Bénin : Réformes institutionnelles et mandature entre prétention et détermination

Il nous a déjà été donné l’occasion d’écrire, la campagne électorale battant son plein, que lorsque l’on accorde ses suffrages à un potentiel chef d’Etat, ce n’est point seulement une personnalité politique que l’on choisit, mais également de facto, un tempérament et un caractère. D’évidence, sa gestion des affaires publiques en sera affectée de quelque manière, tout humain ayant les siens propres.

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Prétention ou détermination du chef de l’Etat dans ses œuvres

Prétentieux est un jugement de valeur, qu’habituellement les tiers portent sur le comportement d’autrui, qui du reste, n’engage qu’eux-mêmes. Leur appréciation dépend alors de leur estimation propre et subjective ainsi que de leurs références morales et, le cas échéant, de leur état d’âme, sur ce qu’entreprend l’autre. La détermination me parait, en revanche, une notion plus objective relevant d’un jugement de fait que l’on se fait sur le comportement d’un individu qui s’attache à réaliser une cause, en principe noble.De manière discursive et contradictoire, l’on peut juger qu’un homme politique se fait une estimation exagérée de sa personne,alors qu’en réalité, il fait preuve d’une grande détermination. En d’autres termes, là où le Chef de l’Etat, en sa qualité de leader national, cherche à exprimer à ses concitoyens,sa détermination à mieux faire ou à faire ce qui n’a pu être fait avant lui, le détracteur peut ne voir que prétention et ambition démesurée.

‘’Je vais faire des miracles dans mon pays’’ avait-il déclaré lors de sa visite à Paris. ‘’Je rêve qu’au bout de ce mandat de cinq ans, je sois porté en triomphe par les béninois. Je veux devenir celui qui a réussi à transformer son pays politiquement administrativement et économiquement……J’ai besoin d’un challenge qui est de remettre le pays sur pied a-t-il renchéri naguère au journal Le Monde. Autant de petites phrases qui, il est vrai, pourraient prêter à confusion et faire dire, malencontreusement à d’aucuns, que notre Chef d’Etat se révèle plutôt prétentieux, laissant sous-entendre qu’il se pourrait bien qu’il ne soit pasà même de réaliser ses ambitions. C’est tout comme dit le français populaire, bon et décent français tout de même ‘’ Peter plus haut que son cul et se faire un trou dans le dos’’

En fait l’on pourrait ne rien trouver de prétentieux ni de malsain à ces déclarations, si ce n’est la volonté inébranlable de bien faire, la détermination de remettre le Bénin sur les rails,à l’image de ce dont notre Président a su faire preuve pour réussir dans les affaires. Cette détermination saine à laquelle il est vrai, nous ne sommes pas accoutumés, il faut bien reconnaître qu’il est en passe de la mettre, judicieusement, au service de l’Etat, entouré qu’il est de bons techniciens que sont les deux Ministres d’Etat à qui il a eu la sagesse de faire appel. Et, de cela, il y a plutôt bonne raison d’en tirer grande fierté, l’essentiel étant que les valeurs citoyennes et républicaines notamment celles que prône l’idéologie Nouvelle Conscience, force composante de la coalition gouvernementale, soient respectées et ne soient, en rien, sacrifiées sur l’autel des sordidités politiques.

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Les atouts de la détermination du chef de l’Etat

Il faut dire que notre histoire politique a pavé la voie de la détermination dont fait montre le Président de la République ;elle l’a gratifiée des atouts requis pour initier et accomplir les réformes dont a besoin la gestion des affaires publiques de notre pays, tant institutionnelles que politiques,sociales et électorales d’autant qu’elles ont été toutes au cœur même des promesses de campagne électorale du Chef de l’Etat. En effet, politiquement et psychologiquement, le peuple parait préparé aux réformes ; il en comprend la nécessité et l’opportunité maintenant que le régime défunt l’a édifié avec ses frasques et l’a éduqué, à son corps défendant.

Le Président Talon a donc pris la relève d’un pouvoir qu’il a et s’est donné la charge de réformer de fond en comble,à un moment où il bénéficie d’un consensus social implicite sur l’urgence à procéder à des réformes structurelles ; sa capacité et sa marge de manœuvre s’en trouvent accrues, conséquemment. Cette mission spécifique que le peuple lui a confiée, il lui assure qu’il est déterminé à la remplir contre vents et marée, mais la détermination ne devrait pas verser dans la témérité.

La limite de la détermination du chef de l’Etat

Cette limite est l’incontournable peuple à qui il sied de ne pas donner l’impression qu’on lui impose des décisions toutes prises ; autrement l’on prend le chemin de la témérité. Des professions telles ‘’ Ce sera inscrit dans la Constitution. On va trouver un consensus dessus. Ce sera adopté au Bénin’’alors même que le thème du mandat unique est encore à l’étude, sont susceptibles de donner prétexte à des interprétations diverses et de laisser l’impression qu’abstraction est faite du peuple souverain à qui revient, en définitive, le dernier mot. C’est alors que les Français parlent de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ; cependant que l’on pourrait comprendre que les déclarations du Chef de l’Etat ne sont que l’expression d’une forte et légitime conviction que le peuple le suivra dans son projet de réforme. L’occasion faisant le larron, l’on voudra bien nous permettre de dire un mot sur ce sujet du mandat présidentiel unique et sur la commission technique qui l’étudie.

Caractéristiques du sujet débattu et opinions

En ce qui concerne le sujet qui nous concerne, le citoyen ordinaire a vraiment du mal à voir le juridique dans la détermination de la durée du mandat présidentiel. Manifestement, le sujet est de nature politique et ne ressort guère du droit positif. La détermination de la mandature est affaire de norme relevant du domaine de la sociologie politique ; elle ne ressort pas du droit qui, dans notre entendement, n’a pas compétence à la définir, mais à la faire respecter, le cas échéant.

Pour ce qui est des opinions, les inconditionnels qui plaideront, de force vive, en faveur du mandat unique auront pour eux, entre autres, la bonne foi de l’initiateur du projet et qui parait tenir du fait que le Chef de l’Etat n’a pas mis son mandat à l’abri de ce qu’il propose. Il s’y est impliqué lui-même d’office, donnant l’exemple, en s’engageant à ne faire qu’un mandat. Il ne s’est pas installé dans la position confortable qui consisterait à bénéficier du renouvellement du mandat présidentiel tel que prévu par la Constitution en vigueur et à remettre l’effectivité du mandat unique après lui. C’est tout à son honneur et cela ne fait que renforcer le caractère éminemment politique du sujet. Ils évoqueront, également, le fait que le mandat unique permettra au Chef de l’Etat de prendre des décisions hardies de bonne gestion sans se soucier, outre mesure, des répercussions politiques qui pourraient entacher sa réélection, le cas échéant. Les tenants du mandat unique étaieront cet argument par les succès qu’a remportés le régime défunt au cours des premières années de son premier mandat. Ils pourraient faire valoir, par ailleurs, qu’en raison du laps de temps qui lui est accordé, le mandat unique permettra aux Chefs d’Etat de bien cibler leurs actions et d’éviter le saupoudrage, induisant ainsi les meilleures chances de parvenir à une bonne gouvernance.

En revanche, ceux qui plaideront en faveur du maintien du statu quo évoqueront les principes sacro-saints de la Conférence Nationale. En outre, ils stigmatiseront le fait que l’on ne peut constitutionnaliser un thème de campagne électorale qui apparemment n’a été évoqué qu’à cette occasion. Le peuple n’en avait pas fait sien auparavant. Accepter le mandat unique dans ces conditions, argumenteront-ils, reviendrait à entériner une promesse électorale et à personnaliser notre Loi Fondamentale, ce qui parait hors de tout entendement. S’il est vrai que la pratique législative permet de subjectiver une loi ordinaire en lui attribuant, des fois, l’identité de celui qui l’a initiée, il ne saurait en être de même pour des dispositions de la LOI Fondamentale qu’est la Constitution.

Pour la petite histoire, l’on peut noter que la révision de notre Constitution n’a jamais été une question neutre,particulièrement en ce qui concerne la mandature. Naguère, l’on reprochait au projet de révision de l’ancien Chef de l’Etat d’être opportuniste parce que la démarche entreprise à la fin de son deuxième mandat avait laissé, dans les esprits, le sentiment d’un piège pour prolonger son mandat au-delà du terme prévupar la Constitution. Ce devrait être, semble-t-il, chose faite par le biais de‘’l’initiative populaire’’, une autre innovation du projet. Aujourd’hui l’actuel Chef de l’Etat positionne la révision de la Constitution en début de son mandat, ce qui parait judicieux. Mais la polémique survient au sujet de la mandature qu’il souhaite modifier sur la base d’une option personnelle qu’il a prise de n’assurer qu’un mandat, sans en demander le renouvellement. Deux projets de deux Chefs qui se succèdent, concernant la mandature. La différence c’est que l’un aurait visé à l’étendre par un artifice tandis que l’autre vise sa limitation en jouant carte sur table. Deux visions différentes,peut-être à l’image de leurs antagonismes!

Mandat unique peut-être, mais que l’on nous préserve de l’extension de sa durée. A un moment donné, l’impression avait prévalu dans mon esprit, que des ballons d’essai avaient été lancés, par médias interposés, pour préparer les esprits à cette éventualité. Nous préjugions du fait qu’ils n’auront heureusement pas obtenu les résultats escomptés quand, mettant la dernière main à notre réflexion, nous apprenions que la Commission venait non seulement d’opter pour le mandat unique mais d’étendre sa durée à 7 ans. Il faudra bien que l’on nous explique la raison de cette extension. Est-ce seulement pour raison de compromis entre les deux tendances ?

Mandat unique peut-être, mais qu’il soit bien entendu que cette option implique des réformes spécifiques à savoir :

-La relecture du code électoral

Au moment de la promulgation de ce code, nous avions écrit un article intitulé ‘’ Les Honorables ont loupé le coche’’ Ils avaient effectivement loupé le coche parce qu’ils avaient manqué de poser les conditions d’éligibilité quant aux aptitudeset au background politiquede celui qui se présente aux suffrages des électeurs ; ils ne s’étaient préoccupés que des conditions matérielles.Le problème que je posais alors et déjà, étaitcelui de l’expérience préalable en matière d’implication dans la gestion des affaires publique. En système de mandat unique cette expérience préalable s’avèreraparticulièrement cruciale autrement nous porterons au pouvoir un blanc bec qui mettra le temps qu’il lui faudra pour savoir ce qu’il est venu faireau palais de la Marina et le reste pour, le cas échéant, gérer les affaires publiques comme il pourra.

-Un audit général de la gestion du Chef de l’Etat au terme de son mandat

-La suppression de la procédure actuelle de mise en accusation du Chef de l’Etat qui en fait le protège contre toute poursuite.

-L’habilitation des tribunaux de droit commun à juger le Chef de l’Etat

-La suppression de la Haute Cour de Justice. Le vol demeure un vol qu’il soit commis par le gueux du quartier ou par le leader national. Et celui commis par ce dernier est trop criminel pour justifier l’honneur qui lui est fait d’être jugé par une juridiction spéciale et lui valoir des salamalecs. Je n’ai pas encore rencontré un juriste qui m’ait convaincu de la légitimité de cette fameuse cour. Cette cour est indécente – et c’est bien le terme qui convient -dans un pays pauvre où le citoyen moyen tire le diable par la queue, ne pouvant s’offrir trois repas par jour,et nous le savons tous. Nous apprenons avec satisfaction que les résultats provisoires de la Commission font état de sa suppression

– La réforme électorale qui proscrira, notamment, la pratique suicidaire pour les candidats à la Présidence de la République, du porte-à-porte ; et point n’est besoin de faire un dessin. La honte nationale en toute connaissance de cause et nous en avons tous la pleine conscience !

Si ces dispositions, du reste, tout autant utiles dans le cas du renouvellement du mandat présidentiel, n’étaient pas prises,que gagnerions-nous avec le mandat unique si ce n’est que le locataire du palais de la Marina aura tout loisir, en l’espace d’un mandat, de se livrer, en toute quiétude et impunité, à toutes les dérives et frasques que bon lui semblera, n’ayant cure de quelque bonne gouvernance. Peut-être devrions-nous, alors,sans préjudice à la noblesse et au mérite de l’initiative du Chef de l’Etat, revisiter la disposition existante en matière de mandature et nous faire à l’idée qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras

Ambassadeur
Candide Ahouansou
Nouvelle Conscience

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