Bénin : Comment Talon se fait rembourser dans la filière coton

(documents joints réservés aux abonnés) Alors qu’il inflige une sévère austérité aux Béninois, le gouvernement s’emploie méthodiquement à satisfaire les intérêts de son chef. Depuis le 19 avril dernier, le ministre de l’Economie et des Finances, Romuald Wadagni a pris plusieurs arrêtés pour autoriser le remboursement aux différentes sociétés de l’homme d’affaires devenu président de la République les créances que l’Etat a vis-à-vis d’eux et cela, en dehors de toute procédure judiciaire.

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Les discours de campagne le présentaient pourtant comme un philanthrope désintéressé, prêt à faire de tous ses contentieux économiques avec l’Etat et même, si ce n’est pas exagéré, de mettre son immense fortune au service du pays. Ça c’était il y a quelques mois lors des joutes électorales. Mais une fois le pouvoir acquis, Patrice Talon affiche son vrai visage. Celui de l’homme d’affaires impitoyable qui cultive un mercantilisme sans merci. En moins de quatre mois, Patrice Talon qui a désormais les bourses de l’Etat en main, s’en sert à merveille pour se faire rembourser. Rien à voir avec l’état déficitaire des caisses de l’Etat, l’urgence pour le gouvernement c’est de rembourser son chef. Et c’est le ministre de l’Economie et des Finances qui a été commis à cette tâche. Par arrêtés successifs, il a ordonné le décaissement de plusieurs milliards pour rembourser Patrice Talon. En l’espace de trois mois, le gouvernement Patrice Talon a pris 40 milliards de FCfa dans les caisses de l’Etat directement allés dans des poches privées. Le 19 avril 2016, le ministre de l’Economie et des Finances, Romuald Wadagni, a pris un arrêté ministériel pour autoriser, au titre du budget de l’Etat pour la gestion 2016, l’engagement en dépassement de crédits sur la rubrique budgétaire 39482068006319 intitulée «Subvention à d’autres établissements publics» du chapitre «Appui à la campagne cotonnière» pour un montant de 12 490 280 980 F Cfa. Lesdits crédits, précise le ministre Wadagni, permettront de faire face d’une part, aux opérations d’égrenage du coton graine au titre de la campagne 2015-2016 et d’autre part, à l’apurement de la dette de la Sonapra vis-à-vis de la Sodéco.

Et ce n’est pas tout. Le 22 juillet, le même ministre prend un autre arrêté pour autoriser le paiement de 4 304 492 416 F Cfa pour faire face, selon lui, au règlement des créances de la Société de Distribution Internationale (SDI) sur l’Etat béninois suite à la réquisition par l’Etat en 2012, des intrants coton appartenant à ladite société.

On se souvient très bien de cette opération commando (largement en son temps par votre journal) commanditée par Boni Yayi qui a permis de saisir les intrants de la Sdi stockés sur le site d’Atral à Allada. Le 30 mai 2016, un autre arrêté du même ministre autorise le paiement de 1 174 913 263 F Cfa à la société Denrées et Fournitures Agricoles (DFA) en règlement des créances sur l’Etat suite à la réquisition en 2012 de ses intrants coton. Soit au total près de 18 milliards décaissés au profit des sociétés de Patrice Talon (Sodéco et Sdi) et d’Olivier Boko (Dfa).

Lire Saisie hors procédures régulières des intrants de SDI : le gouvernement à la barre ce jour à l’hémicycle

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Si sur l’existence et le bien fondé de ces dettes, on n’a rien dire, on s’interroge sur la procédure et aussi le mécanisme de remboursement. Revient-il à Patrice Talon de se faire rembourser lui-même en dehors de toute procédure ? Dans un pays sérieux – tout le contraire de l’Etat voyou qu’il dénonçait naguère- Chef de l’Etat ne peut pas demander de se faire rembourser aussi facilement par l’Etat.

La dette doit avoir été évaluée par une commission ou la justice et le paiement ne peut aboutir qu’à la fin d’une procédure judiciaire en bonne et due forme. Il ne revient pas à un individu, fût-il président de la république, de se faire payer par le truchement d’un simple arrêté. Ceci pose un véritable problème de conflit entre les intérêts du pays et de son président par ailleurs créancier de l’Etat.

Voir les arrêtés cités dans cet article dans le document pdf du journal (Cliquez ici – réservé aux abonnés- )

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