonne partie de l’électorat.

Lionel, certes, a le soutien de Yayi, mais le président sera-t-il prêt à retrousser les manches pour être dans l’arène avec lui? Aura-t-il, lui, Zinsou, le boubou assez ample pour camoufler, étouffer les affaires nauséeuses qui exhalent des deux quinquenats de son chef? Considéré dans l’opinion comme le français de service, donc le candidat de la France, Lionel Zinsou pourra-t-il montrer du caractère vis à vis de sa patrie première (ou seconde) face aux intérêts contradictoires des deux pays ? Beaucoup en doute. Dans les réseaux sociaux, les termes comme  » mercenaire »,  » France-Afrique » et tant d’autres commencent à fleurir à son sujet ..Et même, certains établissent le parallèle ou la continuité de son parcours avec celui de son illustre oncle Émile Derlin. Le tonton, dans une autre vie, aurait été un parfait agent de la France-Afrique, commanditaire de l’agression armée perpétrée contre le Bénin le 16 janvier 19977 avec, comme prestataire piteux, un certain Denard….

Mais laissons aux placards les squelettes qui y sont rangés et dont les os, de temps à autre, débordent. Ce qui nous intéresse, c’est ce présent fragile et ce futur incertain. Certes, la machine des FCBE, toute contente d’avoir été huilée, attend de se déployer autour du candidat désigné. Mais les artificiers vont manquer à l’appel. Les cadres de cette formation, qui pensaient être les dauphins et qui viennent d’être renvoyés à leurs propres crottes, s’en iraient, avec pertes et profits, voir ailleurs. On annonce déjà le départ du taureau de Parakou, l’inénarrable Gbadamassi. On parle aussi de Arifari Bako, de Chabi Sika et de quelques seconds couteaux. Sans toutefois croire que ces défections empêcheraient la machine à fraude de fonctionner, la situation ne paraît pas simple pour Lionel Zinsou. Bien au contraire. Elle est devenue l’un des combats les plus dures de sa vie.

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