Grand évènement ce jeudi 28 janvier 2016 à la Haye. Le tant attendu procès de l’ex-Chef d’Etat ivoirien Laurent Gbagbo et de son ancien ministre, ancien leader des « jeunes patriotes » Charles Blé Goudé s’ouvre ce jour à la Cour pénale internationale (Cpi). Les deux prisonniers VIP confiés à la Cpi depuis des années vont enfin entamer la périlleuse aventure d’explication sur les lourds chefs d’accusation dont ils sont chargés au lendemain de la meurtrière crise poste-électorale ivoirienne de 2010-2011 au bilan alarmant de plus de 3000 personnes tuées, plus de 150 femmes violées, de nombreuses victimes d’actes de tortures et des dégâts matériels inestimables.
C’est donc l’heure de la vérité qui sonne enfin pour entendre les sons de cloche d’accusés et de victimes dans ce qui est la plus grande tragédie dans l’histoire de ce pays depuis son accession à l’indépendance. Ce procès qui sonne comme une oraison à l’impunité revêt une importance non seulement pour l’éclatement de la vérité mais aussi pour la Côte d’Ivoire et la Cpi qui pour la première fois reçoit un ancien dirigeant à la barre. Le pays d’Houphouët Boigny devient à cet effet tristement célèbre avec un de ses anciens dirigeants comme premier client de cet acabit pour cette juridiction internationale créée depuis 2002.
Une rude bataille juridique en perspective
Pour ce procès qui ne ressemblera jamais à tous les autres qu’elle a déjà eu, la Cpi sera le lieu d’une rude bataille juridique. Sur le chemin de Golgotha en compagnie de son disciple Blé Goudé, à 70 ans, Laurent Gbagbo qui n’admet pas ce qu’on lui reproche veut vendre sa peau très chère avec l’appui de sa défense prête à en découdre avec le cabinet de la procureure Fatou Bensouda. Dès sa première comparution le 05 décembre 2011, avait-il lancé, « Si on m’a accusé, c’est qu’on a des éléments de preuves. Lorsque je comparaîtrai, vous aurez les miens et vous jugerez ». Seulement au regard de la densité des charges qui pèsent contre lui et Blé Goudé, on se demande comment ils vont s’en sortir. Loin de la Haye, ce procès se joue également entre réseaux de chefs d’Etats. D’un côté ceux qui estiment que Laurent Gbagbo est victime d’une infernale machine impérialiste de l’ancienne puissance coloniale et de l’autre, ceux qui voient en lui, un avide du pouvoir dont la gloutonnerie aura provoqué l’hécatombe de 2010-2011. Un troisième groupe qui veillera au bon dénouement de ce procès, c’est celui des organisations de défense des droits de l’homme qui souhaitent envoyer un retentissant signal à tous les chefs d’Etats qui se croient tout permis quand ils sont au pouvoir.
Une pente glissante pour Abidjan
Avant et après tout, le déroulement de ce procès aura inévitablement un impact sur Abidjan. Etant donné qu’il n’y a que le camp des vaincus qui est trainé devant la justice, les déclarations d’accusés et de victimes n’épargneront pas le camp Ouattara au pouvoir. En engageant ce procès, la Cpi ouvre la boîte de pandore avec tout ce qu’elle peut contenir de putride et de choquant pour les âmes sensibles. Le pouvoir en place à Abidjan devra alors se préparer à se justifier à chaque fois qu’un de ses ténors sera cité par les accusés ou des victimes. Il est à cet d’une évidence limpide que le camp Ouattara qui est parvenu au pouvoir au terme d’intenses combats doit avoir des cadavres dans les placards. Et comme le dit un dicton béninois, « quand le fil tire l’aiguille, celle-ci tire à son tour le tissu ».
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