Lutte contre la corruption sous la rupture: Chasse aux fretins, protection des gros poissons

Après près de sept mois  de passage à vide, le gouvernement a fini par rendre public son programme d’action. Très réaliste dans le diagnostic fait, original dans les propositions, cet  ambitieux projet qui reconnaît que  la corruption a un grand impact sur le développement du pays reste curieusement muet sur les mécanismes de son éradication. Surtout la grande corruption qui touche les députés et les membres du gouvernement.

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Il y a  a quelques jours, le gouvernement du président Patrice Talon recevait éloges et félicitations de la part de maints Béninois. Se fendant d’un communiqué, estampillé par sa direction de la communication, il invitait les Béninois à dénoncer les cas de tentative de corruption dont ils seront victimes de la part des forces de défense et de sécurité friands comme on le sait de l’arnaque sur nos voies .Des numéro verts ont été donnés pour que les victimes puissent appeler et dénoncer d’hypothétiques policiers et gendarmes aux mains sales. Bravo, avaient dû affirmer beaucoup d’entre eux las de subir les caprices de ces agents en uniforme très friands d’escroquerie et de chantage de toutes sortes sur nos voies.  Cette mesure venait conforter quelques esprits sceptiques qui n’avaient pas trop cru aux sanctions infligées à certains cadres des Ministères de la santé et de l’Intérieur qui avaient pris quelques libertés avec les fonds publics. Dans son Programme d’action, sous le titre II « Amélioration de la gouvernance »,  le même gouvernement , comme s’il restait fidèle à ces quelques actions d’éclat dans le domaine, fait un brillant exposé sur la problématique de lutte contre la corruption à partir du rapport d’évaluation du Bénin par le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs(Maep) en Janvier 2008. Plus spécifiquement, il expose les travaux d’une enquête qui affirme que 52, 2% des Béninois enquêtés en 2014 sont convaincus que la plupart des membres du gouvernement, voire tous, sont impliqués dans les affaires de corruption ».  Et le programme d’action du gouvernement  continue en citant toujours le rapport de cette enquête : « Cela explique que près des deux tiers des Béninois (74, 2%) estiment que le niveau de corruption a crû au cours de ses dernières années. A leurs yeux, les membres du gouvernement ainsi que certains fonctionnaires deviennent intouchables, tout le système étant corrompu. La corruption est perçue par les populations comme une gangrène freinant le développement et 35% des Béninois sont convaincus que les gens ordinaires ne peuvent rien faire contre la corruption ».  Il est donc évident que le gouvernement reconnaît le niveau de corruption atteint par les autorités politiques.

Gros poissons protégés

Chose surprenante, après avoir fait cet excellent diagnostic, rien n’a été proposé de concret pour y remédier. Car, le gouvernement n’a sorti que des mesures trop classiques et trop peu efficaces . On peut citer la restauration de l’autorité de l’état et des valeurs éthiques, l’utilisation des compétences et des conditions de travail, le renforcement de la qualité des services publics. Autant de mesures cosmétiques pour lutter contre un vrai fléau. Pourtant, les discussions de ces dernières années, ont permis d’envisager des pistes de résolution contre la grande corruption qui sévit au sommet de l’Etat. On a beaucoup glosé sur la nécessité de simplifier la procédure de levée d’immunité du président de la république, des membres du gouvernements et des députés de l’Assemblée nationale, sur l’exigence de la déclaration du patrimoine à l’entrée et la fin de service de ces autorités, l’application stricte et sans restriction de la loi sur la lutte contre la corruption et les infractions connexes… Bien que le document ait reconnu que le manque de sanctions et le non respect des textes freinent le développement du Bénin, il est curieux de voir le gouvernement afficher assez de magnanimité vis-à-vis de la corruption des «gros poissons». Les concours entachés de fraude ont bel et bien été annulés , comme l’espéraient bon nombre de nos compatriotes .Cependant, à ce jour, personne n’a été sanctionné et les auteurs de cette vaste supercherie courent toujours.  De même, on comprendra difficilement le gouvernement dont le chef a prôné la rupture pendant les campagnes s’il ne fait rien pour faire la lumière sur les affaires Icc-services, Cen Sad, machines agricoles  qui ont fait perdre des milliards à l’économie nationale.  Les nombreux audits commandités au début du quinquennat ne serviraient aussi à rien puisque le gouvernement semble clairement abandonner le chantier de la poursuite des gros corrompus. Tout ce qui s’est passé semble être classé définitivement au magasin des accessoires. La gouvernance par l’exemple prônée par ce régime et les déclarations de bonne intention sur l’éradication de la corruption n’apparaitront désormais que comme des chimères. 

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