Droit à l’information des citoyens : Edouard Loko dans un mauvais rôle

Relayée par deux chaînes de télévision le vendredi 27 mai 2016, (plus  largement par Canal 3 que par la télévision nationale qui l’a censuré en partie ), l’intervention de Monsieur Edouard Loko, chargé de mission , responsable de la communication média du Président de la République, a porté sur les critiques formulées par des citoyens sur :

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– les comptes rendus des séances hebdomadaires du Conseil des Ministres d’une part;

–  la non médiatisation des activités du Chef de l’Etat de l’autre.

Le rappel succinct des deux volets de cette intervention sera suivi des observations.

I – Edouard Loko au sujet des critiques sur les comptes rendus des séances hebdomadaires du Conseil des Ministres

Selon Edouard Loko, les observateurs de la vie politique ont l’impression que l’on est passé de  » l’hyper-communication à l’hypo-communication « . En réalité,  a-t-il affirmé , il s’agit plutôt rectifie-t-il de « la normo-communication ».

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Les  frustrations des citoyens par rapport à cette question de la communication de l’exécutif  s’articulent en deux points:

a)– le caractère incomplet des comptes rendus de Monsieur Pascal Irénée Koupaki , Ministre d’Etat, Secrétaire Général à la Présidence de la République et de Monsieur Edouard Ouin Ouro, Secrétaire Général du Gouvernement.

  1. b) – la publication tardive des comptes rendus du Secrétaire Général du Gouvernement.

S’agissant du premier point, l’entendement humain comprend peu que Monsieur Edouard Loko, reconnu et apprécié pour son sens du professionnalisme, soutienne la rétention de l’information par le gouvernement. Que des  » nominations individuelles » soient prononcées en Conseil des Ministres sans l’identité des personnes nommées est manifestement une atteinte au droit à l’information des citoyens. En effet, le Conseil des Ministres est un cadre de prise des décisions majeures qui engagent les Béninois par rapport au devenir et à l’avenir de leur pays. Ainsi comprises,  ces décisions, à l’exception de celles à caractère sensible appelées « secrets d’Etat « , doivent être portées à la connaissance du public. A l’observation, la rétention officielle de l’information est éphémère puisque les chasseurs d’information finissent par disposer de ce qui est dissimulé pour le diffuser. Ce fut le cas des noms des personnes,  objet de nominations à des postes de responsabilités et qui ont été véhiculés par la lettre confidentielle n°0516 /PR/SGG/C du 25 mai 2016.

Edouard Loko  a tourné en dérision la minute de silence qu’observaient tous les gouvernements antérieurs depuis 1960 pour saluer la mémoire des citoyens émérites défunts. Les intellectuels s’accordent à reconnaître que, sous la décennie au pouvoir du Président Boni Yayi, cette pratique fut hypertrophiée  au point d’avoir été banalisée en s’étendant « aux belles – mères,  aux beaux – pères. .. ». Il y a que  » la rupture » avec l’observance de la minute de silence s’apparenterait au refus des gouvernants actuels de rendre un dernier hommage à leurs prédécesseurs et autres citoyens qui se sont illustrés,  de leur vivant, par leur contribution appréciable au développement du pays. Il conviendrait alors de revenir à cette observance en la limitant  aux notoriétés incontestables.

Lire Rencontre Talon et Yayi : Défaut de communication de la présidence du Bénin

En ce qui concerne la publication  tardive des comptes rendus du Secrétaire Général du Gouvernement, il faut rappeler que les deuxième et troisième’ séances du Conseil des Ministres n’ont pas été sanctionnées par des documents du genre portés à la connaissance de l’opinion publique. Les trois comptes rendus connus ont été publiés le  lendemain, voire le surlendemain de la tenue des réunions du Conseil des Ministres. Ce recul par rapport à la diligence antérieure dans la rédaction et la publication des comptes rendus des travaux des Ministres est regrettable. D’autant plus que le Conseil des Ministres,  sous le Président Patrice Talon, commence à 9 h et se termine au plus tard à 12 h. Le Secrétaire Général du Gouvernement dispose alors suffisamment du temps nécessaire pour préparer le compte rendu et en assurer la diffusion à temps.

Sur ce point précis,  il n’est pas  superflu de partager  les observations pertinentes, publiées  dans le numéro 3253 du lundi 18 avril 2016 de La Nouvelle Tribune,  sous le titre  » Communiqué du premier Conseil des Ministres du gouvernement Talon : les irrégularités de forme relevées par Jean-Luc Anato ». A l’analyse,  la forme des écrits du Secrétaire Général du Gouvernement suscite des interrogations sur sa maîtrise de la rédaction administrative. Pour preuve, toute fraîche, Monsieur Edouard Ouin Ouro a offusqué par la conclusion de la lettre ci-dessous indiquée et adressée à des Ministres : « Vous rendrez compte de vos diligences. »  C’est au supérieur hiérarchique que l’on rend compte. A l’évidence, le  Secrétaire Général du Gouvernement n’étant pas supérieur aux ministres destinataires de la correspondance, ceux-ci ne lui sont pas redevables de comptes rendus. Et puisque copie de la lettre est adressée au Ministre d’Etat,  Secrétaire Général à la Présidence de la République, Monsieur OUIN OURO pourrait se justifier en soutenant que le compte rendu des diligences est  destiné à ce dernier. Cette réplique résisterait peu à l’une des exigences de la rédaction administrative qu’est la précision. Il fallut donc écrire :  » Vous rendrez compte de vos diligences au Ministre d’Etat,  Secrétaire Général à la Présidence de la République. « 

Enfin, le style Talon, en matière de communication, paraît ambigu. Pour la même séance du Conseil des Ministres, l’opinion publique a droit à deux comptes rendus, le premier du Ministre d’Etat, Secrétaire Général à la Présidence de la République,  le second du Secrétaire Général du Gouvernement. En outre, est-il bienséant  que la deuxième personnalité du gouvernement après le Président de la République,  le Ministre d’Etat, Secrétaire Général à la Présidence de la République joue –t-il le rôle de porte-parole de l’équipe gouvernementale ?

II – Edouard Loko au sujet de la non médiatisation des activités du Chef de l’Etat

Edouard Loko réfute la quasi – absence du Président Patrice Talon sur les médias :  » On n’est pas passé le l’hyper-médiatisation à l’hypo-médiatisation. On est à la normo-médiatisation ». Ici, comme là, l’éminent journaliste s’est évertué à défendre l’indéfendable. Tout en souscrivant au souci du Chef de l’Etat d’être attaché  » aux  résultats « , les citoyens sont assoiffés de voir et d’entendre, par moments, celui qu’ils ont élu pour agir et parler en leur nom pendant cinq ans. Le Président Patrice Talon a « l’obligation de reddition des comptes » à l’égard du peuple à travers la médiatisation d’une partie de ses activités, comme c’est le cas dans tous les Etats du monde. L’exception béninoise est d’autant plus surprenante que le Président Patrice Talon  » travaille, en moyenne,  18 heures par jour, à en croire son chargé de mission Edouard Loko » Cette révélation est surréelle – je ne dis pas surréaliste -. en ce sens qu’un être humain, même physiquement surdoué, ne peut supporter un tel rythme de travail.

Au demeurant, les premiers pas du gouvernement Talon sont de nature à inquiéter sur le plan de la communication. La rétention de l’information est une contre – valeur dans tout système démocratique qu’elle décrédibilise. Le devoir de Monsieur Edouard  Loko, en sa qualité de responsable à la communication média du Président de la République,  est de rendre Patrice Talon et son gouvernement attentifs à cette dérive propre aux États qui se distinguent par la pratique ouverte ou fermée  de la dictature.

La veille citoyenne ne peut s’affirmer sérieusement que la base des informations officielles, qui, inexistantes, font le lit aux rumeurs de toute nature. La veille citoyenne, c’est l’approbation des actes positifs que pose le gouvernement.  La veille citoyenne,  c’est aussi la critique objective des failles relevées dans l’action gouvernementale, assortie de propositions constructives

Par William Sègnon Vigan
Administrateur civil à la retraite

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