Candidature de Lionel Zinsou : Droit de réponse à Hamidou Anne (Le Monde)

Le Monde Afrique a publié sur son site une chronique de son contributeur, Hamidou Anne à propos du débat sur la candidature du premier ministre Lionel Zinsou à l’élèction présidentielle de mars, au Bénin.

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Le texte, qui fustige les « critiques racistes» contre le franco-béninois est intitulé «Chers opposants béninois, n’avez-vous pas honte de reprocher sa couleur de peau à Zinsou ?». Jean Houessou Folly,

Consultant aux USA, en observateur averti de la vie socio-politique béninoise réagit  au texte de Hamidou Anne. Nous vous proposons ci-dessous les deux opinions.

Pourquoi la candidature de Lionel Zinsou pose problème

Mr Hamidou Anne s’est fendue d’une chronique injurieuse pour le peuple béninois et l’Afrique en général. Maniant les approximations, généralisations et la condescendance caractéristiques de certains intellectuels africains des bords de la Seine, Mme Hamidou trace un portrait sans nuances du peuple béninois, à travers l’opposition au régime finissant du DR Boni YAYI et  de son successeur désigné LIONEL ZINSOU.

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Sans nous étendre sur les  demi-vérités et autres accusations de racisme non étayées par le moindre commencement de preuve,  nous répondrons à deux questions de fonds que Mme Hamidou traite de façon cavalière et méprisante pour nos peuples, celle de l’enracinement culturel et de l’allégeance des dirigeants et celui de l’impunité des dirigeants, avant de lui rappeler les qualités académiques et professionnelles des candidats à l’élection, qualités qui ne sont pas le déterminant d’une élection présidentielle. Nous finirons en discutant certains des choix de politique économique du candidat ZINSOU.

Enracinement culturel et allégeance aux peuples

Mr Hamidou termine son ode au métissage par cette question qui semble résumer les enjeux de notre continent vu de Paris, Londres ou New York:  

« Sinon, qu’allons nous transmettre à nos enfants, nous, la génération du métissage? »

Nous souhaiterions demanderà Mme Hamidou de quels  enfants elle parle  ? S’agissant du Bénin qui a une population de 12 à 13 millions d’habitants , y compris une diaspora de 2 à 3 millions –dont quelque 500,000 en Europe et aux Etats Unis, quel est le pourcentage de métis biologiques et/ou culturels ? L’immense majorité des enfants béninois sont d’une culture et d’une seule, celle de leurs deux parents béninois ou africains. Prendre les désirs d’une minorité de la diaspora comme l’aspiration de la majorité des africains est un leurre sur lequel on ne peut que bâtir des politiques d’asservissement culturel et de destruction de l’identité culturelle de nos nations en construction.  Nous vivons certes dans un monde globalisé ou toutes les cultures s’influencent mutuellement, certaines dominantes, d’autres dominées, mais tous les peuples attendent de leur dirigeants une identification sans équivoque avec leur valeurs, modes de vie, de pensée. Il ne viendrait à aucun français l’idée de se présenter au suffrage  de ses citoyens sans un ancrage impeccable dans la culture et les traditions de la France, y compris la maitrise d’au moins une de ses langues nationales. Cela est encore plus vrai de pays comme le Japon, la Chine, la Corée du Sud, ou les Etats Unis. Pourquoi ce qui est inacceptable dans tous les pays du monde, devrait devenir « une chance » en Afrique. Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas de dénier aux enfants métis leur identité africaine. Jerry Rawlings, métis écossais est aimé au Ghana  et admiré en Afrique. Sylvanius Olympio, métis et premier président togolais est toujours adulé par une majorité de Togolais. Personne au Togo, ne reproche à l’opposant Jean Pierre Fabre son métissage biologique. Tous ces métis, comme jadis Boissier Palun, Emile Poisson et bien d’autres, sont africains dans leur identité culturelle et c’est ce que les Béninois attendent de leur président. Imagine-t-on un Obama débarquant du Kenya de son père où il aurait toujours vécu, passant des vacances dans l’Amérique de sa mère, pour briguer le suffrage des américains ?

Au delà de l’enracinement culturel, se pose la question des allégeances. La premièrelégislature du Renouveau avait adoptéà l’unanimité moins une voix, un projet de loi demandant que les candidats à la présidence renoncent à toute nationalité autre que celle du Dahomey. Ce projet déclaré contraire a la constitution par la cour d’alors ,reflète néanmoins de légitimes préoccupations des législateurs. Quelles sont les allégeances d’un ancien président de conseil du patronat français (MEDEF), d’un administrateur de l’institut Pasteur de France, du quotidien français Libération, de l’administrateur et ancien associé gérant du premier fonds d’investissement français ? Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il y a des présomptions d’allégeance, si ce ne sont des preuves.  Dans aucune autre grande démocratie occidentale ou orientale –à notre connaissance-, on ne trouve des présidents ayant une double-nationalité active, et qui plus est fortement liés à l’establishment politique et financier de pays étrangers. Dans des pays comme les Etats Unis l’accès aux fonctions liées à la sécurité requiert la mise en veilleuse, voire la renonciation  à toute nationalité autre qu’américaine. Comment ne pas comprendre le refus des certains Béninois de confier leur destinées à un président qui a tant d’intérêts hors de leur pays, précisément dans l’ancienne puissance coloniale dont les intérêts ne coïncident pas toujours avec les leurs –tant s’en faut ?Où se trouve le « racisme pathologique »(sic), si ce n’est au niveau de ceux- là qui veulent nous dénier le droit d’être attachés à notre culture, introduisent une hiérarchie des cultures en faisant du métissage culturel, entendez la domination culturelle de l’occident, l’objectif de nos sociétés.

Continuité des FCBE et persistance de l’impunité

Mr Hamidou nous décrit le président Boni YAYI en des termes que les plus féroces de ses opposants éviteraient d’employer « Le bilan de Boni Yayi, un homme comme en rêvent parfois les Africains parce qu’il n’est pas issu du sérail politique, est décevant. L’homme finit même par devenir une affligeante caricature de dirigeant usé, dépossédé de sa lucidité, et dont les pitreries alimentent les réseaux sociaux. »

Et pourtant , c’est ce président que Lionel Zinsou a choisi de servir. C’est son alliance de partis –le FCBE-qui la première, l’investi t candidat à l’élection présidentielle, sur l’injonction du maitre-YAYI-, et avec la promesse d’un financement propre de 5 milliards de FCFA de frais de campagne – le double du plafondslégal.

De nombreux dossiers de prévarication sont en instance, la dernière en date –bénéficiant d’une couverture médiatique forte- étant l’évaporation de 2 Milliards alloués par les Pays Bas à des projets d’hydraulique villageoise. Les auteurs et complices présumés de ces prévarications –y compris l’ancien ministre en charge du secteur de l’eau- qui ont échappé jusqu’ici à la justice se voient promis une amnistie de fait, pour services –de campagne- rendus. Ceci renvoie aux calendes greques la fin de l’impunité qui est une des sources de la persistance de la corruption. L’opposition au candidat Lionel Zinsou est aussi –voire surtout- une opposition à YAYI BONI, à un troisième mandat de ce dernier dont les hommes entourent le candidat ZINSOU en dépit des nouvelles alliances.  Balayer d’un revers de la main ce rejet des peuples pour la continuité d’une politique désastreuse pour le Benin sur tous les plans, c’est méconnaitreprofondément les souffrances et la misère d’un peuple qui aspire à avoir des dirigeants dont « la vertu, l’efficacité et  la probité » sont au dessus de la moyenne.

ZINSOU le seul géant dans un pays de « nains » ?

Nous savons ce qu’il faut de talent – accompagné d’un bon capital social – pour qu’un Africain ait le parcours académique( ENS Rue D’Ulm ) et professionnel (associe gérant de PAI) de Lionel Zinsou dans une France qui jusqu’à un passe récent n’était pas un modèle de diversité racialeau niveau de ses élites . Nul ne met en doute les qualités intellectuelles de Lionel Zinsou, mais prétendre comme le fait Mme Hamina  que « Lionel Zinsou n’a manifestement pas une opposition à sa hauteur intellectuelle, « (sic)dans la course a la présidence, est une insulte au peuple béninois, aux 33 candidats retenus ! C’est la manifestation de la condescendance arrogante de certains intellectuels de la diaspora africaine –notamment celle installée en France- qui se prenant pour le centre de l’univers africain n’imagine qu’il puisse exister de talents qui ne soient acculturés et congénitalement lies à l’ex puissance coloniale « mère des arts, des armes et des lois ». Cette partie de la diaspora africaine, nombriliste, à l’image d’un chauffeur qui conduirait en regardant exclusivement le rétroviseur, ignore que l’Afrique avance sans elle. Il faut d’abord souligner que la « hauteur intellectuelle » n’est pas un prédicteur de bonne gouvernance et de capacité à affronter le défi  de la sortie de nos pays de l’état de misère endémique et de dépendance chronique. Que l’on sache Lula qui a sorti 16 millions de brésiliens de la pauvreté n’a jamais arpenté le quartier latin de Paris ! Sans exprimer de soutien pour un quelconque candidat, on peut citer au nombre des candidats a l’élection présidentielle , pèlemêle, -ZulKifl Salami  un docteur en économie ( ancien élève de Mines Paris) , administrateur de la Banque Islamique de Développement, un ancien directeur Afrique du FMI – Bio Tchané, des anciens élèves de la Kennedy School of Governementde Harvard – Koupaki–administrateur de la BCEAO, et Adovèlande directeur Afrique du programme MCC du gouvernement américain , et bien d’autres dont nous  ne connaissons pas le détail des parcours académiques et professionnels.  C’est cette condescendance et ce mépris des compétences locales, qui pousse peut être le premier ministre ZINSOU à s’entourer de jeunes cadres européens dans un pays qui a, il y a près de 30 ans décidé de limiter le recours aux assistants techniques française dans les ministères, renforçant la méfiance déjà existante à son égard.

Un diagnostic économique et des solutions pour un auditoire européen

Il ne nous est pas loisible de discuter en détail –dans cet article- le diagnostic et le programme économique du candidat ZINSOU,mais nous y reviendrons.

Ce qui frappe le lecteur africain, c’est que le candidat ZINSOU semble s’adresser –et chercher  convaincre- un auditoire de financiers et hommes d’affaires européens sceptiques et frileux au sujet de l’Afrique et non des Africains vivant au quotidien les défis et opportunités de leurs pays.

Ainsi dresse  t-il un tableau à l’eau de rose de la situation macro-économique du Bénin qui serait bonne , mais paradoxale parce que ne permettant pas de réduire la pauvreté. Du Benin, il vante la croissance de 6% des DEUX dernières années, oubliant de dire que sur la décennieécoulée, la croissance moyenne est de 4%, nettement insuffisante pour réduire la pauvreté !

Il nous dit que nos économies sont découplées du système économique mondial car elles continuent de croitre lors des crises. La réalité est que notre économiedépendante n’a cru que de 2% en 2008 et 2009, soit la moitié du taux moyen de 4% de la période YAYI , suite à la grande dépression du système économique mondial !

Nous avons un déficit commercial qui se creuse, notre premier ministre, portant aux nues, la mendicité internationale, se félicite de ce que les transferts des donneurs ramènent la balance des paiements a l’équilibre !

Partant d’un diagnostic embelli, le premier ministre est obligé de constater la dure réalité de la persistance et de l’aggravation de la pauvreté, qu’il appelle paradoxe, alors même qu’elle est le produit inévitable d’une croissance faible, résultat de la dépendanceéconomique et de la mauvaise gouvernance !

Au chapitre des solutions, le premier ministre nous appelle à la solidarité nationale ! Vraiment ? La solidarité comme réponseà une croissance anémique et à la mal gouvernance ? Nos sociétés sont généralement considérées comme plutôtsolidaires, ce qui permet dans une certaine mesure d’amortir les effets dévastateurs de la misère et de la pauvretéendémiques. On peut penser que la solidarité faiblit dans les univers urbains ou vivent désormais près de la moitié de nos populations. Mais la solidarité ne saurait être le substitut de politiques économiques volontaristes et sortant des sentiers battus pour faire face à nos défis.

Là où on attendait une vision, une pensée originale, de nouvelles approches, le candidat ZINSOU, le normalien surdoué nous prêchedes lieux communs comme « le développement ç la base » ,dans un pays ou 73 des 77 communes –Cotonou, Calavi, Parakou et Porto Novo exceptés- n’ont pas les ressources humaines pour élaborer un budget de fonctionnement –encore moins d’investissement-et en contrôler l’exécution !

Au total le candidat ZINSOU, sur qui on était en droit de fonder des espoirs de gestion rigoureuse de la chose publique, de vision porteuse, au vu de son parcours académique et professionnel, s’est montré plus préoccupé par la conquête du pouvoir à tout prix, que par une contribution décisive à la solution des problèmes de nos peuples. La polémique sur son acculturation – dans un lapsus linguae révélateur, Mr Zinsou parle de printemps au Bénin !-, ses allégeances, auraient un moindre écho, si avant de partir à la recherche effrénée du pouvoir aux bras d’un président en perte de vitesse, il avait comme nombre de Béninois issus de la diaspora avant lui- cherche à mieux connaitre son pays, à l’embrasser et lui donner comme il aime dire des « preuves d’amour » en le servant.  Les Béninois souhaitent une véritable alternance, non pas la continuité ou le 3eme mandat de YAYI BONI. Iront- ils de Charybde en Scylla ? Nul le sait, mais ils semblent déterminés à ne pas rester avec Charybde, même déguisé

Jean Houessou FOLLY
Consultant USA

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