Rencontré à propos du bilan des 100 premiers jours du régime Talon, Barnabé Amangbégnon, Commissaire de police et Secrétaire Général par intérim du syndicat national de la police (Synapolice-Bénin) a livré ses appréciations à la Nouvelle Tribune et expliqué les raisons de l’insécurité grandissante observée ces trois derniers mois.
Monsieur le Secrétaire Général par intérim du syndicat national de la police, nous sommes maintenant à 100 jours du nouveau régime. Quelle appréciation faites-vous de son bilan sur le plan sécuritaire ?
100 jours c’est trop tôt pour parler du bilan du régime du Nouveau Départ sur l’aspect sécuritaire, parce que la sécurité, c’est un ensemble de choses, de dispositifs, de stratégies, d’opérations, de tactiques. Mais en ma qualité d’acteur de la sécurité et au titre de Secrétaire Général par intérim du Synapolice je peux vous dire que sur les 100 jours au niveau de la sécurité on est encore resté sur notre faim par rapport à l’accompagnement du gouvernement aux forces de sécurité publique et assimilées à savoir : la police, la gendarmerie, la douane, les eaux et forêts. Je crois qu’un effort doit être fait pour que la sécurité revienne au sein de la population.
Durant ces trois premiers mois du régime du Nouveau Départ, on a constaté un regain de banditisme et d’insécurité. Comment expliquez-vous ça ?
Regain de banditisme, c’est vrai on peut le voir de cette manière-là, mais il faut tenir compte du contexte actuel de changement de régime et du contexte géopolitique aussi. J’ai eu l’occasion de le dire , lors de la prise de commandement de notre Dg, le contexte géopolitique actuel est aussi favorable à l’insécurité que nous observons chez nous.
Vous avez vilipendé le gouvernement pour avoir décidé de supprimer des barrages policiers et déclaré que les forces de sécurité fonctionnent sur fonds de rançonnement. Pourquoi ?
Ça n’a pas plu aux gouvernants mais je dis, si on veut vraiment faire la rupture, il faut qu’on se dise certaines vérités. On ne peut pas assurer la sécurité dans le tâtonnement. La sécurité a un prix. On ne peut pas assurer la sécurité des personnes et des biens sans un minimum de moyens. La décision de relever les postes de contrôle, c’est bon. Mais, on devrait le faire dans la douceur. On ne devrait pas le faire avec tapage médiatique, et pour le faire, il fallait d’abord s’assurer que les moyens pour accompagner existent d’abord. Ça n’a pas été fait.
Même si ces postes étaient des nids de rançonnement, ils dissuadaient. Quand on a supprimé ces postes-là, est-ce-qu’on a mis suffisamment de moyens pour que les agents soient visibles sur les axes, pour que les patrouilles sillonnent les axes ? Quand vous prenez une brigade de gendarmerie ou un commissariat de police dans les zones reculées quelle quantité de carburant on met à leur disposition ? Il y a quels véhicules pour que les gens puissent circuler et sécuriser la population ? Moi j’ai dirigé le commissariat de Cadjèhoun, je recevais par trimestre quarante (40.000) F Cfa de carburant pour trois mois. Ça n’a pas changé jusqu’à présent. De façon générale, depuis que ce régime est là, franchement pour ma part, je ne vois pas encore de changement significatif. Rien n’a changé, donc il faut laisser le temps au gouvernement de mobiliser les ressources et de pouvoir doter les unités de police et de gendarmerie des moyens adéquats pour qu’on puisse vraiment faire notre travail. Mais cela ne nous dédouane pas. Au quotidien, on fait la sécurité avec les moyens du bord.
Monsieur le SG il y a eu également dans ces trois mois une recrudescence d’ actes de vindicte populaire ; est ce que la police se ne reproche rien dans ce regain de vindicte ?
Comme je l’ai dit, il faut d’abord partir des causes sous–jacentes. Qu’est ce qui amène les actes de vindicte populaire ? C’est parce qu’il n’y a pas de coordination, ni de suivi entre le parquet et les forces de sécurité publique. Il y a des grands bandits qui finissent de purger leurs peines. Avant de libérer ces bandits-là, il faut que le parquet et les instances justicières puissent avertir les commissariats et les brigades qui sont attachés. Cette symbiose permettra aux forces de sécurité publique et aux instances judiciaires de suivre les repris de justice parce que pour la plupart de ceux qui braquent, c’est des gens qui ont séjourné en prison, qui reviennent et le lendemain reprennent leurs forfaits. Donc cette vindicte populaire c’est l’expression d’un ras-le-bol de la population qui pense que rien ne se fait au niveau de la police, la gendarmerie. il n’y a pas cette symbiose, cette collaboration entre les parquets et les juridictions et les forces de sécurité publique en matière de suivi des grands criminels ou de la grande délinquance. Ça, se joue là. Deuxièmement, il faut qu’on revoie le système carcéral chez nous. Au niveau du syndicat, nous avons saisi très tôt le ministre de la justice actuel pour lui dire qu’il va falloir opérer beaucoup de réformes sur le plan des forces de sécurité et des instances judiciaires. C’est resté sans suite jusqu’à aujourd’hui. Le ministre de la justice n’a même pas accusé réception de notre courrier. Troisième chose pour finir avec ce volet, il y a ce qu’on appelle la police de proximité. Nous devons aujourd’hui au niveau de la police et de la gendarmerie, adopter le concept de police de proximité avec une forte collaboration entre les populations et les acteurs chargés de la sécurité. Tant, qu’on ne rassure pas la population, le problème va demeurer.