Paroles de Présidents

Un Président de la République est une institution. La hauteur de sa charge, les exigences de sa mission veulent qu’il en soit ainsi. En conséquence, les paroles d’un Président de la République ne sont jamais banales. Elles tonnent dans les esprits. Elles résonnent dans les consciences. On oubliera les paroles d’un quidam. Mais non celles d’un Président. Elles se parent d’une étonnante actualité, exhalent un parfum d’éternité.

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Le président Félix Houphouët-Boigny a immortalisé, en s’immortalisant lui-même, des expressions comme  » La paix n’est pas un mot, mais un comportement ».  » Le vrai bonheur, on ne l’apprécie que quand on l’a perdu ». Léopold Sédar Senghor citait constamment ce qu’il tenait pour les trois valeurs cardinales du Sénégal et des Sénégalais. La « Térenga » pour magnifier l’hospitalité. Le « Djom » pour célébrer le sens de l’honneur. La « Kersa », à comprendre à la fois comme lucidité, clairvoyance, patience, discernement.

Nous avons interrogé plus d’une vingtaine de Béninois. Cet échantillon n’est ni représentatif ni significatif. Et Notre approche est loin d’être scientifique. Il reste que le résultat obtenu, quoiqu’ empirique, ne doit pas être loin de la réalité. Nous voulions savoir par quels mots, par quelle parole forte pourraient être identifiés les Présidents Soglo, Kérékou, Yayi.

Le Président Nicéphore Soglo a attaché son quinquennat à l’expression « Nous allons leur faire rendre gorge ». Pour dire que « nous ferons restituer par force ce qu’on a pris à l’Etat, à la communauté nationale par des moyens illicites ». Cela s’insère dans un contexte politique particulier. Le pays venait de tourner la page d’une gouvernance révolutionnaire, marxiste-léniniste qui plus est. Le Président Soglo, ce disant, instruisait le procès d’un régime. Il met en garde tous les anciens dirigeants à divers titres. La récréation a assez duré. Il est temps de passer aux choses sérieuses, annonçant ainsi les nouvelles couleurs du régime du Renouveau démocratique.

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Le Président Mathieu Kérékou, fait unique, s’était assis sur deux régimes : le révolutionnaire, marxiste-léniniste et le libéral qui se veut démocratique. On lui colle deux expressions distinctes, l’une et l’autre étant caractéristiques des deux temps forts de sa gouvernance. « La branche ne se cassera pas dans les bras du caméléon » pour le premier. « L’Eternel des Armées » pour le second. Le caméléon est, ici, l’éponyme de Mathieu Kérékou. En ce sens que cet animal lui a donné son nom. En effet, qui dit « Caméléon » au Bénin sous-entend ou dit plus précisément Mathieu Kérékou. Et la branche qui ne se casse pas dans les bras du caméléon induit ou anticipe, en défi, le succès d’une entreprise. Quant à « L’Eternel des Armées », en référence à une expression biblique, il marque la reconversion de Mathieu Kérékou. C’était un homme nouveau qui reprenait les rennes du pouvoir. Après qu’il eut troqué les habits du révolutionnaire qu’il fut contre le clergyman du pasteur qu’il était devenu.

Enfin, les Béninois que nous avons interrogés attachent au Président Boni Yayi deux expressions. D’une part, « Mon peuple », d’autre part « Je ne suis pas au courant ».

« Mon peuple », est en emploi récurrent pour produire un effet de redondance. On se répète pour appuyer et préciser. En outre, « Mon peuple » indique une double appartenance : « J’appartiens à ce peuple qui est mien ». Avec une connotation fortement sentimentale et affective.

 » Je ne suis pas au courant » veut tout simplement dire « Je n’en sais rien, je ne suis informé de rien ». Un Président de la République, si puissant soit-il, peut ne pas être informé de tout. Seul Dieu est omniscient et omniprésent. On dit qu’il voit tout, qu’il entend tout, qu’il sait tout. Mais si un Président de la République, de manière constante et récurrente, ne devait pas être au courant, le citoyen lambda aurait bien des raisons de s’interroger. Soit qu’il y a un disfonctionnement dans le système d’information du premier magistrat. Soit que des gens tapis dans le système jouent à cacher tout ou partie de l’information due au Président. Soit que celui-ci, ce disant, use d’intelligence tactique et stratégique. Histoire de se protéger lui-même, de desserrer l’étau d’une pression soudaine, d’amortir le choc d’une charge inattendue. On serait alors dans la stratégie de l’esquive, du « reculer pour mieux sauter ». Mais il se trouve que qui parle ne sait pas quel type d’enfant il met au monde. La sagesse africaine enseigne : « La parole qui reste dans ton ventre est l’enfant de ta mère, la parole qui sort de ta bouche est l’enfant de ton père »

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