La présidentielle vire au cauchemar au Gabon. La crise post-électorale tant redoutée s’est emparée de Libreville ce mercredi 31 août à l’annonce des résultats officiels donnant Ali Bongo vainqueur de la présidentielle avec 49,80% des suffrages exprimés contre 48,23% pour Jean Ping, l’ancien Président de la Commission de l’Union africaine.
Un résultat aussitôt contesté par les partisans de l’opposant Jean Ping donnant lieu à des heurts et des actes de vandalismes dont l’incendie du parlement à Libreville.
Comment tout à basculer
Retardée d’une journée, c’est la proclamation des résultats officiels par le ministre de l’intérieur gabonais au siège de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) qui est le détonateur du chao auquel on assiste à Libreville. C’est au terme d’une plénière qui s’est terminé par le retrait en fracas des représentants de l’opposition à la Cenap que le ministre de l’intérieur a fini par livrer le résultat tant attendu consacrant la réélection du Président Ali Bongo Ondimba. En soi, les chiffres portent en eux les germes de la contestation. Proclamé vainqueur sur le fil du rasoir, Ali Bongo ne distance Ping que de 5.594 voix. Et ceci grâce à un score renversant qu’il a réalisé dans le Haut-Ogooué. Ali Bongo a à lui seul, recueilli plus de 95% des voix dans cette région d’origine de son père où le taux de participation avoisine les 100%. Pour les opposants cela est trop beau pour être vrai. C’est alors que les cadres de l’opposition crient au hold-up électoral déchaînant la colère de leurs partisans dans le pays. Manifestant au cri de « Ali doit partir », les partisans de l’opposition sont pris à partie par les forces de l’ordre déjà positionnés pour réprimer les troubles à l’ordre public. Seulement, ils n’ont pu empêcher l’assaut fatal sur le parlement qui a été incendié dans la capitale gabonaise.
Ping et ses partisans sur pieds de guerre
Libreville en flamme. C’est aussi le point culminant d’une série de réactions enflammées du chef de fil de l’opposition qu’est devenu Jean Ping entouré de deux autres anciens ténors du régime Bongo. L’ancien Président de la commission de l’Union africaine a mené une campagne haineuse contre les hommes du régime Bongo qu’il n’hésitait pas à qualifier de « cafards » ou de « rats » selon son inspiration. Bien qu’ayant des origines étrangères avérées, cela ne l’a pas empêché de surfer sur des discours xénophobes allant jusqu’à remettre en cause les origines du Président Bongo, son beau-frère à une époque donnée. Visiblement déterminé , par tous les moyens, à finir avec le régime Bongo auquel il a appartenu, le Sino-gabonais Jean Ping a fortement poussé le bouchon de la violence préméditée dans les derniers instants du processus électoral. En violation des codes démocratiques et des lois gabonaises qui recommandent à tout candidat de s’abstenir de la proclamation de résultats avant les instances habilitées, Jean Ping s’est auto-proclamé vainqueur du scrutin. Il s’est notamment illustré dans une sorte d’incitation à violence déguisée en victimisation appelant les Gabonais à user de tous les moyens pour défendre sa supposée victoire. « Le peuple gabonais qui s’est massivement mobilisé… et qui vient de me porter à la tête du pays ne pourra jamais accepter que cette victoire, sa victoire lui soit volée » a-t-il prévenu lundi dernier ajoutant que « le peuple gabonais défendra par tous les moyens la victoire que tous les faucons civils et militaires sont en train de vouloir lui voler ». A ces déclarations graves s’ajoutent des agitations regrettables de l’opposant allant vers les missions diplomatiques de la France et des Etats-Unis cherchant d’hypothétiques cautions.
La caution de l’Union européenne et la France
Dans ce qu’on est tenté d’appeler la tragédie gabonaise en cours, les observateurs de la mission d’observation électorale de l’Union européenne et les autorités françaises ont leurs parts respectives. C’est sans aucune diplomatie que les observateurs de l’Union européenne ont affirmé tout de go que le processus électoral manque de transparence. « La mission déplore le manque de transparence des organes de gestion des élections » ont critiqué lundi les observateurs qui sont revenus à la charge ce mercredi à quelques heures de la proclamation en exigeant des résultats par bureau de vote. Autant il est à reconnaître la pertinence de la doléance autant, il est à noter la démarche cavalière qui revient à jeter de l’huile sur le feu étant donné la délicatesse de la situation. Encore que d’autres missions d’observations accréditées ont indiqué que le processus s’est bien déroulé en dépit de quelques ratées comme on en enregistre un peu partout dans les démocraties en voie de consolidation comme celle du Gabon. En ce qui concerne la France, elle a jeté le masque à travers la déclaration de Jean-Marc Ayrault, le ministre français des Affaires Etrangères qui a emboîté les pas de la mission de l’Union européenne. Quelques instants après la proclamation de l’élection du Président Ali Bongo qu’il a fait une déclaration met en doute le travail de la Cenap. « Les conditions de l’annonce des résultats de l’élection présidentielle au Gabon sont une source de préoccupation » a critiqué le chef de la diplomatie française avant d’appeler les opposants à user des voix légales de recours. Sauf que la foule déjà déchainée est difficilement contrôlable. Et à présent que le pays tangue, comme le chante Tiken Jah Fakoly, « ils allument le feu, ils attisent, après ils viennent jouer au pompier ».
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