Les secrets de l’Allaitement maternel exclusif à bébés multiples

Dans le département du Plateau où le taux de la pratique de l’Allaitement Maternel Exclusif est le plus faible au Bénin et où certains parents pensent qu’il est impossible de respecter cette prescription alimentaire mondiale déjà avec un seul enfant, des mères de jumeaux y ont foi et la suivent strictement. A la découverte de leurs secrets qui rendent possible l’AME avec plusieurs bébés à la fois.  

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Hôpital de zone de Pobè dans le département du Plateau. Dame Marthe Ziangbé honore ce vendredi 14 octobre 2016, le rendez-vous de 9 mois pour la vaccination de ses jumeaux. Ils sont un garçon et une fille, beaux et visiblement en très bonne santé. Assise sur un banc sous un arbre dans la cour de l’hôpital, elle leur donne son sein. C’est ce qu’elle fait exclusivement depuis 9 mois pour subvenir aux besoins nutritionnels de ses enfants, à l’en croire. «On m’a dit de leur donner le lait maternel seul pendant six mois avant d’ajouter autre chose. Au départ je n’y avais pas cru. Mais curieusement même après les six mois, j’ai continué avec le lait seul parce qu’eux mêmes –ses enfants- refusent la nourriture», nous raconte cette dame qui fait cas de réussite de l’AME avec plusieurs enfants. Elle n’est pas la seule dans la zone. A son 4è geste, Abèbi Ibikunlé, résidant au quartier Adjégounlè, témoigne que depuis six semaines, ses deux bébés ne sont nourris qu’au lait maternel et qu’elle ne pense pas leur donner autre chose avant les six mois conseillés.

Des embûches sur le chemin

Le respect d’un tel engagement n’est pas sans difficultés pour ces femmes. «Tu n’arrives plus réellement à faire autre chose ; tu n’arrives même pas à dormir comme il le faut ; à peine tu finis avec un bébé que l’autre se réveille. La  nuit, il faut beaucoup veiller.» raconte Marthe Ziangbé. «Moi, je n’ai pas trop de difficultés mais j’ai régulièrement faim.» confie Abèbi Ibikunlé. A l’opposé, Albert A. Dossou, couturier et père d’un triplet au quartier Afésèda dans la commune d’Adja-ouèrè a connu d’énormes difficultés dans son foyer surtout que la mère de ses filles a été hospitalisée pendant sept mois compte tenu de son état de santé. Ne voulant pas trop revenir là-dessus, il se confie seulement à Dieu à qui il rend grâce de l’avoir aidé, par le biais de personnes généreuses, à quand même respecter l’AME et nourrir ses filles aujourd’hui dans leur troisième année.

En dépit de tout, nos interlocuteurs conseillent tous qu’il faut rester fidèle à cet engagement quel que soit le prix à payer. Ceci, au nom du devoir parental et des avantages pour les enfants.

Les voies de sortie

La foi et l’engagement dont font preuve ces parents constituent déjà une source pour réussir l’AME. Mais en plus, Marthe Ziangbé avoue les efforts énormes de son mari –peintre bâtiment- pour la disponibilité de la nourriture en quantité suffisante. «Je mange bien, surtout la pâte, et le lait sort bien.» témoigne-t-elle. A l’entendre comme les autres mères et celles qui les sensibilisent, la nourriture est un pilier majeur pour réussir l’AME avec les jumeaux. «Quand les enfants tètent, j’ai l’impression qu’ils me vident de ce que j’ai mangé. Donc il faut suffisamment de la nourriture pour pouvoir les allaiter correctement» apprend Abèbi Ibikunlé qui même en cas d’insuffisance de nourriture, comme elle en vit parfois, conseille la bouillie de farine de maïs communément appelée ‘’Gbahoungba’’. «Cela donne de l’énergie à la maman.» Ce palliatif, le vieux commerçant Honffo Dénakpo, un des sages de Pobè ne le partage pas du tout. «La femme qui allaite ne doit pas manquer de nourriture ; elle ne doit plus être celle qui va au champ ou au marché chercher ce qu’elle va manger. Si aujourd’hui, c’est de la pâte qu’elle doit prendre, et que faute de nourriture, elle délaie du gari, les enfants n’auront pas suffisamment de lait»  défend le vieux. Il est soutenu dans cette position ferme par Edoun Charline, relais communautaire travaillant dans le quartier Okéola. Celle-ci affirme : «Si la maman trouve ce qu’elle doit manger à sa faim,  elle sera  à l’aise et disponible à allaiter les enfants exclusivement au sein ; mais si elle ne trouve pas à manger, elle sera faible, elle va commencer par donner des bouillies bizarres à l’enfant.»

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L’autre source de réussite de l’AME chez ces mères de jumeaux, c’est aussi l’accompagnement de leur mari respectif pour les travaux domestiques. «Mon mari ne réside pas ici. Mais quand il s’est agi de jumeaux, il a décidé de venir rester ici. Parfois il m’aide pour la lessive, la cuisine,… La nuit, il veille avec moi. Avant de repartir, il m’a pris une domestique. C’est cela qui m’a aussi beaucoup soulagé» confie Marthe Ziangbé. «Ce n’est pas l’affaire d’une seule personne» martèle Abert Dossou, le père du triplet. Par contre, Abèbi Ibikunlé dont le mari est un conducteur de taxi, n’a pas cette chance. «Mon mari fait ce qu’il peut faire s’il est présent ; en son absence, je me débrouille seule.» A propos, Dr Félix Sonon, Chef service nutrition au ministère de la santé réagit : «Non ! Le rôle de mari aujourd’hui va au-delà. Nous allons subvenir à l’alimentation mais aussi soutenir psychologiquement ces femmes.» Egalement, il insiste sur le rôle des parents autour de ces femmes et exhorte à la solidarité

L’éducation à l’AME en panne à Pobè

Axe important pour la pratique de l’AME, l’éducation n’est plus de mise dans la commune de Pobè. Pour cause, ces femmes appelées relais communautaires qui s’en occupent en passant dans les ménages ont abandonné le travail depuis près de deux ans, d’après Epiphanie Egbébi, l’une d’entre elles. Intervenant notamment dans le quartier Adjégounlè, elle rappelle que c’était un projet conduit par l’Unicef pendant 18 mois avant d’être laissé à la charge de la Mairie. Mais après quelques mois, celle-ci a été incapable de payer les émoluments qui s’élèvent à 10.000 F Cfa par trimestre avec une prime de performance dont le seuil est fixé à 5.000 F Cfa. «Avec ce peu, la mairie nous doit beaucoup», souligne Epiphanie Egbébi.

L’équipe dirigeante de la municipalité de Pobè se dit ne pas avoir connaissance de ce dossier sous prétexte qu’elle s’est installée il y a un an, à en croire le 2ème adjoint au Maire, Janvier Odoun. Au nom de la Mairie, il prend quand même l’engagement de se pencher sur la question. En plus, il plaide pour une collaboration étroite entre la mairie et l’hôpital de zone de la commune mais aussi demande l’aide du ministère de la santé pour l’élaboration d’une feuille de route leur permettant de remonter la pente de  l’AME dans leur commune.

Interrogé sur le sujet, le Chef service nutrition au niveau du ministère, Dr Félix Sonon, regrette la situation. Pour lui, sans ces relais communautaires avec les femmes dites femmes modèles formant le groupe de soutien, l’AME n’a pas d’avenir. «L’allaitement maternel, ce n’est pas dans les bureaux, ce n’est pas au ministère ; c’est dans la communauté.» soutient le médecin. A ses dires, cette situation est arrivée par manque de dispositions pour prendre le relais après le retrait du partenaire technique et financier.  Vu l’ampleur de la situation, le ministère de la santé a élaboré la politique de la santé communautaire qui décrit entre autres, la manière dont ces relais vont travailler et seront pris en charge. Mais toujours est-il que ce sont les pouvoirs décentralisés qui sont mis au cœur de cette politique. Car, justifie-t-il, «c’est eux qui peuvent valablement prendre en main la prise en charge de ces femmes». «Le plan est déjà tracé, ce n’est pas l’Etat qui va quitter Cotonou pour régler tous les problèmes au niveau des villages ; ce sont les maires, les chefs arrondissement, les délégués… qui vont nous aider. Et ça tarde à venir.» ajoute-t-il. A propos, le 2ème adjoint au maire de Pobè promet: «Nous sommes prêts pour suivre le chemin que vous aurez à nous tracer pour qu’à la fin nous soyons peut-être premier des départements du Bénin.»

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