Bénin : L’hyper et l’hypo président

Qu’il est terrible ce Boni Yayi. Deux semaines après son départ du pouvoir, il fait toujours l’actualité comme s’il était à la Marina. Presque quotidiennement, il nous gratifie de ses petits numéros dont il a le secret.

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Bain de foule à Dassa le 06 avril, idem à Tchaourou le même jour où à cheval il salue « les siens » – venus nombreux à sa rencontre – pour lesquels il s’est battu pendant dix ans de pouvoir. Pendant des jours, il est resté hyper actif dans le septentrion. Tournée de remerciement dans les communes, meetings politiques, rencontres avec les sages, conclave avec les députés Fcbe, sa famille politique… les rencontres prenaient toutes les formes et semblaient être faits dans le dessein de constituer un front anti-Talon au nord.

Les discours tenus sont d’une rare virulence contre le premier gouvernement de Patrice Talon. Pendant des jours, Yayi va se mettre dans la posture de l’opposant. Puis le 18 avril, il se retrouve à un conclave de réconciliation (lire ici) à Abidjan en présence des  présidents Ouattara et Gnassingbé et de son « ennemi » Patrice Talon.

Cette fois-ci, il joue à la victime, au faible et demande plus de protection pour sa sécurité et d’amélioration des conditions matérielles de son existence. Voiture, indemnité mensuelle, prise en charge sanitaire et surtout une garde bien fournie de 15 soldats (lire ici). Une vraie armée pour sécuriser « l’hyper président ». En vérité, le vrai problème de Boni Yayi est moins la recherche d’avantages matériels. En dix ans de pouvoir, il peut s’enorgueillir d’en avoir accumulé tant pour en désirer moins.

Son problème c’est que, bien qu’il ait déjà quitté le pouvoir, il veut paraître toujours comme un Chef d’Etat : avoir une pelle de gardes qui l’entourent quand il est en déplacement, rouler dans les véhicules plaque bleue. A peine n’a-t-il pas hésité à demander des motards pour ses cortèges et des voyages à l’extérieur avec l’avion présidentiel.  Il n’a pu sortir de sa peau de président de la République et ne s’est jamais préparé pour la quitter. Yayi fait rappeler l’allégorie du ver de terre et du dragon (lire l’article) parue dans La Nouvelle Tribune le 13 octobre 2015.

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Quel drame pour le ver de terre devenu entre temps dragon grâce à la volonté divine de redevenir ver de terre et d’être aussi vulnérable. Un personnage aussi dispendieux, allant de sa maison au ‘’carrefour La Béninoise’’ en hélicoptère, faisant chaque jour un caprice de président que l’Ortb s’occupait à relayer béatement ne saurait facilement redevenir un simple citoyen du jour au lendemain.

Il lui fallait un encadrement psychologique pour l’aider à guérir. Pour avoir été un si mauvais président, il ne fallait pas être surpris de le voir devenir un mauvais ancien président qui, contrairement à ses prédécesseurs Kérékou et Soglo, devenus des icones de la démocratie naissante en Afrique ont œuvré pour la paix et la stabilité politique du Bénin. Ce dernier qui a d’ailleurs connu plus de prestige, de notoriété et sollicitation dans le monde après son quinquennat passé à redresser son pays se plait toujours à dire qu’il y a une vie après le pouvoir. Yayi n’est pas de cette école, il est d’obédience autocratique. Il n’a du président qu’une notion élémentaire, antique et vieillotte. Son rêve c’est de mourir au pouvoir comme tous les monarques de son espèce. Yayi c’est un peu du Caligula et de Mobutu.

A l’opposée, un homme discret, méthodique qui préfère vivre sa vie de président dans une sobriété inversement proportionnelle à la taille de sa fortune. C’est Patrice Talon, le successeur de Boni Yayi. Talon et Yayi c’est le jour et la nuit. Quand Yayi devenu ancien président recherche une armée pour le sécuriser, Talon méprise même la sécurité, se rend en voiture privée à des cérémonies de famille amie ou à des réceptions. Le 06 avril, on l’a vu refuser toutes les extravagances décoratives dues à son rang, le 18 avril, il s’est rendu à Abidjan en veste mais avec un dessous sans cravate. Lui c’est l’hypo président. Il semble entrer difficilement dans sa fonction. Habillement, il s’occupe à liquider le capricieux prédécesseur qui veut lui mettre les bâtons dans les roues. Attention à ne pas se faire piéger par Boni Yayi. Déjà l’apathie du gouvernement ravive quelques critiques mais son entourage rassure. Yayi c’est l’hyper président, Talon l’hypo. Un contraste bien saisissant en début de quinquennat.

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