Patrimoine : des faux-pas du régime Talon, retour improbable, dans l’état, des trésors béninois de la France

Invités de la deuxième manche de l’acte 11 des Rencontres mensuelles de la culture au Centre Artisttik Africa ce samedi à Cotonou, le professeur spécialiste de droit culturel Victor Tokpanou et le gestionnaire de patrimoine Happy Goudou, ont relevé des maladresses dans la démarche du gouvernement béninois visant à faire rapatrier au Bénin les trésors culturels du royaume de Danxomè illicitement emportés en 1892.

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Le retour en terre béninoise des biens culturels du Bénin en France n’est pas pour demain. Annoncé en Conseil des ministres en juillet dernier la demande de restitution formulée par le gouvernement ne s’est pas faite dans les conditions requises selon le professeur spécialiste de droit culturel Victor Tokpanou et le gestionnaire de patrimoine Happy Goudou.

Invités samedi 22 octobre au centre Artisttik Africa pour la deuxième partie du débat sur cette restitution, ils ont relevé des éléments décevants dans la démarche du gouvernement béninois. Ils ont d’abord fait savoir qu’en plus d’une loi nationale, cette demande de restitution de biens culturels ne peut que se faire selon les prescriptions de deux conventions à savoir, la convention de l’Unesco de 1970 et la Convention Unidroit de 1995.  A ce propos explique le professeur titulaire de Chaire Unesco, au regard des dispositions conventionnelles, que ce soit celle de l’Unesco ou celle par l’Unidroit, il y a une première obligation qui est faite aux Etats parties, qui est celle de « dresser une liste de leurs patrimoines sur leurs territoires ou en dehors ».

C’est à ce niveau que se trouve une première faiblesse dans la démarche du gouvernement. « Le Bénin n’a jamais eu cette liste et brusquement on s’engage dans une procédure de revendication alors qu’on ne sait pas par définition ce qu’on demande » déplore professeur Tokpanou. « Malheureusement la  question de l’inventaire se pose. Le Bénin n’a pas une liste exhaustive de ses biens » confirme le gestionnaire de patrimoine béninois. Une source du ministère béninois de la culture a aussi confié au professeur Tokpanou que cette liste n’a jamais existé.

« Une démarche trop précoce »

En dépit de l’inventaire exhaustif, le Bénin pouvait prétendre au retour de certains biens qui selon Happy Goudou ont encore des preuves immatérielles de leur appartenance au Bénin. Pour ce faire, il faudra nécessairement se baser sur les conventions internationales.  « La convention Unidroit devrait aider le Bénin à récupérer ses biens mais malheureusement, le Bénin n’a pas ratifié cette convention qui a été mise en application depuis 1998 » apprend Happy Goudou. Encore moins la convention de l’Unesco selon le professeur.  « A titre personnel, j’ai beaucoup de réserve par rapport à la démarche…  A mon avis, c’est une demande un peu trop précoce » lance le professeur qui regrette que le gouvernement n’ait pas pris le temps nécessaire pour préparer la requête dans les conditions requises.  

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« Ces biens étaient en France depuis je ne sais combien de décennies et brusquement, sans connaître la liste de nos biens culturels, sans savoir dans quel cadre juridique s’insérer… on n’a rien fait et puis badaboum, à la faveur d’un conseil des ministres on nous apprend que c’est décidé » fustige-t-il estimant que « Les motivations sont ailleurs ».  Aussi a-t-il encore fustigé « Je trouve que c’est mettre la charrue avant les bœufs » ajoutant  « Il y a beaucoup de préalables à réunir ».

Il  fait notamment référence à la nécessité de ratification des conventions internationales sans oublier que la seule loi au plan nationale à savoir, la loi n°2007-20 du 23 août 2007 portant protection du patrimoine culturel et du patrimoine naturel à caractère culturel en République du Bénin est sans décret d’application. En dehors des textes, il regrette que le gouvernement n’ait pas pris le soin d’aménager les cadres devant accueillir en toute sécurité les biens culturels une fois de retour.  Selon lui, en l’état actuel des choses, même l’Unesco ne peut accompagner le Bénin dans sa démarche. Le professeur et le gestionnaire de patrimoine demandent à cet effet au gouvernement béninois de corriger le tir puisqu’il n’est pas encore tard pour bien faire même si le processus risque d’être assez long.

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