Contribution au débat sur ‘’Le système partisan’’ au Bénin

La nécessité de réformes politiques a été au centre de la communication du nouveau Président de la République pendant la campagne électorale. S’il est apparu nettement que les institutions constitutionnelles étaient indexées, la référence au ‘’système partisan’’ n’a pas connu le même sort.

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Que signifie en effet l’expression ‘’système partisan » béninois pour ceux qui y font référence et pour chacun d’entre nous?  

A priori, on pense à l’échiquier actuel des partis politiques au Bénin. Caractérisé par un nombre particulièrement élevé de formations politiques, l’aréopage des partis politiques béninois laisse penser que les règles de création de ces regroupements de citoyens sont laxistes et mériteraient d’être changées.

Cependant, nous n’avons, jusqu’à présent, aucune approche d’analyse de ces partis politiques, ni des raisons qui ont favorisé leur floraison. Pourtant, sans une connaissance réelle de ces raisons, il serait hasardeux de rechercher le ou les remèdes à ce qui semble être pour de nombreux citoyens un mal dont nous devons guérir.

Nous voulons ici, tenter de nous interroger sur un certain nombre de questions qui nous paraissent importantes et nécessaires d’éclairer dans la recherche d’une solution à un problème qui pourrait n’être que de façade.

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Notons, d’entrée de jeu, que l’apparition des partis politiques est consécutive du développement du parlementarisme et aussi de l’extension du droit de vote caractérisant les régimes représentatifs et démocratiques.

Nous nous permettons d’adopter ici la définition qui considère que « les partis politiques sont des organisations durables, possédant des ancrages locaux et dont l’objectif est la conquête du pouvoir au moyen du soutien populaire ».

Nous convenons de distinguer deux types de partis selon leur naissance :

  • Les partis de cadres : ils proviennent de la nécessité ressentie par des citoyens de s’organiser pour créer des comités électoraux dans un premier temps. Pour s’assurer d’une cohésion, une administration centrale se constitue et devient l’état-major du parti. Ces partis sont principalement, sinon exclusivement, tournés vers l’élection et cherchent à recruter, parmi les notables, des élites sociales permettant de financer et d’influencer la vie politique. Ils ont tendance à ignorer toute structure hiérarchisée, fonctionnant régulièrement selon des textes de base. Malheureusement, le document servant de socle à ce genre de rassemblement comporte souvent, au Bénin,des idées que les fondateurs eux-mêmes n’épousent pas vraiment.
  • Les partis de masse dont l’origine est liée au développement de diverses associations, syndicats, sociétés de discussion, organisations de la société civile, etc. Ils sont généralement à la recherche de militants et d’adhérents issus des classes populaires qui financent l’organisation via leurs cotisations. Ils les forment et les promeuvent. Ce sont des partis fortement organisés et hiérarchisés : la base est constituée par des sections locales, coordonnées au niveau départemental par des fédérations, elles mêmes dépendant d’une direction centrale.

Cette classification a un caractère théorique ; mais elle peut permettre d’essayer de définir les catégories de partis politiques béninois à travers leurs origines, les états-majors l’origine de leur financement et celle de leurs adhérents et militants. Cet exercice peut-il être ignoré lorsqu’on interroge le ‘’système partisan’’ du Bénin ?

A notre avis, entreprendre la réflexion sur le sujet, sans se référer à la nature des partis politiques existants, manque de consistance, lorsqu’on recherche des explications aux dérives que nous observons tous. Mieux, un regard rétrospectif sur la création et la vie des partis politiques au Dahomey-Bénin depuis 1946, l’instabilité et la multiplication de ces regroupements de citoyens révèlent une tendance à l’émiettement sur la base de deux éléments principaux:

  • L’origine régionale et le niveau de formation des responsables ;
  • Les ambitions personnelles des dirigeants au-delà de toute orientation politique ou idéologique précise.

Il serait sans doute utile de fonder notre classification sur des faits historiques du l’Union des Populations du Dahomey (UPD) à la kyrielle des partis enregistrés aujourd’hui. Le cadre de cet article ne nous le permet pas, malheureusement.

Après l’accession de notre pays à l’indépendance et avant la Conférence Nationale de février 1990, la pratique était celle des partis uniques ou dits majoritaires (pour ne pas dire uniques). Ces partis ne semblent pas avoir généré une vie politique exemplaire et une pratique démocratiques fiable. La Révolution des jeunes cadres de l’armée qui a accouché du Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB) a continué l’option du parti unique, cette fois-ci doté d’une idéologie. Puis, la Conférence Nationale de février 1990, voulant se démarquer de la pratique du PRPB, a cru devoir déclarer ‘’un multipartisme intégral’’.

Aujourd’hui, on s’époumone à vouloir expliquer et définir le contenu de cette notion. Mais l’exercice est mené par des citoyens, pour la plupart  en marge des partis politiques, qui se donnent la compétence de parler du haut de leur prétention intellectuelle de ce qu’ils ne connaissent que de très loin. Les arguments avancés jurent par leur caractère de spéculation intellectuelle ou sémantique.

Ceux des responsables des formations politiques en parlent sans fournir d’autres motifs que celui de la pléthore observée et celui du financement de leurs organisations qu’ils espèrent voir le contribuable béninois prendre en charge.

Dans un cas comme dans l’autre, l’on se garde d’exposer des expériences vécues par les partis existants pour mettre en lumière les obstacles et les efforts éventuellement infructueux déployés pour donner une vie florissante et visible des partis en dehors des périodes électorales. Ils faudra que ces formations, dont certaines ont tenté d’avoir une envergure nationale, nous fassent bénéficier de leurs expériences

C’est en vain qu’on trouve des écrits prospectifs de ces partis sur les questions nationales, en dehors des critiques des positions du gouvernement. Une enquête qu’il nous a été donnée d’entreprendre auprès de certains de ces regroupements politiques ‘’sérieux’’ a révélé qu’aucun d’eux, bien qu’ils aient dénoncé la tentative opportunisme de révision de la Constitution par Boni Yayi, n’a discuté et rendu officiels les résultats de ses réflexions sur le sujet. Il s’en ait trouvé un qui ne se formalisait pas de devoir se plier à la volonté du Président qui sera élu lors de la dernière élection présidentielle.

Nous savons aussi que chaque député élu à l’Assemblée Nationale dispose d’un crédit pour mettre en place un secrétariat et entreprendre des études préalables aux débats à l’hémicycle. On aurait pu s’attendre à une priorité de formalisation des positions des partis politiques dont sont issus ces députés ou de leur groupes parlementaires. Il n‘en a rien été.

Une question essentielle se pose alors : les partis politiques servent-ils encore à quelque chose ?

Globalement, les partis politiques ont pour fonctions :

  • La sélection des candidats aux diverses élections
  • La socialisation politique pour laquelle ils servent d’instruments
  • L’animation de la vie politique     

C’est par rapport à ces fonctions que devrait se mener la réflexion sur les partis politiques au Bénin. Chez nous, comme partout ailleurs, les partis politiques sont desséchés idéologiquement. Si l’on conçoit qu’ils ne soient pas de véritables laboratoires d’idées, qui ne sont pas créées en leur sein, celles-ci devraient y être traitées et traduites en projets politiques. Les formations politiques actuelles se montrent incapables même d’écouter les idées nouvelles qui surgissent au sein des populations. Les postures l’emportent sur les convictions et les batailles se  « résument souvent à des jeux d’égos ».

Nos partis politiques ne trouveront sans doute leur raison d’être qu’en nouant ou en renouant des liens forts avec les électeurs ainsi qu’en devenant des lieux de débats de fond.

Et cela présuppose la prise en compte de nouvelles formes d’organisation, plus ouvertes, qui ont recours pleinement aux ressources technologiques modernes, pour une démocratie participative.

En somme, la prétendue reforme du ‘’système partisans’’ ne peut être qu’un sous-produit de la réforme politique annoncée et ne peut s’en détacher comme semble le croire la classe politique, plus préoccupée par la recherche de leur financement après l’entrée en scène des anciens sponsors et pourvoyeurs de fonds.

Il s’agira de définir les conditions du choix des candidats pour chaque niveau d’élection, du cadre de la socialisation politique et les règles de l’animation de la vie politique.

C’est sur le terrain, à notre avis, qu’on attendra les réflexions et les propositions de la commission formée par le gouvernement

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