Dépôt des candidatures : Le honteux raccourci politique

Comme en 2006 mais pire qu’en 2006, la Commission électorale nationale autonome totalise pour la présidentielle du 28 février prochain une cinquantaine de potentiels candidats. En attendant le filtre de la Cour constitutionnelle, les Béninois sont quasi unanimes pour crier leur dégoût et constater avec effroi la faillite de la classe politique et par ricochet le discrédit jeté sur la démocratie béninoise.

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Mais à dire vrai, les Béninois n’ont-ils pas tort de s’émouvoir seulement maintenant de cette excroissance du tissu présidentiable ? Pourquoi s’indigner aujourd’hui de ce qui se tramait depuis une double décennie contre cette démocratie ? Pourquoi pensent-ils que seule l’appréciation à la hausse de la caution financière suffirait à mettre de la mesure dans cette foire d’empoigne qu’est finalement devenue au Bénin la course à la Présidence de la République ?

A coups de nominations indues dans des fonctions ministérielles, dans des chancelleries, dans des organisations et instances internationale, dans des fonctions aux divers avantages ; à coups d’avantages et statuts indus mais octroyés par les pouvoirs politiques successifs post-Conférence nationale sur le dos de la République ; à coups de marchandages et combinaisons politiques, mêmes les plus inimaginables, les présidentiables de février 2016 à l’exception d’une poignée d’entre eux, croient pouvoir pérenniser leurs ‘’affaires’’ par la simple candidature aux fonctions de Président de la République.

Sans projet de société, sans programme de gouvernement, sans même l’ardent et nécessaire désir d’aller à la rencontre des hommes et femmes du pays, ne serait-ce pour dire la raison suffisante qui motive ce désir d’être candidat à l’élection présidentielle, nombre de nos potentiels présidentiables ont attendu la veille ou le jour ultime du dépôt de leurs dossiers de candidature, pour prétendre répondre à l’appel des Béninois. Un appel plutôt inspiré par leur imagination.

En démocratie le pouvoir émane du peuple. Et quand on aspire à le diriger pour lui fixer un nouveau cap, lui tracer un nouveau chemin, le projeter dans un futur d’espérance et donner de nouvelles chances égales de réussite sociale à ses filles et fils doit-on justifier sa candidature par un appel imaginaire ? Quand on veut être Président de la République pour tout un quinquennat et dans un pays où le réflexe du vote communautaro-identitaire l’emporte sur toute rationalité, se donne-t-on si peu de temps pour faire campagne ? Alors que sous d’autres latitudes la seule désignation d’un candidat au sein d’un parti politique pour une élection présidentielle exige des primaires et ouvre une période de campagne qui s’étire des mois durant voire plus d’une année. Comme c’est actuellement le cas en France ou encore aux Etats-Unis. Quand on veut être Président d’une République démocratique, on épouse l’action et la persuasion de l’électorat. On épouse la ‘’tigritude’’ de l’écrivain et nobel nigérian, Wolé Soyinka.

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Qu’on ne se leurre point. Hormis quelques-uns, hormis les challengers de taille qu’on pourrait compter sur les doigts d’une main, ils sont candidats pour négocier quelque portefeuille ministériel, quelque avantage personnel, quelques prébendes, quelques strapontins. Ils sont candidats pour que vive le honteux raccourci politique.

De même que la loi conditionne le remboursement de la caution à l’obtention d’un suffrage électoral d’au moins 5%, de même les Béninois devraient exiger qu’aucun candidat en-dessous de ce même pourcentage électoral ne soit appelé à quelque fonction politique majeure. En démocratie, on ne se joue pas impunément et indéfiniment de l’émotion d’un peuple.

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