Affaire Dangnivo : La cour récusée, les assises à nouveau suspendues

Dans la même dynamique que la veille, l’audition des témoins a repris ce mercredi 27 janvier à la Cour d’appel de Cotonou, dans le procès de l’affaire dite «  Dangnivo » du nom de ce cadre du ministère des finances disparu courant août 2010.

Publicité

Les conseils d’avocats de la défense et de la partie civile ont exigé de la cour, les dispositions légales justifiant la poursuite du présumé assassin Alofa Codjo vu la  décision Dcc-16-020 du 16 janvier 2016 du juge constitutionnel, mettant en cause l’article 302 du code pénal.

Nouvelle paralysie de la cour! L’audition des témoins convoqués à comparaitre dans l’affaire Dangnivo s’est poursuivi  hier mercredi 27 janvier à la Cour d’appel de Cotonou.  Mais, contrairement à la veille, seul le médecin légiste Clément Padonou a pu faire sa déposition. 9h 15 minutes à l’horloge. Le président de la cour, Félix Dossa, les assesseurs et les jurés font leur entrée dans la salle d’audience. Le magistrat annonce l’ouverture des assisses. Le ministère public représenté par Gilles Sodonon prend la parole en premier. Il attire l’attention de la cour sur le retard des avocats de la défense. L’avocat général déclare: « C’est un retard ou du dilatoire. Que la cour mentionne l’abandon des avocats de la défense et ordonne la poursuite du procès ». Me Raoul Hougbédji, avocat de la partie civile rétorque : « Monsieur le président de cour, l’abandon s’annonce et non se décrète. Nous sommes partis hier (mardi 26 janvier) dans l’espoir de nous retrouver aujourd’hui. Je me rappelle qu’à la cour ici, lors d’un procès, on a suspendu les auditions en attendant l’arrivée des avocats de la défense ». Son collègue Me Nicolin Assogba s’exclame: « Le retard est la chose la mieux partagée dans cette cour ». Pendant ce temps, Me Théodore Zinflou, avocat de la défense fait son entrée dans la salle d’audience. Puis, présente ses excuses auprès de la cour pour le retard accusé. Le magistrat Félix Dossa met fin à l’incident puis ordonne l’audition du médecin légiste.

Au cours de sa déposition, le médecin légiste Clément Padonou, explique la mission à lui confiée dans ce dossier et ces conditions de travail. Il mentionne dans son rapport que la taille du corps exhumé le 27 septembre 2010 à Womey fait 1, 71 mètre avec une marge de 4 cm. Il explique qu’après autopsie du corps, qu’il lui était difficile voire impossible de déclarer que le corps exhumé est celui du sieur Pierre Urbain Dangnivo, et c’est justement pour cela qu’il a sollicité les compétences du professeur Laleye pour effectuer un test d’Adn. Ainsi, au cours de lecture du rapport qu’il a fourni,  Clément Padonou, médecin légiste a fait référence à une lettre qui précise la mission qui lui a été assignée. A la demande de Me Théodore Zinflou, une copie de cette lettre  a été mise à la disposition du collège des avocats de la défense et de la partie civile.

Elément nouveau à suspicion

Après avoir pris connaissance de la lettre de mission, c’est l’étonnement général. Un élément dont, seul le médecin légiste Clément Padonou a connaissance. Sur le coup, Me Théodore Zinflou formule une demande auprès de la cour: « Que mention soit fait de cette lettre de mission. C’est un élément nouveau dont je n’avais pas connaissance. Une lettre dont on nous a subtilement caché l’existence ». De quoi s’agit-il en réalité ? La lettre de mission fournie par le médecin légiste Clément Padonou n’est rien d’autre qu’un réquisitoire à lui adressé par le procureur de la République pendant qu’un juge a déjà été commis pour le dossier. Mieux, la lettre mise à la disposition du collège des avocats de la défense et de la partie civile, est le mandat d’exhumation dûment signé par le juge commis pour le dossier. Le médecin légiste poursuit sa déposition. Il déclare que les organes retrouvés dans le bocal retrouvé à quelques mètres du corps exhumé ont été conservés grâce à un liquide. Il confirme que sans ce liquide, les organes subiront une dégradation totale et ne pourront pas être facilement identifié comme il l’a pu le faire lors de l’exhumation. Ceci dit, Me Théodore Zinflou a fait comprendre à la cour comment l’on veut faire porter le chapeau du présumé assassinat de Dangnivo à son client. « C’est au Bénin ici qu’on insinue qu’un charlatan connaît des liquides de conservation d’organes. Dieu merci, le ridicule ne tue pas. Il suffit de faire un tour au marché Dantokpa pour constater l’odeur puante chez les vendeurs d’organes d’animaux », s’indigne-t-il. A sa suite Me Ba Parapé demande l’autorisation de  poser de questions au médecin légiste. Félix Dossa, président de la cour s’y oppose. L’avocat de la partie  civile s’offusque. Puis déclare : « Monsieur le président, depuis hier, je suis victime de mépris. Vous ne me permettez pas de poser des questions, lorsque que je suis avocat constitué dans ce dossier. Chaque fois que je veux poser des questions, vous m’en empêchez. Que acte me soit donné que le président s’oppose à ce que je pose des questions aux témoins». Félix Dossa se rétracte. Me Ba Parapé peut enfin poser sa question.

Publicité

Lien avec la Présidence de République

Suite à une question de Me Nicolin Assogba, avocat de partie civile, le médecin légiste Clément Padonou avoue avoir été convoqué au palais de République par le ministre de la justice au moment des faits, le sieur Grégoire Akoffodji, via un texto. Mieux, Clément Padonou reconnaît que cette convocation est un dérapage mais refuse de donner les motifs et les circonstances de cette convocation.  Comme le médecin légiste affirme qu’il a été convoqué à cette cour  en tant qu’expert erefuse catégoriquement de répondre à toutes les questions posées, Me Nicolin Assogba formule une requête auprès de la cour: « Monsieur le président, je demande à ce que l’expert soit convoqué devant cette cour en tant que témoin. Il dispose des informations dont j’ai besoin ». Cette demande sera acceptée par le président Dossa. Le médecin légiste Clément Padonou quitte le prétoire l’air essoufflé. Les avocats de la partie civile, à l’instar de Me Raoul Houngbédji font référence à l’article 302 du code pénale cité dans la décision Dcc-16-020 du 16 janvier 2016 de la Cour constitutionnelle. Ainsi, ce dernier formule une exception d’inconstitutionnalité pour manque de disposition légale justifiant la poursuite d’Alofa Codjo et Amoussou Donatien dit « Dona » inculpés respectivement pour assassinat et complicité d’assassinat.

La demande de trop

A peine la demande de Me Raoul Hougbédji formulée, Gilles Sodonon, représentant du ministère public a automatiquement affiché son opposition. « Cette demande a pour objectif de bloquer le procès. C’est du dilatoire », s’est-il empressé de déclarer. Il poursuit: « Monsieur le président, accepter cette demande, c’est faire le jeu de ceux qui veulent faire obstruction à la justice. Le ministère public ne saurait s’associer à cette demande ». Suite au propos de Gilles Sodonon, Me Théodore Zinflou, avocat de la défense réplique: « Celui qui fait du dilatoire, ce n’est pas nous. Il est à rechercher parmi ceux qui font des réquisitions au ministère public ». C’est ainsi que le président Félix Dossa reprend la police des débats et annonce le retrait de la cour. Il est 11h 44 minutes. Le suspense dure 3h 20mn A son retour, le magistrat Félix Dossa annonce le rejet de la demande d’exception d’inconstitutionnalité soulevée par Me Raoul Houngbédji. Puis exige la poursuite des auditions. A Me Nicolain Assogba de prendre la parole. Il soulève une nouvelle exception d’inconstitutionnalité pour non-conformité des articles 295-298 du code pénale à la constitution du Bénin. Il déclare: « Selon le droit positif béninois, toute personne poursuivie doit connaitre les motifs de son infraction et des sanctions qu’il encourt ». S’inscrivant dans la même logique que son collègue de la partie civile, Me Théodore Zinflou demande à la cour de savoir quelle est la disposition légale justifiant la poursuite de son client. Sa réponse n’aura aucune suite. La cour se retire à nouveau. Il est 15h 15 minutes

Près de 2h 40 min d’attente. L’auditoire s’impatiente. La salle se vide peu à peu. Il sonne 17h 50 min à l’horloge. Félix Dossa et ses assesseurs retrouvent la salle d’audience. Le président de la cour donne lecture du communiqué final : « Vu les demandes formulées par chacun des avocats de la défense et de la partie, la cour ordonne la comparaison de l’Adn du corps exhumé avec celui des enfants ou parents de Pierre Urbain Dangnivo ; ordonne l’accomplissement de tous actes nécessaires pour la manifestation de la vérité et enfin ; renvoie la cause à une prochaine session de la cour d’assisses ». La session est donc suspendue.

Soulagement et joie des avocats

Après la lecture du communiqué final par le président  de la cour, les avocats de la défense et de partie civile jubilent. Souriant et sautillant dans tous les coins de la salle d’audience, ils ne cachent pas leur satisfaction suite à cette décision de la cour. Me olga saute dans les bras de son collègue de la défense, Me Théodore Zinflou. Elle tombe à même le sol. Aidée par le même collègue, elle se relève puis chante: « Ce soir on va mettre le feu…… ». Tous les avocats se congratulent. Ils s’embrassent puis se félicitent du travail abattu. « Ça a payé. Nous sommes sur le bon chemin », déclare Me Raoul Houngbédji

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité