(Tola Koukoui raconte comment Talon a obtenu et vécu la pièce ) Le Président béninois Patrice Talon a créé la sensation ce week-end après avoir assisté vendredi en compagnie de plusieurs personnalités politiques et diplomatiques, à la représentation de la pièce classique« Kondo, le requin » du grand écrivain Jean Pliya mise en scène par le grand metteur en scène Tola Koukoui avec une équipe d’une cinquantaine de comédiens.
Alors que la polémique enfle dans les médias et sur les réseaux sociaux sur la déclaration du chef de l’Etat, La Nouvelle Tribune a reçu à sa rédaction ce lundi 30 mai 2016, l’heureux metteur en scène qui , malgré la fatigue, a livré en exclusivité tout sur les coulisses de cet évènement qui restera gravé dans les annales des manifestations culturelles au Bénin.
Talon, roi soleil du Bénin ! Beaucoup n’hésitent pas à voir en le nouveau Président du Bénin un homme d’Etat déterminé à promouvoir la culture et l’art comme le légendaire Louis XIV pour la France. Et pour cause, il a demandé et obtenu vendredi 27 mai dernier, la représentation de pièce « Kondo, le requin » du grand écrivain Jean Pliya à laquelle il a personnellement assisté en compagnie non seulement de son épouse mais aussi de tout le gratin de la classe politique béninoise dont les députés avec Me Adrien Houngbédji, le Président du parlement, les ministres de son gouvernement de même que le corps diplomatique accrédité au Bénin et bien d’autres spectateurs VIP. Déjà fort symbolique en soi, l’évènement sera marqué par une déclaration inattendue du président Patrice Talon : « Le Bénin est une mer de compétences ». Soit une rectification de sa malencontreuse déclaration du 27 avril à Paris où il affirmait que « Le Bénin est comme un désert de compétences (lire ici) ». Depuis, les Béninois se demandent ce qui se passe. De quoi chercher à rentrer dans les coulisses de cette représentation théâtrale à l’issue euphorique.
Lire Patrice Talon après la pièce théâtrale « Kondo le requin » : le Bénin est une mer de compétences
L’insaisissable Talon
Tola Koukoui. Ce solide septuagénaire est le grand metteur en scène, l’homme-orchestre par qui la magie de la représentation de « Kondo, le requin » a fait un effet sur le Président Patrice Talon. Sur invitation du directeur de la publication de la Nouvelle Tribune, il confie comment c’est arrivé. Tout est allé très vite selon le metteur en scène qui dit ressentir encore de la fatigue. Il a été contacté en début de semaine passée, précisément le lundi 23 mai de la présidence par un collaborateur du chef de l’Etat qui souhaiterait voir la pièce qui a déjà été présentée les 14, 18, 19 et 20 à l’Uac, à l’Ifb et à Porto-Novo. « Lundi 23 mai, j’étais chez moi… le téléphone sonne. C’est la présidence qui m’appelle pour me demander de la part du Président si ça ne me gênait pas de lui donner une représentation de « Kondo, le requin » parce qu’il a des invités » raconte Tola Koukoui ajoutant « J’ai pris ça pour une plaisanterie. J’ai dit à la personne qui m’appelait, je ne discute pas de ce genre de choses au téléphone, je vous donne mon accord de principe mais c’est bien que je vous voie, venez prendre le café à la maison ».
Pourtant c’est bien vrai. Le lendemain, l’envoyé spécial du Président Talon rencontre physiquement le metteur en scène. « Mardi, il- l’envoyé du Président- était à la maison, je l’ai vu physiquement, j’ai commencé à prendre ça au sérieux ». Il aura donc fallu deux jours de répétition pour Tola Koukoui et ses comédiens professionnels. Ce n’est pas qu’eux seuls. Le Président Talon s’est aussi physiquement impliqué dans les préparatifs du spectacle. Tola Koukoui nous apprend que c’est le Président lui-même qui a choisi le Palais des congrès, une salle fermée au lieu du Palais royal de Porto-Novo pour éviter que la pluie ne gâche la soirée théâtrale qu’il veut vivre et faire vivre. « Il n’a pas eu envie de recourir à la tradition pour arrêter la pluie puisque nous sommes en pleine saison des pluies » souligne Tola Koukoui. Et ce n’est pas tout. « Vendredi matin on était en train de préparer la salle quand, à midi, le Président lui-même est venu s’enquérir des préparations. Il a dit : « la lumière est-ce que ça va ? Vous avez tout ce qu’il faut ?, le son, vous avez tout ce qu’il faut ? Ah, le tapis là, ça sent mauvais hein !, vous allez faire quelque chose ? », rapporte le metteur en scène qui ajoute que c’est à ce moment qu’il a choisi sa place, cinq rangs à partir de l’arrière. Il a délimité son emplacement et nous a souhaité bon courage ». Aussi, c’est le Président Patrice Talon qui « a fait confectionner les cartons d’invitation et les a distribués ».
Talon croule sous le poids de l’émotion
Bien que chef d’Etat, comme tout spectateur au théâtre Talon n’a pu résister à l’émotion. La description que Tola Koukoui donne de son état en dit long : « Quand il est monté sur scène, il a dit »je n’arrive pas plus parler, j’ai la gorge sèche ». Il était à côté de moi, tout le monde l’a vu, il était fébrile. Je peux vous garantir que ça fait un choc pour un président de la république… après ce spectacle, il était dans la vérité non seulement de sa charge mais aussi de ses émotions ». Pour le septuagénaire metteur en scène, « Ça c’est extraordinaire ! ». C’est d’ailleurs à ce moment que le Président Talon a fait la déclaration inattendue : « Le Bénin est une mer de compétence » qui dit Tola Koukoui « est devenu maintenant un slogan depuis vendredi ».
Talon comme Gbêhanzin
La pièce « Kondo, le requin » en effet relate l’histoire du règne du légendaire roi Gbêhanzin. Si le Président a souhaité voir la représentation de cette pièce, ce n’est pas pour un évènement spécial mais parce qu’il aurait vu des séquences de répétitions diffusée dans l’émission dominicale de Tola Koukui sur la télévision nationale. Pour celui, ce n’est tout de même pas un effet du hasard. C’est selon le metteur en scène, « parce qu’il-Talon- a un début de règne qui ressemble à peu près au début de règne de Kondo, le requin, Gbêhanzin ». Tola Koukoui croit que le président « s’identifie non seulement au personnage de Gbêhanzin, mais surtout à ce que Jean Pliya fait dire à Gbêhanzin ». Et, a-t-il ajouté, « Au début d’un règne, on a que de la considération, on a que de l’admiration et au fur et à mesure que le règne prend son envol, là on se rend compte que ce n’est plus l’euphorie, la même joie qu’au début. On rentre dans la réalité du règne, et là les choses se déclinent tout à fait autrement. Et je crois que ça l’a touché ».
Talon honore les artistes
Selon Tola Koukoui, ce qui s’est passé ce vendredi 27 mai au palais des congrès ne s’était pas produit ces dix dernières années au Bénin. « Ça ne s’est jamais vu dans ce pays. Surtout ces dix dernières années que j’ai passées ici. Je n’ai jamais vu un politique et encore moins le premier des politiques s’appuyer sur un texte de théâtre, s’identifier à un personnage, être touché par l’interprétation, la représentation au point d’en être transporté , de manquer de mots, être transi d’émotion » témoigne avec vivacité le metteur témoin de l’actualité dans son pays. Pour lui, c’est un grand honneur que le président Talon fait aux artistes de son pays. « Je bénis le ciel. J’étais très heureux… Je dis c’est un grand honneur qu’il nous a fait. Je ne dis pas que le théâtre Kaïdara, je ne dis pas que le théâtre, je dis les artistes en général toutes disciplines confondues » se réjouit Tola qui, pour sa part, voit également qu’ «Il –Talon- a considéré que nous pouvions être des industries de la culture, rapporter des devises si nous étions compétents et il a confirmé que dans notre métier, il y avait de la compétence ». Avant le Président Talon, les Présidents Kérékou et Soglo apprend-il, ont déjà assisté à ses spectacles. Seulement c’est lui, l’artiste qui les sollicitait. « Talon n’est pas le premier président à avoir assisté à une de mes représentations mais Talon est le premier Président à m’avoir sollicité pour lui présenter une de mes mises en scènes » a-t-il fait savoir.
Un marché providentiel
Au-delà de l’émotion, Tola se réjouit d’avoir eu ce marché qui à l’entendre lui est providentiel malgré tout son mérite dans le théâtre. En effet, a-t-il expliqué, après les quatre premières représentations dont celle du 14 mai dernier à l’occasion d’un colloque en hommage à Jean Pliya décédé il y a un an, le metteur en scène était en quête d’argent pour payer ses comédiens. « Je vais vous avouer que quand mon téléphone a sonné… j’étais en train de me demander comment j’allais payer les comédiens pour les quatre premières dates. J’ai réussi à refaire les décors, une partie des costumes, payer les indemnités mais les cachets même, je n’avais pas d’argent parce qu’il n’y avait pas d’entrées… Il fallait que je trouve l’argent là où il est et puis miracle !, il est venu. » a-t-il confié. Mais avant de parler de ce qu’il a reçu du milliardaire devenu Président du Bénin Tola Koukoui clarifie « Je ne fonctionne pas sur l’aspect pécuniaire. Bien évidemment il faut de l’argent pour ça ». Pour ce qui est de la facture poursuit-il, « j’ai fait le devis de la représentation je l’ai envoyé à qui de droit en y incluant modestement ce que je devais payer pour les quatre représentations… j’ai rajouté les raccords que ça me coûtait, j’ai fait un boulot, je lui ai envoyé et deux jours avant j’ai eu l’argent ». Avec cette manne dit-il, « le soir de la représentation, chaque comédien a été payé du premier contrat mais n’a pas été payé de la représentation de vendredi ». Pour le coût de la reprise de ce spectacle qu’il a créé en 2007 et qui a déjà été représenté au Burkina et en Algérie, apprend le metteur en scène, c’est « 22 millions F Cfa ». Mais précise-t-il, « Il –Talon- n’a pas donné 20 millions… Je lui ai vendu le spectacle, ce qui me manquait pour payer les comédiens avec un plus. Je lui ai dit le spectacle coûte tant ». Un montant inconnu que le Président n’a pas marchandé
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