Artistes béninois, tous des extraterrestres directement descendus du ciel?

Faut-il toujours plaindre les artistes béninois se retrouvant dans des conditions misérables après toute une  vie de carrière artistique parfois fleurissante ? Sans détour l’artiste Nana Yao donne un point  de vue déconcertant que la Nouvelle Tribune se propose de partager avec vous. Lisez plutôt.

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J’espérais que la mort et les obsèques de Papa Wemba allaient servir de leçons aux artistes Béninois ! Je l’ai espéré, mais c’est non ! Après la mort de Papa Wemba, nous n’avons pas vu circuler sur les réseaux sociaux des demandes d’aide pour le rapatriement de sa dépouille vers le Congo. Sa famille ne s’est pas transformée en mendiant ou accusatrice de l’état congolais. On a senti que l’illustre disparu était le descendant d’une famille humaine digne. Ce qui n’est pas le cas des artistes Béninois qui, pour traiter un simple paludisme, ont besoin de solidarité nationale.

Je n’arrive pas à expliquer ce déshonneur que s’infligent nos artistes en vivant un jour comme les stars de rock et le lendemain comme des clochards. J’avais pas assez de larmes pour soulager ma tristesse face à la dame Edia Sophie qui n’était pas stérile, avait un enfant, cet enfant Francis Edia qui vit en France et s’est fait un nom et de l’argent avec le nom de sa mère. Or chez nous, au Bénin, l’enfant, dit-on, est un investissement, un bénéfice pour les nombreuses années de souffrance. Pour ses derniers jours sur terre, Edia Sophie vivait et se soignait grâce à la charité médiatisée des uns et des autres, tout comme si elle est directement descendue du ciel, sans famille, sans enfant.

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Aujourd’hui, c’est le respecté ASSA-CICA, cet homme dont la philosophie a bercé mon enfance, qu’on retrouve dans la rue, en train de brader ses propres CDs pour se nourrir et se soigner. Combien de mécaniciens vélo-moteur, de menuisiers, de chauffeur, de Zémidjan, de tailleurs, de coiffeuses, de maçons, de ferrailleurs ou de plombiers ont eu recours à la solidarité nationale pour nourrir, soigner et conduire à la dernière demeure l’un de leur parent? Combien l’état investit-il dans les funérailles des parents de ces deniers? Faites un tour à Porto-Novo l’un de ces week-ends pour voir comment un simple « réparataire » enterre son oncle ou l’une de ses tantes. Les artistes béninois sont-ils des citoyens entièrement à part à qui les autres doivent assistance obligatoire? Comment voulez-vous que les gens vous prennent au sérieux ou qu’ils vous payent au même titre que les artistes venus d’ailleurs si vous n’êtes pas capable de payer une ordonnance médicale de 15.000 FCFA pour traiter une gonococcie?

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Combien de menuisiers vous avez déjà vu à la télévision, au journal de 20 heures en train de solliciter de l’aide suite à un accident de circulation? Si vous choisissez ce noble métier, vous devez vous préparer à en subir les conséquences. La vie n’est pas gratuite, elle s’achète et se revend. L’art est une affaire qui, bien gérée, peut créer une fortune inestimable. Vous avez besoin de notions de gestion de votre affaire. Même la vendeuse de tomate de Dantokpa a une notion des affaires, c’est pourquoi son étalage va grandissant tous les jours malgré qu’elle doit nourrir dix enfants chaque jour de la vente des tomates. Ce qui n’est pas forcément votre cas, car, parfois, vous ne savez même pas le nombre d’enfants qui portent votre nom.

La plupart de nos artistes sont des griots, les gens qui vivent de louanges des autres, certes, mais ce qu’ils vous donnent ne suffisent-ils pas pour épargner pour l’avenir? Si la vente de vos produits ne vous nourrissent ou vous permettent de vous assurer un avenir matériel, n’est-ce pas le bon moment pour changer de métier? Il ne suffit pas de passer sa vie à incriminer le BUBEDRA ou le FAC si le produit que vous mettez sur le marché n’est pas vendable. Un morceau ou un album qui ne dit rien au public n’a jamais rendu un artiste riche. Un artiste ne vit pas forcément de la vente en détail de ses œuvres, il vit des tournées, de la promotion internationale et de l’écoute surtout pour savoir le vrai besoin de son public. Ce qui vous tue, chers artistes béninois, c’est les femmes d’autrui et l’alcool ! C’est une compétition joyeuse, c’est vrai, mais elle est ruineuse ! J’espère que mon message ne va pas tomber dans les oreilles de sourds. Vous êtes votre propre mal. SI vous ne vous valorisez pas, qui le fera pour vous? Le mot dignité n’a donc pas de sens pour vous? Si le chat enterre sa fiente, c’est pour ne pas subir le déshonneur du chien qui risque de le juger par la taille de sa merde ! Prenez-vous au sérieux, bon sang ! Il est grand temps que vous les artistes béninois commenciez à vous donner de la valeur, comme j’aime le dire, c’est la bouteille elle-même qui indique là où on doit lui passer la corde. Si vous vous comportez comme des mendiants, ainsi vous serez traité, et si vous vous comportez comme des rois, tout genou fléchira devant vous !

Nana Yao (Artiste)

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