Bénin : « Prenons nous-mêmes notre destin en main », Père Israël Mensah

Le débat sur le choix de celui qui dirigera notre pays pendant les cinq prochaines années est une chose trop sérieuse pour être laissée dans les mains des seuls politiciens professionnels.

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Dans une lettre ouverte intitulée « J’alerte », le Père Israël Mensah tente une intrusion dans le monde politique. Rassurez-vous, pas pour désigner une personne pour qui voter mais il invite à réfléchir mille fois pour choisir « un vrai serviteur du peuple ». Dans une circonspection propre aux ecclésiastes, il alerte sur le danger de l’esclavage et  du colonialisme économique qui menace le Bénin. Son souci est clair : apporter la lumière aux populations pour opérer un choix responsable.   

J’ALERTE!

Notre peuple a toutes les raisons d’avoir honte: l’Afrique a vendu, des siècles durant, des millions de nos frères en esclavage, pour des pacotilles. Le Bénin a participé activement à ce commerce alors que nombre de ses enfants, arrachés à leurs familles et à leurs terres, se révoltaient au prix de leur sang et de leur vie.

Pourtant grâce aux combats et à l’humanisme d’hommes provenant même du camp des maîtres de l’époque, le commerce des esclaves a été aboli. Merci Bartolomé de Las Casas! Merci Victor Schœlcher!

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Notre peuple a toutes les raisons d’avoir honte car beaucoup de nos frères ont servi le colonialisme. En le servant égoïstement, ils ont eux-mêmes asservi leur peuple.

Pourtant grâce à la lucidité de ses fils, de certains chefs traditionnels et de grands humanistes africains, le Bénin a pu se libérer des liens de la colonisation. Merci à Bio Guéra et à Béhanzin !

Et grâce à la vaillance et à l’intelligence de son peuple, le Bénin a su affronter le néocolonialisme et la dictature. Il a inventé le concept de «  Conférence Nationale des Forces Vives ». Après 17 années de régime autoritaire, notre petit pays a connu cinq alternances démocratiques, permises par la Constitution la plus stable de son histoire politique, scellée par une révolution pacifique, le 28 février 1990, au PLM Alédjo de Cotonou.

Cependant aujourd’hui, notre peuple a toutes les raisons de douter car aucun des cinq gouvernements successifs de la période du renouveau démocratique n’a jugé bon d’inscrire, au cœur de l’espace public de nos villes et de nos villages, le nom, le témoignage, de cet évènement fondateur de notre démocratie.

Aujourd’hui notre peuple a toutes les raisons de se décourager car sa classe politique est en crise, tiraillée entre le désir d’ouverture ou monde, la séduction des promesses d’un développement accéléré par l’aide extérieure, et la voie d’une mobilisation, plus lente mais plus sûre, de ses propres ressources économiques et humaines, nationales et locales.

Sommes-nous prêts à accepter le risque d’une nouvelle dépendance, d’une nouvelle forme de colonisation économique qui menace aujourd’hui l’Afrique de toutes parts? Pire encore, somme nous prêts à voir anéantis les efforts démocratiques des peuples africains?

Peuple béninois, à la veille d’un scrutin déterminant pour l’avenir de notre pays, veillons à la sauvegarde des acquis de notre démocratie et préparons-nous à corriger les limites observées, durant 25 ans, dons la mise en pratique de notre Constitution. Le respect de cette constitution sera l’une des missions essentielles du prochain Président de la République: s’il est un véritable serviteur du peuple!

Monsieur le Président, vous êtes, pour quelques heures encore, à la tête d’un navire qui doit arriver à bon port, sur une terre ferme et apaisée.

Notre peuple salue ce qui est positif de vos dix années d’effort de construction du pays. Il veillera à corriger ce qui n’a pas bien fonctionné. Pour l’heure, ce peuple, fait l’apprentissage difficile de la démocratie. Sa parole retrouvée, libérée, peut être parfois virulente et irrespectueuse. Ne faut-il pas lui pardonner en cette année de la

Miséricorde à laquelle nous invite le pape François?

Et vous, présidentiables, tout le peuple salue votre courage, il sait que, tous, vous aimez notre cher pays. Démontrez-lui une fois encore, et de façon sincère, votre amour.

Presque tous, vous dites « qu’il faut bâtir ensemble ». De grâce, mettez-vous ensemble pour sortir notre pays de sa « misère» sur tous les plans. Que chacun de vous s’engage pour ce qu’il peut apporter effectivement à son peuple et qu’il le respecte. Que le BIEN de tous prime sur le bien personnel, pour que la paix règne toujours. N’ayez pas peur!

Osez! Foncez! Pour qu’une fois encore notre petit pays « étonne» le monde! Ne rajoutez pas de la violence à la souffrance de la majorité de notre population qui se contente d’un repas par jour!

Le 6 mars prochain, soyons conscients que des antagonismes fratricides ne nous mèneront à rien sinon à notre perte. Pire encore, ils peuvent conduire à la violence comme dans trop de pays sur notre continent. Que Dieu nous préserve de tels affrontements !

Si nous voulons assumer notre histoire, toute notre histoire, nous devons pouvoir regarder vers l’avenir avec de nouvelles formes de relations entre les peuples et entre les ethnies, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de notre pays. Nous devons pouvoir établir des partenariats qui ne redeviendraient pas une nouvelle aliénation, une nouvelle forme de reconquête de notre territoire.

Notre peuple est épris de liberté: il doit pouvoir vivre dans l’espérance!

Prenons nous-mêmes notre destin en mains! Dans l’unité et dans la fraternité!

Israël MENSAH
Vice-président de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe.
Ancien vice-président de la Commission Démocratie, Cohésion Sociale et Enjeux Mondiaux de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe.
Aumônier diocésain-adjoint du mouvement catholique des cadres et des personnalités politiques

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