Déclaration des biens des responsables politiques : Un état des lieux inquiétant

Instaurée par la Constitution du 11 décembre 1990 et renforcée par la loi N°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin, la déclaration de patrimoine à l’entrée et à la fin d’une fonction est toujours bafouée par les autorités. Selon un rapport de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption(Anlc) qui fait l’état de lieux au 31 janvier 2016, la situation est inquiétante.

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Et l’institution demande d’ailleurs la répression de la part des institutions habilitées.  Conformément aux dispositions de l’article 52, alinéa2 de la Constitution du 11 décembre 1990, le Chef de l’Etat et les membres de son gouvernement devraient faire les déclarations de leurs biens et patrimoines à la Chambre des comptes de la Cour suprême et ceci dans le délai des 15 jours après leur entrée en fonction. Jusqu’à ce jour, personne en dehors des intéressés et des membres de la Chambre des comptes ne peut dire avec certitude si les membres du nouveau gouvernement et leur chef se sont conformés à cette disposition légale, tant la loi ne leur fait obligation de publier ces déclarations. Au Bénin actuellement, seule l’Anlc permet de faire un peu de lumière sur cette situation grâce au rapport semestriel qu’elle a pris l’habitude de publier depuis décembre 2014 fort de mesures adoptées par le gouvernement et la Banque mondiale(Bm) dans le cadre de l’appui budgétaire pour le Prsc 11.

Lire Affaire Ppea2 : L’anlc promet de traquer les faussaires où qu’ils soient

Le dernier rapport publié par l’institution date du 31 janvier 2016 et ne prend pas en compte donc les déclarations faites ou non par le nouveau président Patrice Talon et les membres de son gouvernement. On attend donc celui de juin prochain pour avoir une idée précise de la situation du président de la république et des membres de son gouvernement. Certes, on peut supposer que pour un régime qui se dit de la rupture et qui prône un nouveau départ, un grand prix doit être accordé au respect des textes. Le Chef de l’Etat avait invité, dès les premiers jours de sa prise de pouvoir, ses ministres à aller déclarer leurs biens. Pour avoir prôné lors des campagnes la gouvernance par l’exemple avec comme chantre Joseph Djogbénou, actuel ministre de la justice, on ne peut imaginer un autre scénario. En attendant le prochain rapport de l’Anlc attendu pour juin, on peut au moins s’interroger sur le sort des autres institutions toutes en place avant l’avènement du nouveau gouvernement.

Que dit le rapport de l’Anlc ?

En effet, aux termes des dispositions de la loi N° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin, tous les membres des institutions de la république, de la Cena, de l’Armp, de l’Arcep, les préfets, les maires, les chefs de village ou quartier de ville, les membres des chambres consulaires et d’agriculture, les recteurs des universités et leurs adjoints, les directeurs de cabinets des ministères et leurs adjoints, les secrétaires généraux des ministères et des institutions et leurs adjoints, les Directeurs généraux de la police, de la gendarmerie, les ambassadeurs accrédités auprès d’un Etat ou d’un organisme international…Tous sont concernés par la nouvelle loi. Et que dire le rapport de l’Anlc ? L’ancien président Boni Yayi a procédé le 21 avril 2006 et le 06 septembre (violation de délai de déclaration) à la déclaration de ses biens ainsi qu’à la fin, en avril dernier comme lui-même l’a rendu publique. Mais aucun des membres de son cabinet ne se sont conformés ou lorsqu’ils l’ont fait, c’est à moitié c’est-à-dire à l’entrée uniquement ou à la sortie de fonction. On peut citer la Directrice de cabinet, son adjoint, le chef de cabinet et le Directeur du cabinet militaire. Au sein de ses différents gouvernements, c’est la catastrophe. Du 28 mai 2011 au 18 juin 2015, 69 ministres ont été ont été utilisés au gouvernement. Le rapport détaillé, « Sur les 28 ministres du gouvernement en date du 18 juin 2015, seul un ministre(Mme Nadine Dako Tamadoho) a déclaré son patrimoine à l’entrée en fonction. Sur les 18 ministres de l’avant- dernier gouvernement d’août 2014 à Juin 2015, dix ministres (El Hadj Issa Azizou, Marie Laurence Sranon, Christian Sossouhounto, Jean Gbeto Dansou, Raphaël Edou, Antonin Dossou, Barthélémy Kassa, Natondé Aké,Eric Kouagou N’Dah et Dorothée Akoko Kindé Gazard) ont fait la déclaration de leur patrimoine à la sortie de fonctions à la date du 31janvier 2015. Douze ministres n’ont pas déclaré leur patrimoine à la fin de leurs fonctions : Bénoît Dègla, Blaise Ahanhanzo Glèlè, Fatouma Amadou Djibril, Lambert Koty, Max Ahouèkè, Idrissou Affo, Isidore Gnonlonfoun, Marcel de Souza, Martine Dossa, Nassirou Arifari Bako, Simplice Dossou Codjo et Françoise Assogba. Deux ministres n’ont fait aucune déclaration, ni  à l’entrée, ni à la sortie de leurs fonctions. Il s’agit de Sabaï Katé et Sofiatou Onifadé ».

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A l’Assemblée nationale, six députés de la 7è législature l’ont fait sur les 83 à la date du 31 janvier 2016. Il s’agit des honorables Jean Michel Abimbola, Barthélémy Kassa, Natondé Aké, Mohamed Gibigaye, Eric Kouagou N’Dah et Joseph Djogbénou. Ni le président Me Adrien Houngbédji, ni les autres membres du bureau ne l’ont fait à la date sus indiquée. La situation est plus critique à la 6è législature où aucun des 83 députés n’a fait de déclaration ni à l’entrée, ni à la fin. A la Haute Cour de justice(en dehors des 6 membres provenant de la Cour constitutionnelle) et au Conseil économique et social aucun membre ne s’est conformé à cette disposition. Idem à la Grande chancellerie, au niveau des six préfectures et des 77 maires des communes. Mais à la date d’aujourd’hui, cette situation pourrait avoir évolué. Entre temps, le juriste Serge Prince Agbodjan très attaché à l’application de la loi a formulé six différents recours devant la Cour constitutionnelle contre les différents membres du gouvernement et des institutions épinglés par ce rapport. Au cours de l’instruction de ces recours , plusieurs parmi ces cadres pourraient être interpelés et auraient, grâce à la Cour, pu se mettre en règle.

Que faire ?

Dans son rapport, l’Anlc propose une mise en application stricte de la loi, surtout de l’article 4, alinéa 6 de la loi N° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en république du Bénin qui dispose : « le refus de déclaration est puni d’une amende dont le montant est égal à six mois de rémunération perçue ou à percevoir dans la fonction occupée ». Cette amende est prononcée d’office ou sur dénonciation par le président de la Chambre des comptes. Dans sa conclusion, elle invite les instances habilitées à entamer la répression pour contraindre toutes les personnes astreintes à se conformer à la loi dans les délais prescrits. « La lutte contre l’enrichissement illicite, but visé par le législateur à travers l’adoption de cette mesure, risque d’être un vœu pieux si les décideurs à tous les niveaux ne donnent pas le bon exemple pour promouvoir le respect des textes de la République », conclut l’Anlc

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