Et si l’Afrique récupérait les milliards de dollars volés?

C’était en Mai 1993, et cela se passait à l’Hôtel PLM Aledjo qui, un peu plus de trois années plus tôt, avait abrité l’historique Conférence Nationale des Forces Vives du Bénin. A la table d’honneur, le Président Nicéphore Dieudonné Soglo était entouré, entre autres, du Chef d’Etat ougandais Yoweri Museveni, et de l’ancien Président de la Banque Mondiale Robert MacNamara, aujourd’hui disparu.

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La rencontre organisée par le Président béninois se déroulait dans le cadre de la Coalition Mondiale pour l’Afrique. L’un des moments forts de cette rencontre de la Coalition Mondiale pour l’Afrique fut le cinglant ‘No’ opposé par Robert Mac Namara à une question que je lui ai posée, celle de savoir s’il ne fallait pas rapatrier au moins une partie des avoirs volés au continent par certains dirigeants africains, afin que ces fonds servent à financer des projets de développement et faire reculer la pauvreté. L’ancien Président de la Banque Mondiale a estimé que cela faisait partie du passé, et qu’il fallait plutôt mettre en place des stratégies efficaces de lutte contre la corruption. Soit. Mais quelques années plus tard, ce fut pourtant cette même Banque Mondiale soutenue par les Nations Unies qui toutes deux mettaient en place ce qu’on désigne en Anglais sous l’expression ‘Stolen Assets Recovery Program’, ou SARP. (Programme de Récupération des Avoirs Volés). La question est aujourd’hui plus que d’actualité en Afrique. A la limite, elle recouvre la même importance que les dizaines de milliards de dollars que les émigrés africains à travers le monde envoient chaque année vers leurs familles restées au pays. Dans les deux cas, il s’agit de sommes colossales qui peuvent aider l’Afrique à s’endetter moins auprès des Institutions Financières Internationales (IFI). De cette manière, l’Afrique pourrait financer ses projets de développement en comptant moins sur des emprunts ou sur l’aide extérieure qui se réduit d’ailleurs comme peau de chagrin. La grande corruption, les détournements de deniers publics, les biens mal acquis, le blanchiment d’argent et autres formes de crime organisé comportent des coûts énormes qui bloquent le développement du continent, et enfoncent les pauvres dans la misère. On estime que chaque année, entre 20 et 40 milliards de dollars sont volés des pays en développement et cachés dans des banques et paradis fiscaux outre-mer. C’est un phénomène face auquel les dirigeants africains en ce vingt-et-unième siècle ne peuvent plus rester indifférents. La corruption représente une cause grave de dégradation des institutions publiques, notamment en ce qui concerne le système de gestion des finances publiques, l’administration judiciaire, les institutions de supervision du secteur financier, et bien d’autres encore. Victoire de taille sur la corruption : Il est donc tout à fait opportun que le nouvel élu à la fonction présidentielle au mois de mars prochain conçoive un programme spécial, d’abord pour faire l’état des lieux, ensuite pour obtenir le concours des Nations Unies et de la Banque Mondiale pour le retour au Bénin des fonds frauduleusement placés dans des banques étrangères et les paradis fiscaux.

Ce serait une victoire de taille en matière de lutte contre la corruption, qu’il ne faut pas confondre avec la chasse aux sorcières. Cela démontrera aux citoyens que les vols de deniers publics finissent toujours par rattraper leurs auteurs, quel que soit le temps passé au pouvoir dans l’impunité. Ensuite, les fonds rapatriés, en partie ou en totalité, seront utilisés au profit des populations souffrantes, qui ne pourront qu’exprimer leur reconnaissance aux nouveaux dirigeants. En cela, le Bénin n’aura fait que suivre l’exemple de deux pays de référence en Afrique de l’Ouest : le Sénégal et le Nigéria. Car on se rappelle qu’à son accession à la magistrature suprême en 2012, le Président sénégalais Macky Sall avait sollicité l’aide des Institutions Financières Internationales pour localiser, identifier et rapatrier les fonds supposés frauduleusement placés dans des banques étrangères ou dans des paradis fiscaux sous le régime de son prédécesseur, Me. Abdoulaye Wade. Plus proche du Bénin, les nouvelles autorités fédérales nigérianes, notamment celles du Ministère des Finances, ont décidé que les fonds récupérés auprès des banques suisses seraient utilisés pour appuyer le programme national de réformes économiques, et viseraient des secteurs-clés tels que la santé, l’éducation, la fourniture d’eau potable, l’électricité et les infrastructures routières. C’est un droit reconnu par les Nations Unies à tout pays membre de son appui et son concours pour rapatrier les fonds frauduleusement placés à l’extérieur. Alors, pourquoi le nouveau Président élu du Bénin n’en profiterait-il pas, au grand bonheur des citoyens ?

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